Par delà les quais, le roulis des vagues berçait le port de Kirigakure no satō. Le souffle de Repun-kamuy, esprit de la mer, veillait sur l'Urumi et les siens, à chaque instant. Le balafré fixait l'horizon, que Kiri drapait de ses voiles lactescents. Qu'importe le brouillard, songeait le citoyen de la Brume: il avait grandi dans cet élément, il était naturel de le confronter même sur les flots.
Plus tôt dans la journée, alors que le crépuscule du matin prenait place, Shitekka fut mandaté pour une nouvelle mission. L'objectif s'annonçait simple : partir à la chasse en mer. La nature du fléau demeurait à l'heure actuelle indéterminée. Mais, aux côtés d'un autre soldat de la Brume, l'enfant de Saroruncasi se chargerait de lever le voile sur cette créature menaçante et l'éliminer définitivement. Malgré le danger qui planait sur les marins d'Asosan, cette aventure évoquait pour l'Urumi des souvenirs d'enfance. Il se rappelait de ses escapades en mer, lorsqu'il accompagnait son père et les autres hommes du kotan. La pirogue tanguait mais tenait bon, alors que les harpons perçaient l'eau et les chairs.
Alors Kaguya Shitekka quitta sa demeure pour rejoindre le port Naragasa. Là l'attendrait un second Kirijin pour l'épauler dans sa mission. Son nom lui était inconnu. Ils apprendraient probablement à se connaître au cours du trajet les conduisant sur l'île d'Asosan. Pour l'heure, une fois sur les quais réservés aux forces militaires, il patienta devant le bateau qui leur était apprêté. Quelques marins s'agitaient pour charger le navire avant le départ. Après quelques minutes d'attente, le balafré fut rejoint par un homme qui correspondait probablement à son acolyte. Le shinobi portait sur lui une imposante arme intégralement recouverte de bandages.
« Ko…ei no Honryū, je présume ? Shitekka lui tendit une main amicale, mais surtout protocolaire. Kaguya Shitekka, Jōnin de la Brume. Je serai votre équipier pour cette chasse à la bête. »
Les présentations faites, les deux hommes embarquèrent pour le navire. Avec l'ancre larguée, le bateau se laissa porter par les vents en direction du sanctuaire des gladiateurs qu'était Asosan. Revigorés par la fraîcheur de la mer, les deux ninjas échangèrent quelques mots à l'avant de l'embarcation. L'œillade mordorée du guerrier-rapace filtrait à travers les quelques nuages de brume qui ponctuaient leur traversée.
« D'après ce qu'on sait, les attaques ont eu lieu sur la côte sud d'Asosan. M'est d'avis qu'il s'agissait d'une baleine, ou un gros requin. M'enfin, on verra bien sur place. »
A vrai dire, le ninja se souciait peu de la nature exacte de la créature à neutraliser. Son expérience passée couplée à son répertoire de techniques ninja lui donnaient la confiance nécessaire pour affronter avec assurance la dite menace. Néanmoins, afin de briser la glace, et d'interloquer son allié, il préféra recueillir au préalable son avis sur la question.
« Qu'en pensez-vous, Koei-san ? Vous avez déjà chassé en mer, par hasard ? »
YOHO, sortez les harponsSi la vaste faune marine qui peuple les mers de Mizu no Kuni est un des atouts principaux du pays contre ses envahisseurs potentiels (et les touristes occasionnels, certes), elle se révèle encombrante lorsqu'elle entrave la bonne marche des affaires de l'archipel. C'est notamment ce qui se passe au large de l'île d'Asosan: plusieurs marins de l'île et de Kiri ont dû secourir des naufragés dont l'embarcation avait été détruite par un fléau marin. Bête agissant seule ou banc de monstres, c'est impossible à dire avec les témoignages paniqués des victimes. Mais il semblerait que les attaques soient à mettre sur le dos d'une même entité. A vous de l'identifier et de l'arrêter.
