Travailler, fournir des efforts. Malaxer son chakra pour entraîner son affinité élémentaire. Que des conneries tout ça. Shukiki était bien mieux, là, à l’ombre. Sous les arbres. Il savait pertinemment comment malaxer son chakra, et à des fins bien plus subtiles. Alors qu’on attende de lui qu’il se décarcasse à transpirer sur les terrains et à jeter ses kunais, c’était une autre histoire. Il n’avait jamais été un élève très assidu, ni très sportif. Il entendait au loin les éclats des jeunes genins qui tentaient de se dépasser pour atteindre l’honneur absolu de … de s’être dépassé. Ouah, magnifique. Pour quelle raison ? Pff … c’te plaie.
« SHUKIKI ! »
Et merde … son jutsu avait dû prendre fin, et on avait pas tardé à le gauler. Comme d’habitude. Il soupira, se redressa. Bon, quel choix s’offrait à lui ? La fuite. Mouais. Jamais bien terrible dans ce domaine. Ou alors rester là et attendre qu’on vienne le tirer par la peau du cul. Cela semblait la meilleure solution, adaptée à sa flemme … mais cela s’accompagnait toujours de savons bien calculés. Ainsi se redressa-t-il en s’étirant, puis entreprit de se lever en grognant. Alors, le mieux pour se planquer, d’ici, c’était de gagner les boulevards. Au milieu de la foule, ce serait plus facile. Il se dépêcha donc de gagner les artères. Il trottina plus vite qu’il ne l’aurait fait sur les épreuves d’endurance : resquiller lui garantissait toujours de meilleurs résultats. Il mettait tant d’effort à ne pas en faire que c’en était antonymique.
« Hé hé … venez donc me trouver maintenant. » ricana-t-il en gagnant la foule.
Il avait beau avoir passé les épreuves avec succès, il restait le genin le moins bien classé de sa génération. Ses talents étaient toujours gaspillés et il ne s’entraînait pas suffisamment. Et, de plus, personne n’avait jamais eu le courage de le prendre dans une équipe. Ses capacités ne prenaient leur sens qu’en travail d’équipe, malheureusement. Dans d’autres circonstances … il s’en servait pour mieux ne rien faire. Il ricanait encore dans sa barbe, jetant un regard en arrière, lorsqu’il rencontra violemment un être-vivant. Il lui enfonça son occiput dans l’estomac, les envoyant tous les deux à terre. Shukiki s’écrasa à terre, se tordit le poignet et cria de douleur, pendant que la foule, surprise par le cri strident qu’il avait laissé échapper, s’écartait.
« Bon sang, tu peux pas regarder où tu vas ! » grommela le genin, en se massant sa main douloureuse.
Il leva alors les yeux vers l’impudent qui avait osé se trouver sur son chemin. Heu … et merde …
Bon. Décidément, ça ne sert strictement à rien de s’isoler dans un quelconque coin paumé de Kumo : J’arrive toujours à attirer des emmerdes sur moi. Et encore, je dis ça car la dernière en date était dans un vieux quartier presque abandonné de Kumo. Non parce que, peu importe que je sois chez moi, au poste de police, à la place principale, à l’hôpital ou dans une boulangerie, j’arrive toujours à me mettre dans une situation complétement délirante. Et ça, ça a tendance à m’agacer. Non mais c’est qu’on fatigue au bout d’un moment.
Mais du coup, aujourd’hui, qu’est-ce que je pouvais faire ? Aller m’entraîner alors que ma blessure à l’épaule est enfin en train de se refermer ? Impensable, je suis adepte du long repos pour un corps durable. Aller m’enfermer au QG du Kumo Keimu Butai durant mon congé ? Même pas en rêve. Aller faire des courses en espérant enfin être peinard ? … Bah, pourquoi pas. Sauf que j’avais rien à acheter.
Ainsi, je ne fis qu’enclencher une marche rapide mais lasse, comme j’en avais l’habitude. Je ne savais pas trop où aller, mais tant que j’avais du tabac et mon Kiseru sur moi, aucun risque de stress, d’ennui ou quoi que ce soit de ce style. Enfin… dans la limite du raisonnable.
Cependant, je me rendis vite compte que « l’aimant à emmerde » comme j’aimais l’appeler si affectueusement était toujours aussi performant. A peine avais-je eu l’idée débile de traverser une foule aussi lente qu’agaçante qu’un jeune gars en pleine course s’écrasa dans mon estomac, me faisant lentement tomber sur le cul. Mais d’un soupir qui paraissait interminable, je n’attendais pas une seule seconde avant de me relever et d’imposer mon regard froid sur le gars devant moi.
- C’est moi qui dois regarder où je vais ?
De la main qui ne tenait pas le Kiseru, je me massais les sinus quelques instants avant de remarquer qu’on le suivait. Cependant, en voyant ma tronche et mon allure, ils passèrent bêtement à côté de nous en simulant une simple traversée de la ruelle.
- Hm… Je vois que je suis pas le seul à réussir à me mettre toujours dans de sales situations. Qu’est-ce qu’ils te voulaient ?
Je lui tendais le bras afin de l’aider à se relever. Si mes épais brassards métalliques de prisonniers reflétaient une inconfortable présence, j’étais loin de vouloir me montrer menaçant ou provocateur. Au contraire, c’est bien à cause de ces machins que je fais en sorte d’être le moins… « direct » possible.
- Tranquille. Mon estomac s’en sort peut-être pas super bien, mais c’est pas comme si t’allais t’en manger une. Je suis Akahoshi Hisao.
