Tissus de soie, soies de toiles, toiles en peaux, peaux de bêtes, bêtes de foire, enfoiré.
« Une… Metaru vous dites… ? »
Des visages sous leurs capuches, dévisageant.
« Bien, bien… »
Un soupir. Le papier froissé entre les mains, la longue veste noire quitta la pièce.
Suite à la trahison de Suzuri Kaldea, le domaine Suzuri était à nouveau accablé d’un fléau auquel il ne saurait répondre que par son silence. Comme ils avaient regardé les Nara déchanter suite à l’échec trahissant de leur chef qui fut un temps celui de tout Kumo, comme certains sans compassion aucune avaient même médit ce clan de traître : le sort leur retombait dessus.
La médisance, au sein d’un noble clan comme celui de l’encre, elle n’y a pas sa place. Et pourtant… Si les Nara en étaient temporairement les victimes ; comme elles étaient celles de bien d’autres kumojins ce jour-là, celui où fut nominé le Nidaime Raikage ; depuis, cette aversion contradictoire s’était déversée sur d’autres : les Metaru.
Mais maintenant, alors qu’un poids réceptacle d’une responsabilité ternissant l’image du clan les accablait, une certaine redevance s’imposait au village que leur ex-chef de clan délétère avait trahit, celui à qui elle avait tenté de nuire. Deux tragédies si rapprochées créaient un changement. Un changement peut-être temporaire, peut-être pas tellement dénué d’intentions, peut-être pas accompagné d’excuses que les anciens – voix les plus respectées du clan en attendant la désignation d’un nouveau chef, voire peut-être encore après – imposaient même à ceux qui s’y opposaient.
Parmi ces opposants, assurément, la veste noire. La pièce traditionnelle de la demeure était sombre, éclairée au centre à la bougie tandis que les recoins en restaient aussi sombres que l’élégante veste. Elle avait la particularité, à l’exception des toiles verticales peintes à la tradition qui ornaient les murs, d’être totalement vide. Au centre, pas une table basse mais un voile. Un voile blanc suspendu qui voilait le centre de la pièce ; tout avait été méthodiquement préparé, on ne batifole pas avec l’organisation et la méthode chez les Suzuri.
« Tsubuki-sama, l’invitée est arrivée. »
La veste noire, c’était lui : Suzuri Tsubuki, cousin direct de l’illustre Suzuri Shinobi. Il se tenait droit devant la porte coulissante derrière laquelle s’en distinguaient les deux ombres féminines.
« Faites-la entrer. »
La domestique s’exécuta, ouvrit la porte de la pièce, puis s’en écarta pour laisser entrer l’invitée.
« Je vais préparer du thé. » Fit-elle en s’inclinant très respectueusement avant de disparaître dans les couloirs de la demeure.
Devant la Metaru se tenait l’homme à la longue veste, tout de noir vêtu, qui l’accueillit d’un sourire tapageur. Mais ils n’étaient pas seuls dans la sombre pièce ; au centre de celle-ci, à travers le grand voile éclairé de la lumière orangée des bougies, travaillait l’ombre du jeune garçon. On pouvait l’estimer à genoux, exerçant son coup de pinceau sur papier et autres rouleaux à même le sol. La chaleur et l’odeur de la suie de cire avaient eu le temps de parvenir à tous leurs sens quand son sourire énigmatique s’anima enfin.
« Metaru Reiko… Ravi de faire votre rencontre. J’espère que les manières de nos domestiques ne vous ont pas trop incommodé. »
Pour avoir déjà mis les pieds chez les Metaru, il savait bien que les deux familles avaient des modes de vie bien différents. Pourtant, ce même rictus au coin de ses lèvres vérifiait qu’il s’agissait d’un discours de pure circonstance, de bonne manière. En réalité, il se fichait un peu qu’elle soit à son aise ; c’est elle qui avait besoin de son aide, pas lui. Et puis, Fukutaichô ou pas, il se gardait aussi bien de grandes marques de respect à son égard. De quelques années, il s’estimait son aîné et estimait son rôle aux archives de la grande bibliothèque aussi important que son rôle à elle dans la police.
« Kyoshi-kôhai ? »
L’ombre arrêta son activité, posa son pinceau et se leva. Kyoshi se dévoila finalement. L’élève s’approcha de quelques pas de son senseï, toujours à proximité du voile, puis s’inclina.
« C’est un honneur de vous recevoir, Reiko-sama. »
D’un sourire satisfait, le Suzuri reprit.
