Les pleurs du ciel qui sont pluies frappent dans la nuit, couvrant les bruits des amants esseulés et épris, aidé par le voile de sa sombre sa complice... Ses larmes murmurent à sa fertile concubine, toutes les fantaisies qu'il ne peut lui offrir... Soupire sa frustration, muée en brises acides, propices aux manigances et convoitises, lui à qui l'on refuse l'objet de sa tendre affection…
Tandis que tu peines à trouver le sommeil, dans cette affliction…
Et toi, quand était-il de ton amant ?
Tu l'ignores... Glissant tes doigts sous le bois du Kotetsu, tu effleure ta lame qui sonna plus d'une fois le glas... attendant hypnotisé par la flamme dansante du soir, incapable de donner réponse à tes questionnements ou de taire tes préoccupations…
Tu étends alors ton bras faible sur le meuble ; le ramène à toi d'un geste lent pour t'y reposer, observant songeuse, ce repas tiède presque froid que tu t'attelles à réchauffer une énième fois avant de le re-disposer sur la table. Il te faut aussi te défaire de ce visage apprêté ; il n'est plus temps à l'apparat. De même pour cette face fatiguée par l'inquiétude, sans jamais vouloir admettre que les minutes se font longues...
Alors lorsque tu entends la porte grincer sur les lattes lambrissées et ces pas familiers, tu te précipites à l'entrée, accueillant ton époux d'un doux « Bienvenue à la maison » ; accompagnant tes mots d'une révérence, t'amusant à jouer de simagrées. Tête relevée, tu ne peux t'empêcher de continuer en le voyant trempé, prenant un air faussement effaré :
« Eh bien… il semblerait que vous ayez été victime de la pluie, laissez moi donc vous débarrasser de votre haori. »
Pluie automnale ; vivace et battante. Tu sais qu’il est désormais l’heure de rentrer. Que de faire face à ce démon qui te sers de concubine. Cinq lettres pour un mauvais présage, corbeau aux cheveux de jais, vipère prête à te faire chanter. Reira, qui de sa langue perfide siffle les menaces pour agiter les ficelles, toi devenu pantin entre ses mains depuis qu’elle sait, qu’elle partage ton quotidien. frustration qui pulse en ton sein, qui se meut en douces lamentations tandis que tu arpentes les bourgs de l’empire de feu.
Tu ne sais pas même ce qui te pousse à lui dévouer tant d’affection, ce qui pousse tes pas chaque soir à lui revenir. Sans doute ton affect pour le clan du croissant de Lune, sans doute le respect que tu portes aux traditions jadis instauré par feu Hideyoshi - illustre bretteur des contrées du Fer, patriarche d’ombres légendaires.
Tu te remémores tes premiers instants avec celle qui partage désormais ton quotidien, vos premiers jours ; premières querelles. la passion, celle qu’elle a eue autrefois pour toi. Celle qui mine de rien, t’as encouragé à l’accepter. tu pensais que les années amèneraient une nouvelle donne, que de toutes ces aventures il en ressortirait enfin quelque chose de positif : le silence de Reira. mais il n’en est rien. elle est toujours là, dans l’ombre, surgi au moment où tu es le moins prêt, où tu as le moins envie de la voir justement. comme si elle lisait dans tes pensées. c’est exactement le cas ce soir tandis que tu passes le pas de votre demeure. Tu te défais de ton haori que tu lui tends faussement embêté, tu n’as pas envie de répondre. pas envie de lui prêter l’attention qu’elle te quémande une fois encore. Et pour autant tu te déchausses, abdiquant, une fois de plus. il le faut Yoshi.
« Tu prends toujours autant ton rôle au sérieux… Le repas est-il déjà prêt ? »
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Dernière édition par Nagamasa Tsuneyoshi le Jeu 4 Nov 2021 - 22:26, édité 1 fois
« Il a eu le temps de refroidir trois fois déjà, il faut dire que tu rentres bien tard », dis-tu en esquissant un sourire des plus fourbe.
Une perfidie que tu ne peux réfréner. Une délicieuse malice si difficile à contenir, sans savoir pourquoi tu prends tant de plaisir à la tourmenter — à lancer et recevoir ses piques. Un jeu auquel tu joues depuis dix automnes maintenant et pourtant… tu ne te lasses pas. Chacune de ses réactions t'apportent une satisfaction sans nom. Sans doute parce que tu es — et tu te plais à le croire — la seule qui puisse piquer ses émotions comme tu le fais. Inconcevable. Tu ne peux imaginer qu'une autre, juste une autre, puisse faire pareille. Impossible. Ni lui, ni son haori ne portent l'odeur d'une autre… à moins que la pluie ne fusse leur complice… il est bien trop probe pour te porter un tel affront… toutefois ton cœur n'est pas tranquille… et tu ranges délicatement cet haori, de façon à ce qu'il sèche sans se froisser, ni mettre d'eau partout.
