Le raclement de la porte mal taillée fit se contracter sa mâchoire. Là non loin, quelqu’un rentrait. Malgré le brouillard sonore qui pouvait émaner d’un tel endroit, son esprit se focalisa sur cet unique écho presque imperceptible. Il ne cilla pas pour autant malgré son intérêt nouveau. Le gaijin continua de fixer le vide de l’extérieur par la minable meurtrière dont la vitre ne faisait que refléter une vilenie n'ayant rien à envier à la laideur du peuple abrité sous le même toit que le cénobite.
Humectant ses lèvres dans un liquide sirupeux qui se prétendait de l’alcool de riz, il se remémora les effluves d'éthanol d’un passé trop lointain pour être véritablement tangible.
D’aucun aurait pu se demander ce qu’il pouvait bien fiché là, confiné dans un coin de ce tripot de seconde zone. Ce n’était pas l’endroit rêvé pour méditer ou rédiger des haïkus. On aurait pu s’attendre à voir ce genre de personnage à la faveur d’une clairière ou autre paysage que pouvait offrir à son engeance le pays du Feu, mais que nenni.
La cohue brouillait ses sens, créait quelque brise-motte dans son immuabilité. Là, au milieu de ceux qu’ils ne considérait pas plus que ses compères de l’Empire, Hakuba se sentait hors du temps et suspendu dans une spirale qui ôtait parfois quelque temps de son esprit de bien viles pensées. Il n’était plus ce monial dépareillé mais un simple croquant comme un autre. Les spiritueux ne l’avait jamais aidé à aller dans ce sens mais cela participait à le fondre dans ce tableau pittoresque.
Il ne pensait plus aux Dieux et aux nimbes les entourant ; le temps de la rotation du bois ferré dans ses gonds. Voilà tout ce qu’il exigeait et voilà ce qu’il reçut. Une fraction de seconde, le temps que ses dents retrouvent leurs places naturelles.
La pointe de son pied appuyée sur le bout de sa geta glissa jusqu’à que son talon touche le sol dans un petit claquement. D’un doigt, il remonta son masque jusqu’à la naissance de son nez et lâcha de son regard incarnat le reflet apoplectique de sa propre personne pour le glisser sur la table face à lui. Ses doigts sortirent d’une poche un petit parchemin scellé qu’il déplia lentement avant de s’adonner à l’étude des kanjis inscrits sur le vélin les supportant, l’air ailleurs. Ceci fait, derrière la fine couche textile de son loup, il pinça ses lèvres.
Des années durant il avait agi seul et ce linceul à fortiori peu changé malgré sa récente appartenance à l’Empire du Feu, il voulait maintenant l’agrémenter de compagnie. Oh pas celle de l’Homme non, mais d’une bien plus docile et qui servirait ses intérêts et peut-être ceux du Jinchûriki de Nanabi si cela devenait obligatoire.
Quittant l’endroit lugubre où il avait perdu quelques-unes de ces heures qu’il ne passait ni à s’entraîner ni à méditer, l’hérésiarque prit le chemin d’une des bibliothèques d’Urahi. Non pas la plus grande ni la plus fournie mais celle qui pouvait se vanter de posséder des ouvrages qui se trouvait désormais vacants à Kumogakure, sûrement empruntés durant l’occupation.
S’il n’était pas le plus grand fana des institutions shinobis, il ne pouvait nier leur efficacité dans le regroupement et la production de choses utiles, allant des forges de la foudre aux marchés énormes de la pierre.
Arrivé à bon port, il glissa un doigt dans son demi-masque pour frotter le bout de son nez et put humer sans obstacles les relents que possédaient bien généralement ce genre d’endroits. Celui des reliures de cuir huilées et du vieux papier, d’encens.
Ses recherches ne commençaient pas à l’instant. C’était l’aboutissement de longues périodes à vadrouiller dans le Yukan, à guerroyer et à s’informer, à acheter et à prendre de force. Tout cela pour l’emmener au point de départ, en quelque sorte. Hakuba ne s’en formalisait pas, il avait toujours dû opérer maintes manœuvres pour assouvir les plus simples de ses besoins alors quand ils se révélaient plus élaborés, le prix à payer n’était jamais trop haut.
Sans prendre quelconque information sur les âmes présentes, il s’enfonça dans l’une des galeries du grand dédale jusqu’à une étagère qui semblait prête à s’effondrer à tout moment et fit glisser son doigt sur la tranche des ouvrages jusqu’à arrêter son doigt sur « l’Abécédaire des Contes et Légendes du Yukan ; Recueil de la Faune et de la Flore » ; le nom de l’auteur avait été effacé par le temps et les quelques restes de kanjis ne lui évoquait personne. À raison puisqu’il semblait avoir été rédigé bien avant sa propre naissance.
Sans attendre son reste, il glissa son acquisition dans une des poches de sa large cape d’une blancheur tout à fait étonnante quand on retraçait le chemin parcouru aujourd’hui entre glaise, poussière et bar minable. Une fois sorti, il prit une impulsion et se propulsa sur le toit mitoyen où le Cheval Blanc s’asseya sur ses talons puis l’érudit commença sa lecture. Des banalités, jusqu’à qu’il arrive à la dernière page. Là, un diagramme d’encre et de chakra s’étendait en coupant la page en deux. Il attrapa dans sa ceinture une petite fiole violette et en versa le contenu sur le sceau, qui se mit à transpirer de kanjis qui semblèrent s’engouffrer dans les rainures. Il avait maintenant devant les yeux un tout autre livre, qu’il n’attendit pas d’être en sécurité pour lire, là, sur son perchoir.
De multiples animaux. Un énorme tigre blanc, un crapaud plus gros encore. Une limace aux capacités curatives. Mais il savait ce qu’il cherchait…