« Bien, installons-nous. »
Sur cette proposition ordonnée, Kyoshi reprit place derrière le voile destiné à cacher la scène à d’éventuels invités imprévus, bien que les dérangements soient rares ici. Tendant un bras dans le vide pour inciter la Metaru à passer la première, il la suivi et l’aîné se fit une place entre les deux plus jeunes qui se faisaient face. Au centre du triangle qu’ils formaient, les papiers et rouleaux étaient éparpillés les uns sur les autres ; le jeune élève s’était déjà exercé à dessiner animaux stylisés et motifs.
« Si vous nous parliez donc de ce que vous voudriez plus en détail ? » Demanda-t-il dubitatif, croisant les bras en la regardant.
Kyoshi restait silencieux, tête baissée, ne s’arrêtant pas de faire couler l’encre sur son papier. Il appréhendait un peu nerveusement la suite, car c’est bien lui qui allait user de l’enseignement de son professeur pour tatouer la jeune femme. C’était pour ça qu’il était là, et peut-être aussi pour ça que Tsubuki avait accepté de se charger de ce qui avait tout l’air, à ses yeux, d’une corvée.
Cette demeure puait l'arrogance... Tu détestais ce genre d'endroit, qui respirait l'arrogance et la médisance. Celle des Metaru avait au moins la qualité de ne pas être aussi froide et austère que celle des manieurs de l'encre. De toute façon, tu te foutais bien des us et coutumes à mettre en place lorsque tu pénétrais dans ce genre d'endroit aseptisé de toute émotion humaine. Tu n'avais aucun respect pour eux, pas plus que pour le reste du monde.
De plus, tes pensées envers eux ne s'étaient clairement pas adoucis. Depuis que tu avais appris que jusqu'ici, ils avaient caché en leur sein une traîtresse de renom, tu ne pouvais que leur cracher au visage. C'était à cause de eux ainsi que de leurs manières que Kaldea avait pu agir dans l'ombre tranquillement. En effet, s'ils s'étaient occupés de river leurs regards sur leur clan plutôt que sur les autres, toute cette histoire n'aurait peut-être jamais eu lieu.
Enfin bref...
Ta présence ici avait deux objectifs. Relever la température au sein des Suzuri et te permettre de marquer ton corps. Une chose que tu désirais depuis un certains temps déjà mais dont tu n'avais jamais eu l'occasion et le temps de l'appliquer...
Tu soupirais, tandis qu'ils te faisaient patienter pendant ce qui pourrait sembler être une éternité à tes yeux. Ces salopards aimaient bien se jouer des autres, c'était le fléau de la noblesse. Et si tu avais su faire ravaler cette arrogance à ceux qui dans ton clan en faisait usage, tu pouvais faire de même avec eux. Ils pouvaient penser ce qu'ils voulaient, ils n'étaient plus rien depuis bien longtemps déjà. Un clan sans aucun avenir et sans une once d'envergure. L'ombre d'eux même...
Arrivant au final, après un certains temps, face à celui qui semblait se désigner comme dirigeant de tout ce beau monde, tu hochais la tête lorsqu'il te salua. Bien entendu, il était hors de question que tu enlèves ce regard méprisant que tu lui portais. Celui-ci était d'autant plus soutenu qu'il tentait d'y faire face maladroitement. Ce pauvre type se pensait important hein ?
Au final, une autre forme avait fini par se dessiner dans la pièce, un jeune au regard grave, comme si lui aussi était impacté par le contexte du clan. Il ne semblait pas bien fort, une sorte de gringalet qui avait encore beaucoup à apprendre. Enfin... Certainement qu'il devait subir l'idiotie de ses aînées. Prenant position lorsqu'on t'y invita, tu n'avais pas encore dit un seul mot. Comme tu l'avais précisé tantôt, tu étais davantage là en tant qu'observatrice qu'actrice. Cracher ta haine sur un type déjà à terre n'avait aucun intérêt.
- Tenez, j'ai demandé à une personne de m'en faire un croquis.
Un service que t'avait rendu un de tes subalternes. Celui-ci avait beau ne pas faire partie du clan des Suzuri, il maniait pourtant le crayon avec une dextérité et un talent prodigieux. Les Suzuri n'avaient pas le monopole de l'art, c'était certains. Néanmoins, il n'y avait qu'eux pour graver ta peau de la sorte. D'autant plus qu'avec les histoires actuelles, tu avais choisit le parfait moment pour faire ce genre de demande. Il avait intérêt à réaliser un pur chef d'oeuvre pour pouvoir rattraper l'image ternie de sa famille. Sans quoi, il allait vraiment creuser la tombe des siens.