Se rendre au Port Naragasa Recueillir des témoignages plus précis de la part des victimes Vous embarquer sur un navire et partir en chasse Faire un rapport
霧隠れの 奔流鮫肌物語 ▬ 畝鮮血 Kirigakure no Honryuu ya Samehada Monogatari ▬ Une Senketsu Conte du Torrent Impétueux caché par la Brume et de Peau de Requin ▬ Sillon de Sang frais
À l’extrême opposé du port, près du dojo, le soleil se levait sur Kirigakure no Satô et avant lui, le Torrent Impétueux. Comme à son habitude extirpé d’un sommaire sommeil par nul autre que son subconscient, le chien de guerre de la Brume s’affairait déjà à diverses tâches. Là, dans sa large bâtisse où il ne séjournait que rarement, héritage de ses frères maintenant disparu, il se tenait sur un large siège en bois dont le centre de l’assise avait été gratté au fil du temps par les écailles effilées de son arme de prédilection, justement entre ses mains.
Sans se presser, il enserra autour d’elle avec patience un linceul blanc immaculé qu’il espérait rester tel quel à la fin de la journée. L’acte accompli, il la sortit de l’espèce de sillon qu’elle avait formée dans le bois comme si elle n’avait pesée que quelques grammes et la déposa contre sa colonne vertébrale.
Il prit la route pour le port après avoir ingurgité à peine la moitié de son thé.
Il devina vite qui serait son acolyte. Il remarqua d’abord ses yeux, de la même teinte que les siens. Le Kaguya Héro de Mizu no Kuni ; comment ignorer qui Shitekka pouvait être. Même lui qui n’avait que faire de ces semblants ne pouvait passer à côté du shinobi sans quelques réminiscences. Toujours effacé, n’ayant jamais eu pour but de briller et ayant même pris soin de rester aussi discret que possible pendant un temps, son exil aidant, Honryû ne tirait donc évidemment pas ce genre de considérations, si bien qu’il manqua d’écorcher son sobriquet.
Une bien curieuse sensation rongea ses entrailles l’espace d’un souffle, d’un instant. Éprouvait-il de la jalousie quant au piédestal où certains pouvaient placer son collaborateur ? Non, ce n’était pas ça.
Il ne chercha pas à s’interroger plus sur son ressenti et serra la main tendue avec vigueur mais sans réelle force appliquée. « Lui-même. » Il hocha la tête pour exprimer qu’il avait bien imprimé les quelques mots qui avait suivi sa question et plissa les yeux vers l’horizon. Vu le vent et l’allure de la mer, le climat ne présageait pas de mauvaise surprise, au moins près des côtes.
Une fois à bord du navire et rejoint par quelques hommes qui n’étaient pas des shinobis, il posa ses coudes sur le bastingage. Samehada dans son dos, bien que faisant preuve d’une immobilité qui lui rendait honneur, ne put s’empêcher de respirer le chakra de Shitekka ; elle sembla ravie de l’odeur qui vint chatouiller ses narines métaphoriques. Bien particulière, ça ne sentait pas seulement le Kaguya pour en avoir côtoyé beaucoup pendant de longues années. Etait-il si spécial?
Il huma l’air marin et se décida enfin à répondre. « Principalement pour me nourrir mais ça m’est arrivé. » Les faits avaient eu lieu près d’Asosan, l’île des rituels des Sept Epeistes, une zone qu’il connaissait plutôt bien ; quant à l’animal… « Dur à définir, faut dire que les témoignages étaient assez… Hétérogènes. » La peur provoquait chez autrui des réactions très étranges… Au demeurant, handicapantes pour le début de cette enquête qui allait sûrement se résoudre d’elle-même.