Tout simplement. Les yeux plissés, je transpirais toujours de cette même aura flegmatique qui m’accompagnait en presque toute circonstance.
Le mec était en béton. Shukiki avait littéralement rebondi contre lui. Le shinobi se raidit en apercevant ses détracteurs qui traversaient la foule pour … finalement l’ignorer. Il fronça les sourcils. Depuis quand son genjutsu était-il devenu aussi efficace ? Il devait y avoir une autre raison … il releva les yeux, croisa le regard du pauvre bougre qu’il avait bousculé. Oh. Il attrapa son bras, le remercia à voix basse. C’était Hisao. Il en avait déjà entendu parler. Ce n’était pas du petit calibre. Et il avait appris à ne pas manquer de respect à ce genre de calibre. Mais il était déjà trop tard pour ça … Maudite soit sa grande bouche.
« Ce qu’ils me voulaient ? Heu … ah ah … ils voulaient évidemment prendre leur revanche. Mais comme ils sont couards, ils voulaient me battre à plusieurs. Cela me semble couler de source. » mentit-il éhonté.
Mais cette explication valait mieux que la réalité. Quel Genin irait expliquer à un Chûnin qu’il resquillait et se planquait pour ne pas en branler une ? Rouler des mécaniques était beaucoup plus intelligent comme choix. Et puis cela permettrait à Shukiki de tracer le début de sa maigre légende. Malheureusement, cela n’était pas si crédible que ça non plus … Ainsi embraya-t-il rapidement sur un autre sujet.
« Je suis … Shiatsu Shukiki. Et désolé pour ton estomac. Paraît que j’ai la tête dure, mais je suis pas sûr que ce soit un compliment … » tenta-t-il de plaisanter, se passant nerveusement une main dans les cheveux.
Il se dégageait malgré tout une aura sympathique de ce Chûnin …
« Heu … mais … attends … ce sont des menottes que t’as là ? »
Aucun filtre, aucun tact. Bienvenue dans le monde merveilleux des crétins …
« Non, enfin … pardon d’la question. Mais … c’est pas habituel … heu … il fait beau, hein ? »
Ce n’était pas la même chose qu’avec Nué. Le Metaru était un peu lent de caractère, mais un brave gars au fond. Shukiki savait qu’il pouvait le pousser à bout, sans grande conséquence. Mais il était plus au fait des capacités d’Hisao que de son tempérament … flegmatique. Alors, forcément, quand on rencontrait un shinobi plus gradé et avec quelques exploits à son compte, on tentait de faire profil bas. Mais, d’un autre côté … s’attirer la protection ou l’attention d’un homme comme Hisao pourrait lui profiter dans le futur, et en tant que bon opportuniste, Shukiki n’était pas prêt de lâcher ce filon ! Seulement, il était d’une maladresse sociale à faire pâlir un gothique.
Me penchant légèrement en avant, j’affichais un regard plus que perplexe tandis qu’un sourcil se levait. Son explication était trop floue et trop hasardeuse pour que ce soit la vérité. Après, voulais-je vraiment tout savoir ? D’un coup d’œil sur mon brassard affichant mon appartenance à la police, je décidais de laisser couler et de simplement passer une journée tranquille. Je remettais mon Kiseru entre mes lèvres et enfonçais une main dans la poche. - Hm-hm… Je vais supposer que ce soit vrai, ça te va comme ça ?
Le visage toujours impassible, je découvrais son nom et écoutais ses excuses concernant le choc sur mon estomac. Une petite grimace accompagnée d’un balayement de la main lui démontra que je ne lui en tenais pas compte.
- Aucun souci. Pour ce qui est de la tête dure, c’est rarement un compliment, c’est certain. Après, selon les bouches, y a tout qui peut mal ou bien passer. Donc à la limite, on s’en fout.
J’élevais les deux mains et regardais mes menottes métalliques dont quelques maillons de chaînes étaient accrochés. J’arquais le sourcil, intrigué par sa question aussi inadéquate qu’inattendue.
- Hm, je comprends pourquoi ils voulaient ‘’prendre leur revanche’’. dis-je en affichant un rapide sourire en coin, avant de continuer, aucunement affecté, perturbé ou gêné par sa question.C’est un mélange entre un symbole et un héritage, si tu veux tout savoir. J’ai fait de la prison et les circonstances étaient spéciales. Les raisons de ma condamnation comme le traitement que j’ai subi. Mais j’comprends que ça te paraisse bizarre.
Il était loin d’être le premier à s’étonner de ces conneries entourant mes poignets et du gigantesque collier de forçat qui trônait autour de mon cou. J’en ai fait peur à plus d’un et j’en ai intimidé plusieurs. Heureusement que ma tronche n’affiche aucune réelle menace, sinon j’aurais fini en prison aussitôt avoir été libéré.
- T’en fais pas pour la question. Même si comprends que tu te foutes dans la merde si tu es aussi subtil que ça. J’vais t’appeler Shukiki si ça t’emmerde pas : Comment tu vas gérer les gars qui veulent te frapper ? Est-ce que t’es seulement un ninja ?
Pour être franc, je sentais qu’il en était un. Il avait peut-être même utilisé un jutsu encore récemment. Mais mes talents en sensorialité frôlent le zéro, donc aucune chance que je puisse être certain de ce côté-là. Aussi, il était peut-être coupable d’un truc, mais son visage m’inspirait pas plus qu’un bête conflit entre gosses. Enfin… gosse, le mec devait au moins être majeur, mais bon.