- Je vous laisse l'adapter à votre guise, dans le principe, j'aimerais qu'il recouvre me dos.
Ce même dos qui était sculpté à la perfection, à force d'année d'entrainement toujours plus acharné les uns que les autres. Il n'y avait pas de meilleur toile faite de chair que ton corps pour un Suzuri...
Le ton de la demoiselle ne plaisait guère à son aîné qui en grinçait des dents. Néanmoins, comme tout bon Suzuri, il faisait encore bonne figure. Lorsqu’il lui demanda ce qu’elle souhaitait, celle-ci lui sortit un dessin déjà tout fait, ce qui ne manqua pas de surprendre Tsubuki. Jetant un œil au papier qu’il prit entre ses mains avec de gros yeux, il crut halluciner. Ses yeux en sortirent presque de leurs orbites. Comment osait-elle se présenter au domaine des maîtres de l’encre et faire une demande dans de telles conditions ? Si pour le jeune garçon l’intention paraissait bénigne – ce dessin ferait office de modèle pour faciliter la tâche ; son aîné le prit comme une véritable insulte.
« Je vois… »
Tant que la grande veste noire ne lui en donnait pas l’autorisation, Kyoshi ne relevait pas la tête et gardait ses yeux rivés sur son papier et son encre ; tout un monde qui l’arrachait à la réalité qui se tramait autour de lui. Une réalité qu’il ne voyait pas, mais qu’il pouvait sentir. Ce grincement des dents, ces battements du bout du pied sur le sol de son supérieur assis en tailleur, tout ça lui indiquait le niveau de tension présent dans la pièce ainsi que la prochaine action de son professeur.
« Je ne sais pas qui a fait ça, mais nous n’aurons pas besoin de cette abjection. Et croyez-moi, vous non plus. »
Shhrik. Sans postulat, il déchira la feuille en deux, ni plus ni moins. Frissonnant d’effroi face à cette action et ses possibles conséquences, le jeune Suzuri s’arrêta en tassant tous ses essais sur le côté pour porter son regard sur les deux morceaux de papier tombés à ses pieds. Le dessin était loin d’être mauvais à ses yeux, il était même beau en soit, mais il faut croire que ce coup de crayon ne revenait pas au « maître de l’encre ». Une bien noble mauvaise foi qui retombera sûrement sur l’illustre clan, un mauvais jour.
« Kyoshi, quinze secondes. »
Si la Metaru devait bien se demander ce que tout ce cinéma voulait dire, le jeune enfant l’avait lui tout de suite compris. Ni une ni deux, il déroula un nouveau parchemin vierge et se remit à peindre à toute allure. Le pinceau qu’il tenait entre ses mains traçait de fines lignes à une vitesse fulgurante, une vitesse à la pointe de la perfection que seul un Suzuri pouvait un jour espérer atteindre ; une technique de dessin ancestrale que Kyoshi maîtrisait pourtant déjà.
« Déshabillez-vous, nous procèderons dès qu’il aura terminé. »
Il gardait un air stoïque, strict, impassible. Les bras croisés, toujours assis entre son invitée et son élève dont il observait maintenant avec attention le moindre mouvement – plus que pour rendre service à la demoiselle qui semblait le mépriser tout autant que lui la méprisait, le but premier de cet « entretien » était de lui enseigner l’une des nombreuses techniques du clan qu’il ne maîtrisait pas encore.
Presque impatient, Tsubuki voulait mettre fin le plus rapidement possible à cette dure besogne. Pourtant, bien qu’il vînt ostensiblement de demander à la sœur cadette de l’Ombre du village – pour laquelle il n’avait pas beaucoup plus de considération – de se déshabiller, il ne bougea pas. Personne ne bougeait, et surtout pas Kyoshi qui était sur le point de réussir son exercice dans les temps mais qui demeurait terriblement silencieux.
Et pour cause, depuis son retour de Tetsu no Kuni, alors qu’il commençait à s’ouvrir un peu trop avant son voyage, il s’était replongé dans un silence glaçant et une humeur frigide. Par chance, il avait été partiellement épargné de quelques horreurs en tombant de fatigue quelque peu après la péripétie qu’il avait vécue avec un chûnin apprenti au complexe scientifique du nom de Kagerô et le supérieur de la fukutaichô, Kizuato Daisuke, jônin et taichô du village en personne ; le tout engendré par Yamanaka Ema, grande manipulatrice de ce Sommet des Kages dont il ignorait encore l’identité.
