Le trajet sous terre lui sembla durer une éternité, pour lui qui avait pourtant fait de ce moyen de déplacement une seconde nature depuis son accession aux pouvoirs de l’Assimilation. Voyager à même la Terre, dans ses tréfonds, naviguer entre ses strates et s’y baigner de sérénité et de confort ne revêtait plus le moindre secret ou une quelconque difficulté pour l’Oterashi. C’était le cas en temps normal, bien sûr, mais les circonstances en cette fin de journée, elles, étaient bien différentes, et avaient obligé l’élémentaire à puiser en lui une quantité incroyable d’énergie et de concentration, tant et si bien que lorsqu’il fit enfin surface au dehors du périmètre de sécurité d’Iwa, ce ne fut pas réellement par choix, mais pas nécessité. Yanosa connaissait la Roche, sa topographie et ses routines, mais n’avait voulu courir aucun risque, était allé au-delà des limites raisonnables, le tout en demeurant dissimulé aux yeux et aux sens de tous. Mais arrivait un moment, même pour lui, où une pause devenait incontournable.
Dans la pénombre du soleil mourant de l’ouest, contre l’écorce noble et millénaire d’un grand résineux qui trônait sur le versant nord d’un relief, le corps éreinté du bunshin du guerrier de pierre rejaillit du sol, lentement, précautionneusement, s’appuyant contre la masse végétale à mesure que ses membres inférieurs terminaient de se soustraire à l’emprise terrestre. Le clone le sentait distinctement, il était au bord de l’épuisement, si proche de disparaître que cela en devenait dangereux. Le fait que son existence n’ait pas pris fin, toutefois, était la manifestation éloquente d’une information indiscutable : son créateur, le Tellurique original, était certainement déjà en route, sur ses traces, à une distance plus que raisonnable. Il ne pouvait en être autrement : aucun bunshin ne pouvait trop s’éloigner de son homologue de chair et de sang, sous peine de voir son chakra s’étioler et perdre en stabilité. Dans un tiraillement profond, le Chûnin de la Roche enfonça sa main gauche dans son propre buste toujours fait de boue compacte, cherchant dans son poitrail, y trouvant bien vite le corps pulsant et chitineux, filandreux, qui constituait le coeur de l’Ecorché.
Non sans peine, il tira pour extraire l’organe, l’expulsant de son corps d’élémentaire pour le présenter au jugement de son regard, qui s’illumina de cette lueur rougeoyante caractéristique lorsque l’enveloppe de l’Oterashi regagna son état naturel. Aussi naturel qu’il lui était possible, en tout cas, en sa qualité de bunshin. Un moment qui lui parut une éternité, il dévisagea le coeur, inspirant lourdement, absorbant la fatigue, la sachant immuablement transférée à son véritable lui sitôt qu’il lâcherait prise et disparaîtrait. Il voulut un instant adresser quelques mots à cet homme, le Désavoué qu’il tenait littéralement dans le creux de sa main, mais l’absence totale de facultés auditives chez la chose rendait l’idée caduque. Pas d’autre choix que d’attendre, songea-t-il alors, partagé entre des pensées tournées vers l’avenir, vers son combat, vers ses objectifs,… mais aussi vers ce qu’il laissait inévitablement derrière lui. Bien peu de choses étaient sans conséquences, mais ceci, se dit-il une nouvelle fois avec âpreté, irait quoi qu’il arrive plus loin que tout ce qu’il avait pu faire auparavant.
Heureusement l’attente ne se prolongea pas, et ce fut en percevant les effluves de son propre chakra que l’itération du guerrier sans visage sut que les événements pourraient suivre leur cours. Adossé au grand résineux, assis sur le sol recouvert de mousses, il relâcha la tension et tendit le bras devant lui, le coeur de l’Ecorché dans la paume de sa main, telle une offrande. Ses alliés – et amis ? - étaient là avec lui, arrivés ensembles, presque de concert, grâce à leurs pupilles.
« Quelqu’un aurait l’amabilité… de prendre le relais… ? »