Avec stupeur, il se réveilla encore, toujours parmi les vivants. Il était seul, même s’il pouvait ressentir les effluves de chakra que les deux Soldats chargés de veiller sur sa sécurité et celle du temple, quelques dizaines de mètres plus loin. A peine eut-il le temps d’ouvrir les yeux et de comprendre sa situation que son corps fut irradié de douleur : des flashs lui rappelèrent la foudre de l’Homme au Chapeau, et sa forêt effondrée s’immobilisant au-dessus de la tête de ce dernier. Le sourire fantasmagorique de ce cauchemar s’insinua dans son esprit. Il était vivant parce qu’on avait voulu qu’il soit vivant ; parce que l’Homme au Chapeau avait préféré qu’il survive pour témoigner de sa puissance.
Shinpachi était l’être torturé qui prouvait, par le miracle de sa survie et les immondices dont son corps était parcouru, que l’ennemi de la Coalition était un fléau sans pareille mesure, et que quiconque osait l’égaler se retrouverait au ban de la vie, à la frontière des limbes mortifères. Monument martyr, le Shinrin se rallongea pour apaiser ses membres, se décontracter au mieux afin de s’épargner de plus vives souffrances. Pourtant, ses membres furent atteints de spasmes tant que tout son corps parût se mettre à vibrer, comme s’il était victime d’un tremblement de terre. La chose tira sur ses tissus musculaires, ouvrît légèrement des cicatrices encore saignantes, le laissât dans une telle débauche de souffrance qu’il hurla, encore, faisant résonner sa voix dans le temple comme si un spectre l’habitait.
La crise cessa et le laissa, une énième fois, dans son état d’agonie.
« A l’aide… »
Dehors, les deux Soldats de l’Unité Impériale s’étaient raidis. Ils avaient avant de venir entendu parler du calvaire que le Lieutenant vivait depuis sa défaite contre l’Homme au Chapeau ; on leur avait dit qu’il avait été puni d’avoir survécu, et que son sort était plus terrible que la mort. Cela avait ajouté au renom et à la terreur que pouvait leur inspirer le Maître des Pendules, celui qui, selon les sources rapportées par Kogami Akira, pouvait faire cesser toutes techniques en bloquant leur déroulement. Les commérages avaient pris une ampleur considérable, tant qu’ils avaient voulu voir le cadavre ambulant du Shinrin dont on racontait le prestige et la vaillance passés.
Passés, oui. Car lorsqu’ils avaient vu ce corps momifié et hideux, étendu sur un lit de paille, ils avaient vite compris que cet être serait marqué à tout jamais, précipité dans un cauchemar sans fin. La pestilence de ses plaies et de ses cloques leur ôta toute envie de rester ; ils le laissèrent ainsi à son sort, mais en demeurant alertes. Chacun des cris poussés par Shinpachi leur glaça le sang.
Toujours devant le temple, ils observèrent l’arrivée d’un nouveau visiteur ; nombreux étaient ceux qui voulaient voir le macchabée, mais il fallait pour cela avoir droit de passage. Seuls quelques autorités et des privilégiés pouvaient se permettre de visiter le monument de chair ; et Hanzô faisait partie de ceux-là.