Cependant, s’il avait eu la « chance » de ne tomber sur le cadavre d’aucun kumojin qu’il connaissait, l’expérience ne l’avait pas exempté de traumatismes. Un trauma en partie créé par l’absence totale de communication ou de soutient des siens depuis son retour. Un trauma aussi créé par tout ce qu’il avait appris plus tard ; l’introduction d’intrus au village et la trahison de leur vénérable chef de clan, Kaldea… Accablé, le poids d’un tel traumatisme le pesait et l’attristait. Ne sortant que très rarement, il n’avait revu ni Kinzoku ni Shôran… Il avait appris que son senseï s’était battu contre la traîtresse avec deux autres chûnins, contre sa… Leur traîtresse. Il n’osait même pas imaginer ce qu’il pouvait penser de lui maintenant, car contrairement à son professeur de dessin qui faisait arrogamment bonne figure et preuve d’un relativisme scandaleux, il avait terriblement honte, peine…
La porte de la pièce s’ouvrit, faisant pénétrer une douce lumière à l’intérieur de celle-ci, avant qu’une voix toute aussi douce ne se fasse entendre.
« Le thé est prêt. »
La domestique, tenant trois tasses de thé vert bien chaud sur un plateau, s’approcha lentement du voile qui cachait encore les trois protagonistes. S’abaissant pour le soulever fidèlement sans regarder derrière, elle fit doucement glisser le plateau à l’intérieur en y passant une main.
Apparemment, il allait falloir que tu recadres les choses selon les véritables règles qui régissaient ce contexte. Tu n'étais peut-être pas chez toi, mais si ce type continuait à faire son fière, tu allais l’emplâtrer dans un de ses nombreux murs décorés. D'ailleurs, on pouvait clairement apercevoir ta colère et ton animosité bouillir en toi. Tes muscles se faisaient plus prononcés, plus prompt à agir.
Quel enfoiré... Croisant alors l'espace d'un instant son regard, si celui-ci ne s'était pas encore rendu compte que tu pouvais le buter à chaque instant, cela n'était certainement plus le cas. On ne te connaissait pas pour ta patience et ta tolérance, bien au contraire. Tu étais du genre à partir au quart de tour si on venait se méprendre sur toi d'une manière un peu trop prononcée. Tu étais une bête sauvage capable de lui faire ravaler son air condescendant à chaque instant.
Gardant néanmoins le silence, tu tournas de nouveau la tête lorsqu'une des servantes vint vous proposer du thé. Arquant un sourcil, tu jugeais du regard cette pimbêche. T'avais vraiment une gueule à boire ça ? Soupirant, tu refusas alors d'un mouvement de la tête la proposition. Si l'autre abruti n'était pas là pour être agréable avec toi, toi non plus. Cela tombait plutôt bien du coup...
- Quand pensez-vous commencer ?
Une manière de lui faire comprendre qu'il avait intérêt à bouger son cul. D'ailleurs, tu n'avais pas davantage noté la présence du gamin depuis tantôt. Celui-ci était resté bien silencieux, bien soumis depuis le départ... Plissant les yeux, tu le jugeais quand même rapidement. Franchement, ce gosse faisait pitié. Et tu ne disais pas cela pour simplement faire de la vulgarité gratuite. Mais il faisait penser à un petit chiot battu et abandonné de tous. Bien entendu toi, ça ne te faisait rien de voir ce genre de spectacle. Tu étais même du genre à repousser du pied l'animal si celui-ci tentait quoi que ce soit envers toi.
- Cette demeure se fait de plus en plus vide...
Une autre manière peu subtile de lui rappeler sa condition. Les diverses disparitions qui avaient touché le clan des Suzuri le mettait obligatoirement dans une situation délicate. S'il venait te chercher des noises, c'était non seulement son intégrité physique mais aussi celle de sa réputation déjà affaiblit qu'il mettait en jeu. A force d'interroger et de torturer des gens, tu avais pris à te servir de ce genre d'ascendant psychologique.
L’incroyable stupeur qui l’impactait rendait la gorgée de thé difficile à faire passer. L’impact du regard meurtrier que Tsubuki croisa lui fit presque tout recracher. Mais pour qui se prenait-elle, cette Metaru-là, pour défier ainsi la condescendance du Suzuri de quelques années son aîné ? Elle qui avait refusé la proposition de l’innocente domestique à la voix et aux traits bien trop doux et juvéniles pour passer ses journées à servir du thé et accomplir d’autres tâches agaçantes contre un logement et une moindre rémunération. Elle se faisait impatiente, la Metaru.