Petit à petit, le petit galion prit la mer et les deux Jōnin quittèrent le port de la citadelle de la Brume vers les abords de la petite île. Peu bavard bien que quelques questions le taraudaient à contrario de ce que son stoïcisme pouvait laisser paraître, le Torrent profita de ce contact proche avec l’eau pour se ressourcer. Peau de Requin quant à elle restait amorphe, déçu de ne pas chasser quelque chose pourvu de chakra.
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泣いて 暮らす も 一緒、笑って 暮らす も一緒 ❝ So long as my body doesnt relent ; This blade shall never know the meaning of mercy — ❞
Loin de la cloche d'airain volatile qui confinait la Citadelle de la Brume dans le silence et le mystère, les deux émissaires de Kiri poursuivirent leur aventure en mer. Le bateau maintenait le cap vers le sud, tandis que le tandem de guerriers continuait de faire connaissance. Si d'ordinaire l'enfant de Saroruncasi affichait des traits détendus avec une certaine distance, son interlocuteur lui allait plus loin. L'homme en face de lui demeurait assez évasif dans ses réponses, ce qui acheva de convaincre le Kaguya de s'en tenir à la mission. L'Urumi décida alors de consacrer le restant de la navigation au démiurge maritime, l'orque Repun-kamuy qui régnait sur les mers et océans.
Après avoir traversé le détroit d'Asosan, le navire arriva enfin à bon port. L'équipage amarrait dans une crique surplombée de larges falaises. On y devinait une atmosphère similaire à la capitale shinobi de l'Archipel, où le granit supplantait la brume pour l'œil. Malgré le sentiment de protection qu'intimait ces enceintes naturelles, on devinait une certaine inquiétude sur les quais. Sans même avoir à questionner quelque passant, Shitekka se rendait compte de la gravité du problème. Les marins échangeaient leurs craintes, et les villageois contemplaient l'horizon maritime avec méfiance.
« On dirait qu'on aura pas de mal à obtenir des informations sur ce qu'il s'est passé en mer, commenta Shitekka auprès de son acolyte. Je propose qu'on se sépare ici pour glaner quelques renseignements. Une fois qu'on aura de quoi passer à l'action, on aura qu'à se retrouver ici pour décider de quoi faire. »
Une fois l'approbation du spadassin obtenue, les deux hommes partirent chacun de leur côté. Shitekka longea les quais par l'ouest en quête de victimes des attaques en haute mer. Après avoir interrogé quelques marins, il parvint à identifier des pêcheurs qui avaient secouru les naufragés. A l'orée d'une brise matinale charriant dans son sillage des relents de poisson frais et d'algues, il interrogea quelques uns de ces pêcheurs, alors occupés à ranger leurs filets poissonneux.
« Excusez-moi messieurs. Kaguya Shitekka, Jōnin de Kiri. On m'a dit que vous avez sauvé des personnes attaquées en mer. Je me trompe ? — C'est exact. Quelle misère, cette histoire… Qu'est-ce que vous voulez savoir ? — Est-ce que vous pouvez m'en dire plus sur ce qu'il s'est passé ? — Yep, bien sûr. On rentrait de la pêche, quand on a vu au loin un navire qui chavirait, avant de commencer à couler petit à petit. Avec mes hommes, on a fait au plus vite pour se rapprocher des naufragés et les récupérer. La coque était percée, comme si on avait donné plusieurs coups de harpons… j'ai jamais vu ça auparavant. Par chance, ce qui a attaqué ce bateau était plus dans les parages. On a réussi à faire embarquer les gens, des marchands de fourrure, avec ce qu'on a pu de leurs marchandises, avant de rentrer au port. Ils étaient sous le choc. Ils arrivaient à peine à parler quand on est arrivé sur la terre ferme. — Je vois… Effectivement, c'est plus grave que ce je pensais… Est-ce que par hasard vous sauriez quelle bestiole aurait pu faire ce genre de dégâts ? — Pas du tout, jeune homme. C'est la première fois que je vois ça. Mais je pense que vous pourrez en savoir plus auprès des gars qu'on a sauvé. Vous les trouverez dans la grande rue marchande derrière la statue de bonite. Demandez… hum… Seijirō, comment il s'appelait, déjà, le chauve ? — Monzaemon. — C'est ça ! Monzaemon. Lui et ses collègues doivent brader ses fourrures auprès des commerces du coin à l'heure qu'il est. Vous aurez pas de mal à les trouver. — Merci à vous, bonne journée. »