Le Samuraï installé, tu le sers — comme il te fut appris — ce repas composé selon les règles de l'Ichijū Sansai [一汁三菜], "une soupe, trois assiettes". Des mets aux ingrédients sélectionnés et préparés selon les goûts du principal intéressé. Une légère fumée émanait des plats qui n'avaient rien perdu de leur délicieuse allure, garantissant du soin que tu leur avais apporté ainsi que de leur chaleur. Tu préparas également du thé pour l'aider à digérer, en sachant qu'il finirait probablement réchauffer ton gosier, préférant son fidèle sake. Ainsi installée à la place qui t'est naturellement assignée. L'observe de cette unique lueur qui ne brille que lorsque tes yeux se posent sur lui — tandis que tes lèvres s'étirent au fur et à mesure que tu le lis. Guettant le moment pour les entrouvrirent...
« Tu sembles contrarié... bien plus que les autres soirs… Dois-je en déduire qu'il est encore plus amer de me retrouver après avoir quitté les bras d'une plus douce que moi ? », murmuras-tu d'une voix désagréablement douce et moqueuse avant d'expirer un soupir mensongèrement las.
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Dernière édition par Nagamasa Reira le Ven 5 Nov 2021 - 2:38, édité 1 fois
Sourire instable qui fait face au faciès de l’être aimée et cela malgré les palabres qui menacent de passer la barrière mutines des lèvres. « Il faut bien que quelqu’un s’attèle à payer les factures, Reira »
Tu as comme cette impression que votre discussion rembobine le triste schéma d’une vie alambiquée où l’absence de réconfort se joue d’ironie. Que ce n’est plus là que de risibles fantaisies, que chacun des épisodes de ton quotidien sonnent écho de ta propre vésanie ; enflammée autour d’une gorge serrée. Que tu aimerais pouvoir la rendre muette. Que tu aimerais pouvoir remonter le temps et vivre pleinement ce qu’aurait dû être ta vie. Mais hélas c’est impossible et ça tu t’y es résolu depuis déjà longtemps. Condamné à cette vie, à ce mariage, à cette vie, sans père ni mère. A cette vie sans eux, sans Chogen, sans Yoshitsune.
Mais hélas tu sens comme ton palpitant presse contre ta poitrine, comme il s’agite en sa présence. Le myocarde qui se fracasse contre les parois de ta poitrine, et les poumons qui semblent boursoufler contre la cage thoracique qui s'atrophie - tu ne gère plus rien entre l’ennui et l’espoir. Tu te mens à toi même, te sentant héros légitime d’une quête que tu te serais octroyé quand tu n’y es en réalité que funeste martyr. Muet tu t’installes à cette table, détaillant du regard ces plats que t'apporte Reira.
En vérité ton cœur bat à la chamade, content de retrouver cette moitié perdue au travers les âges. content d’apposer un prénom sur cette âme-sœur, content d’en esquisser plus que les ombres. Ainsi peu importe les dires, intérieurement tu pleures de joie que de le découvrir enfin. Peu à peu, tu sens ce poids qui délaisse ta poitrine - passions qui se libèrent au fur et à mesure.
Mais si toutes ses pensées s’alignaient enfin, ta droiture n'en témoignait aucun signe de faiblesse. L'échine entièrement redressée, posture finement travaillée tandis que tu savoures ce doux breuvage, tout était dans le regard. Les opales trahissant tout ce que tu aurais voulu désespérément garder - la porcelaine semblait bel et bien craquée finalement. Doucement, graduellement.
« Ce satané clan, finira par avoir raison de moi. Nul doute que le reste des Nagamasa sont des idiots. Ou sont donc le grand Yoshitsune et le brave Chogen quand on a besoin d’eux. »
Elixir de vie, désormais véritasérum. Langue qui se délit tandis que cette douce couleuvre s’enroule autour de toi, stratagème finement travaillée.
Un autre soupire. Tout aussi faux, tout aussi mensonger. Ton corps vibre à chacun de ses râles, une ivresse dont tu ne peux te passer. Tu pousses un peu plus, toujours plus. Toujours avec cette crainte d'aller trop loin, de le perdre, mais c'est plus fort que toi, tu continues encore et toujours. Toujours plus théâtrale, comme pour adoucir ce venin que tu lui jettes — parce qu'il y a des choses que tu ne peux maîtriser, que tu peines à apprivoiser malgré les enseignements à être une parfaite épouse. Des enseignements inutiles. Futiles. Excepté pour les tâches pratiques. Alors tu le brimes, l'agaces...
« Et moi qui depuis dix automnes déjà, me donne corps et âme pour te plaire, et te satisfaire… quelle rudesse… »
Mains serrées, pressées contre le cœur. Paupières closes. Visages et lèvres tiraillées par l'imitation exagérée de la peine. Une fausse lamentation pour étouffer cette autre sensation qui te tenaille, dont il est responsable.
« Est-elle réellement plus belle que moi ? Plus harmonieuse que moi ? Sa peau est-elle plus délicate ? Plus agréable que la mienne ? Ou est-ce parce qu'elle est plus jeune que moi ? »
Parce qu'elle ne peut être plus jolie. C'est impossible. Comme c'est impossible, il ne peut y avoir une autre que toi. De même qu'il est impossible qu'il ait succombé à la naïveté de l'une de ces laiderons sans visage… Il s'ennuierait bien trop de toute façon, et il n'y avait pas d'autre odeur. Aucune raison de t'emporter mais tu continues de l'épier pour t'en assurer… Un autre gémissement :
« Il fallait pourtant bien que tu te lasses un jour… »