« Je vous l’ai dit, dans trois… deux… un. »
Il avait fait le décompte avec ses doigts avant d’arracher le pinceau des mains de son cadet nerveux qui n’avait pas une seconde levé les yeux. Un exercice d’autorité récurrent et efficace ; Kyoshi avait terminé la toile à partir de laquelle il allait devoir tatouer la jeune femme juste à temps. Si l’impatience de Reiko avait pour objectif de titiller ses nerfs, le Suzuri à veste noire n’en était que plus satisfait, lui qui voulait plier cette histoire le plus vite possible. Celui-ci fit sortir de la pièce la demoiselle qui ne leur servait plus à rien d’un simple « Tsume ? » accompagné d’un regard insistant. Puis d’un autre signe qui incitait Kyoshi à se déplacer, le jeune garçon se leva avec un engourdissement aux jambes après être resté assis si longtemps, avant de venir se rasseoir derrière l’invitée, faisant face à son dos.
« Cette demeure se fait de plus en plus vide… »
Pas de réaction, un silence pesant puis finalement une réponse inattendue se voulant ignorante de cette énième provocation.
« Je croyais vous avoir demandé de vous déshabiller. »
Toujours à la même place, droit, bras et jambes entrecroisés, Tsubuki posait à son tour longuement son regard le plus noir sur cette blonde à la musculature tout de même impressionnante, il fallait le reconnaître. Cependant, il fallait plus que des muscles tendus et un regard menaçant pour déstabiliser cet homme-là. Ayant déjà posé son regard satisfait sur l’œuvre de Kyoshi présentée sur le rouleau sous le nez de la jeune femme, il ne put, la jugeant à son tour, passer à côté de l’attribut le plus imposant des femmes du clan Metaru : la poitrine. Pas de sourire ou d’expression débile, mais un sérieux assuré et un commentaire volontairement déplacé qu’il se permit d’ajouter.
« C’est bien vous qui vouliez ce tatouage, non ? Regardez donc ce que mon élève a fait. Ça, c’est digne d’être manipulé par les mains d’un Suzuri, pas comme la souillure qui ne méritait même pas d’être déchirée de mes mains. »
Un regard méprisant sur les bribes du dessin en question, puis il reprit : « Aller, vous n’allez tout de même pas oser nous faire une scène, pas vrai ? Il n’y a rien à craindre, nous avons heureusement des us bien différents des vôtres par chez nous. Ici, les femmes ne sont pas traitées comme de vulgaires morceaux de chair… Enfin… Quand on les voit exhiber leurs obus aussi fièrement que leurs bandeaux frontaux devant hommes et enfants, on aurait du mal à croire que les Metaru puissent être aussi pudiques. Mais soit, jouez la sainte-nitouche si ça vous chante, ça m’est égal. Sœur du Raikage ou pas, tout le monde sait dans quel genre de porcherie vous avez été élevée. »
Des propos aussi crus qu’osés, et pourtant, il les plaçait dans la conversation comme une fleur dans un vieux pot, ignorant une fois de plus le regard de son interlocutrice pendant qu’il mettait de l’ordre dans le bazar d’encre et de papier à ses pieds. Mais si lui ne semblait pas affecté par la remarque blessante de Reiko, ce n’était pas le cas du jeune garçon. Kyoshi, assis dos à celle-ci, baissait la tête. L’atmosphère qui s’installait dans la pièce à cause du combat de mépris que ses deux aînés se disputaient ne lui plaisait guère. Le combat, la violence, ça n’avait jamais été de son goût. C’était nécessaire, parfois, mais pas là, alors ça l’attristait et le gênait vraiment. Il n’avait osé parler, mais il ne pouvait pas cacher sa peine de la situation. À la remarque de la Metaru, son cœur – ou du moins ce qu’il en restait – s’était noué avec sa gorge. Ça faisait mal, qu’on lui rappelle ainsi par pure méchanceté la perte récente des êtres chers qu’il n’avait pas demandée et qu’il ne méritait sûrement pas non plus. Ça faisait mal aussi, toute cette aversion que son clan avait pour eux et que celle-ci semblait vouloir leur renvoyer ; mais ce qui faisait le plus mal, c’était surtout de ne rien pouvoir y faire. C’était déchirant.
Finalement, levant les deux yeux pour voir la nuque de l’invitée se raidir, sa petite voix tenta de se faire entendre : « On… on peut commencer ? »
De peaux de bêtes à peaux forgées 「 Metaru Reiko 」