Aizen était rentré de son entrevue à l’institut scientifique. Il ne pouvait nier une certaine colère qu’il avait bien enfoui. Alors qu’il était fier de son génie il avait vite déchanté face à cette scientifque, cette Suzuri Mai. Elle semblait ne pas reconnaître le génie de son projet et n’avait fait qu’émettre une grande retenue face à ce dernier. Bien qu’elle défendît son comportement en disant devoir analyser tous les aspects elle aurait plutôt dû s’attarder sur la révolution qu’apporterait une telle invention. Car Aizen était persuadé que cela changerait la facette du monde. Mais il le savait, chaque génie avait tôt ou tard à faire à des détracteurs. Il devait y faire face dès les premiers pas.

Il ne comprenait pas notamment pourquoi elle se braquait sur un soi-disant danger pour la biodiversité des lucioles. Aizen l’avait pourtant répété, il ne serait pas question d’exploiter cet animal pour éclairer le pays, ce serait ridicule et contreproductif pour son idée de créer un système complétement autonome. L’utilisation de la luciole était simplement là pour étudier ce phénomène de bioluminescence, découvrir ses secrets et tenter de le reproduire.

Mais Aizen l’avait compris, Kumo était encore un village bloqué avec un aspect éthique qui devrait être réservé aux faibles. Comment avancer avec ce genre d’état d’esprit, préserver quelques lucioles, en quoi leur vie était-elle importante par rapport aux progrès des humains ? Les premiers hommes s’étaient-ils inquiétaient du sort des animaux qu’ils avaient abattus pour se couvrir durant l’hiver ? Surement pas. Ici il était question de la même chose, ils avaient besoin de percer le secret de la lumière afin que l’Homme ne se retrouve plus jamais dans l’obscurité. Kumo se pensait sans doute moderne avec de tels choix, ils ne faisaient qu'un pas en arrière en se bridant autant.

Ainsi il savait ce qu’il devait faire, il devait absolument retravailler ses notes car l’institut allait passer les récupérer. Il ne souhaitait pas qu’une quelconque maltraitance remonte aux oreilles des autorités, bien que ce soit ridicule qu’une telle chose soit proscrite mais il n’était pas le chef du village, pas encore… Alors il allait se plier à cet état d’esprit ridicule.

Il se plaça sur son bureau et prit ses notes qui ne ressemblaient qu’à des brouillons, il prit deux calpins et commença à écrire. Il écrirait deux fois la même chose sur ces deux calpins devant lui afin de garder un exemplaire pour lui, au cas où l’institut ne donnerait jamais suite à ses idées. Il se devait de conserver une trace car il avait un plan de secours au cas où, dans tous les cas son projet verrait le jour avec ou sans l’aide de Kumo. Il le devait, pour Kougen.

Nara Aizen a écrit:

RECUEIL D’EXPERIMENTATION SUR LA BIOLUMINSECENCE CHEZ LES LUCIOLES
Par Nara Aizen

Ce recueil regroupe les notes du Chûnin de Kumo Nara Aizen pendant son étude du phénomène de la bioluminescence chez les lucioles.

Le but in fine est d’être capable de façon complètement synthétique ou naturelle de générer de la lumière et de créer tout un système autonome autour de cette invention. Cette volonté d’autonomie écarte l’utilisation d’être vivant demandant un investissement d’attention constante que ce soit animal ou végétal.

Ainsi l’étude qui suit utilise des spécimens seulement pour la compréhension du procédé. Concernant l’exploitation il s’agira, une fois les secrets de la bioluminescence percés, de trouver comment reproduire ce phénomène de façon massive et peu couteuse que ce soit pour le bilan environnemental et humain.

Note N°1 :
• Le spécimen semble posséder une horloge biologique lui indiquant la tombée de la nuit sans pour autant avoir besoin d’indication lumineuse.
• Il paralyse sa proie en lui administrant un venin avant de la manger vivante.
• Les lucioles utilisent un moyen de communication basé sur de légers clignotements du système lumineux de leur abdomen. Elles semblent surtout l’utiliser dans leur recherche de partenaire sexuel.
• Les femelles ont un gabarit plus imposant que les mâles.

Note N°2 :
• Découverte notable : Il semblerait que même sans vie, le corps de la luciole continue d’émettre sa lumière. Quel que soit le système permettant cette bioluminescence il ne nécessite pas d’être présent dans un organisme vivant, à première vue. A noter que certains spécimens étaient en fin de vie, car décédés sans aucune raison notable. Je ne peux estimer le cycle de vie de la luciole. Néanmoins je profite du décès de ces quelques spécimens pour faire des observations post mortem.

Note N°3 :
• La lumière s’estompe petit à petit plutôt que de disparaitre comme quand on éteindrait une lampe à huile. Au bout de 354 secondes la lumière commence à décliner peu à peu pour devenir inexistante après la 718ième seconde.

Note N°4 :
• Le délais qui s’écoule avant extinction totale de la luminosité de l’abdomen semble varier entre chaque individu. Il n’est à première vue soumis à aucune logique physique visible telle que la masse ou le sexe des spécimens.

Note N°5 :
• La chaire de la luciole contient deux parties : une sombre et une claire. La partie claire, plutôt blanchâtre, est celle qui émet de la lumière. Concernant la fine carapace sur cette chaire elle est aussi divisible en deux parties. Une partie sombre et opaque et une partie transparente. Cette dernière se superpose à la partie claire de la chaire. Il apparait donc que la carapace est translucide à cet endroit pour laisser la lumière passer. C’est bien donc l’intérieur du corps de la luciole qui produit cette lumière.

Note N°6 :
• Un spécimen mourant pour cause de sous-nutrition semble perdre sa capacité à émettre de la lumière. Pourtant le spécimen est encore bel et bien vivant, le manque de nourriture semble altérer cette capacité. A noter que j’ai volontairement rationné certains spécimens pour cette observation.

Note N°7 :
• Il semblerait que la capacité à émettre de la lumière chez le spécimen est proportionnelle à la quantité de nourriture ingérée. Si le spécimen n’est pas nourri il ne pourra plus du tout éclairer mais s’il est rationné il pourra émettre qu’une faible lumière. De plus, l’incapacité à émettre semble ne jamais être définitive. Le spécimen recouvre sa capacité totale après avoir repris une alimentation normale. Aucun spécimen n’a donc gardé des séquelles suite à cette restriction alimentaire passagère.

Note N°8 :
• Un mélange des deux éléments principaux (abdomen de la luciole et limace représentant sa principale alimentation) dans la génération de la luminosité des lucioles permet, une fois chauffé, de recréer la réaction en dehors de tout être vivant. Ce résultat présente néanmoins encore plusieurs faiblesses. La luminosité générée est très faible et éparse dans le mélange. Le mélange se consume au fur et à mesure qu’il est chauffé jusqu’à complétement disparaître. Le fait de chauffer le mélange induit que l’autonomie du système est en l’état impossible. Les abdomens utilisaient pour cette expérience proviennent seulement des spécimens morts naturellement.

Aizen se relu plusieurs fois, il était satisfait. Il aurait pu retirer certains passages mais il préféra remanier la vérité. Au final il avait seulement caché la mort volontaire de plusieurs spécimens, mais qu’est-ce que cela pouvait bien changer. Toutes les lucioles qui lui restaient seraient de toute façon remises à l’institut scientifique lors de leur visite. Il prit soin de ranger un des deux recueils qu’il venait d’écrire puis il brûla ses brouillons afin que toute preuve soit effacée. Il était maintenant prêt à ce que l’institut réquisitionne le tout.