Le Kaguya se dirigea ainsi vers l'endroit indiqué par le pêcheur. Il emprunta la longue allée animée de vendeurs et d'acheteurs, aux multiples couleurs chatoyantes. De multiples étoffes de toutes les couleurs vitalisaient cette artère commerçante, la plupart portant le symbole de la boutique à laquelle elles étaient associées. Après quelques minutes à errer le long de l'avenue, et quelques questions aux passants, Shitekka trouva son chemin. Il interpella le fameux Monzaemon, alors en train de négocier le prix de ses dernières marchandises. La fatigue creusait les traits de son visage. Le traumatisme du naufrage demeurait bien présent sur son faciès, et celui de ses acolytes. Afin de le rassurer, Kaguya Shitekka présenta son bandeau frontal face au marchand. L'insigne rutilant de la brume aux quatre vaguelettes avait pour objectif d'afficher la présence des soldats de la Brume sur tout le territoire.
« Bonjour, Monzaemon-san. Kaguya Shitekka, Jōnin de Kiri. Je suis envoyé par le Palais de la Brume pour m'occuper des cas de naufrage qui touchent la région. On m'a dit que vous étiez un des rescapés de ces attaques. Est-ce que vous pouvez m'en dire quelques mots sur la nature de ce qui vous a attaqué ? — Un ninja de Kiri, enfin ! Je commençais à vraiment m'inquiéter vous savez… les routes vers Asosan ne sont plus aussi sûres qu'avant. J'espère que maintenant que vous êtes là, ça va changer, sinon je vais devoir changer de métier si ça continue… ou pire, partir vers le Continent. … Pardon, je m'emporte ! J'ai eu du mal à le voir, mais maintenant, les souvenirs de l'attaque sont moins confus… je pense que ce qui nous a attaqués… c'était des espadons géants. — Des espadons géants ? répéta Shitekka, interloqué. — Oui ! J'ai eu du mal à le croire, mais quand j'ai vu de mes propres yeux qu'ils s'en prenaient à la coque avec leur espèce d'épée, alors j'ai compris. Ils étaient affolés, on aurait dit. Vous savez, c'est la première fois que je vois ces poissons dans les parages. — Un marin m'a fait la même remarque tout à l'heure. — À vrai dire, j'ai déjà croisé ces bestioles, mais plutôt du côté de Hakari. Mais tout a changé en mer depuis que ce monstre de Sanbi est apparu par deux fois… »
L'influence du Dieu de l'Eau démoniaque s'étendait par delà le champ de bataille que fut l'île de Mizu. Les courants ployaient sous les vagues de la tortue gargantuesque. La faune marine se dispersait dans toute l'Archipel, indépendamment de leur habitat naturel. Shitekka baissa la tête en repensant aux évènements tragiques qui se produisirent à la suite de l'apparition apocalyptique de la créature. Puis, après avoir échangé quelques mots avec Monzaemon, il tourna les talons pour retrouver Honryū. L'homme à l'intrigante épée couverte de bandages l'attendait. Le balafré en profita pour faire son rapport.
« On a à faire avec des espadons géants, finalement. J'ai pu parler avec un rescapé des attaques. Ces bestioles ne sont pas d'ici, on dirait. Avec l'apparition de Sanbi, elles sont venues de Hakari jusqu'ici et sont très craintives, au point d'attaquer le moindre bateau qui s'approche trop près de leur banc. Par contre, aucune idée de l'endroit où on peut les trouver. Et de ton côté, tu as pu trouver quelque chose ? »