La surveillance aux postes avancés disséminés dans les montagnes qui cerclaient la cité de la roche était une activité rébarbative, mais elle était aussi impérative pour le village que l’action de respirer pour un être humain. Sans attention constante portée vers les régions environnantes, Iwa devenait en effet une proie facile pour tout type de groupuscules un tant soit peu organisés et, si la présence pré-supposée de ce cordon de surveillance suffisait bien heureusement à démotiver la quasi totalité de leurs assaillants potentiels, c’était justement pour ces quelques personnes singulièrement fêlées, compétentes, déterminées, ou toutes ces choses à la fois que le maintient du niveau de sécurité était important.
Si Yanosa aurait apprécié de pouvoir faire toute autre chose que de s’occuper de son cadran, il avait cependant conscience de participer à ce grand tout qu’il cherchait non seulement à préserver, mais aussi à développer, et cette pensée seule lui suffisait pour pouvoir aborder son travail avec toujours plus de zèle. Perché sur un piton rocheux camouflé par la végétation en plein essor de l’été à flanc de montagne, le guerrier tellurique propageait donc en continu son essence dans le sol, emmagasinant une foultitude de détails qu’il filtrait efficacement par la force de l’habitude. Le moindre cerf, le moindre loup, le plus petit rongeur qui pouvait fouler la Terre à des kilomètres à la ronde : rien ne pouvait lui échapper. Avec le temps, l’Oterashi avait parfait l’utilisation de cette technique, l’avait peaufinée jusqu’à avoir l’impression, lorsqu’il en faisait usage, qu’il devenait la Terre elle-même, oubliant son identité presque dissoute dans l’élément qu’il incarnait. Et en cet instant, tout autours de lui semblait suivre son propre cours d’existence, individuel et unifié à la fois.
Jusqu’à ce moment, cependant, où les vibrations caractéristiques d’un galop isolé lui parvinrent. Un cheval, sans aucun doute, sellé et monté à en juger par son poids qui se distribuait en cadence dans le sol par les sabots. Le sentiment d’urgence qui s’empara de Yanosa resta très mitigé : la monture, en effet, n’arrivait pas vers eux : elle quittait le village. Rouvrant les yeux, le guerrier tellurique sauta rapidement d’une cime à l’autre jusqu’à un autre surplomb, sans perdre la trace de ce cavalier esseulé qui partait vers le nord. Joignant alors sa perception du chakra à celle des sensations qui lui remontaient par le sol, l’Oterashi marqua un moment d’arrêt, reconnaissant aisément la signature d’énergie qu’il détecta sur le cheval.
« ...Yume. Que vas-tu donc faire par là... »
La jeune princesse n’était du point de vue du village que Genin, et n’avait donc sur le papier aucun droit de quitter ainsi le périmètre sans être accompagnée. En l’occurrence, aucun autre chakra ne se trouvait à ses côtés, et c’était donc bien seule qu’elle chevauchait en direction du nord, de ses vastes contrées et de ses métropoles. Étonnant, se dit le guerrier sans visage, car si il y avait une destination qu’elle aurait été susceptible de prendre de façon aussi impulsive, ç’eut été l’est et ses ports, ses navires, susceptibles de la conduire jusqu’à Wasure et sa désolation en quête de rédemption. Que pouvait-il bien se trouver, au nord, qui suscite ainsi son empressement soudain ?