⚊ Ce n'est pas tant son goût, que sa texture qui me dérange.
Etsuro observait son verre, accoudé au comptoir de cette petite taverne qu'il avait repéré quelques jours plus tôt. L'atmosphère y était chaleureuse. Et le récemment promu Genin avait put en apprendre beaucoup sur ce village, en discutant avec le bavard tavernier qui passait son temps à feuilleter le même livre. En cet agréable après-midi, l'enflammé avait décidé d'aller boire un coup afin de se désaltérer suite au rude entraînement qu'il avait eu ce matin. Ayant commandé un banal verre de saké comme il en avait l'habitude, Etsuro avait noté une certaine différente, et en avait fait part au vieux gérant, trop occupé à lire éternellement le même bouquin.
C'était donc ainsi qu'il allait vivre à partir d'aujourd'hui ? La raison pour laquelle il avait quitté le foyer familial valait-elle vraiment la peine de s'enfermer dans une telle routine ? Pour la torche humaine, cela ne faisait pas l'ombre d'un doute. Rien ne pouvait se mettre en travers de son idéal, et il était convaincu du bon déroulement de ses opérations. Pour l'heure, rien n'avait besoin d'être pressé. Il avait bien le temps d'apprécier ce qu'on lui offrait, et c'était avec un grand sourire aux lèvres qu'il comptait se laisser. C'était pour cela qu'il s'intéressait tant à la différence d'alcools qu'il avait remarqué ? C'était pourtant ce genre de réflexion anodine qui l'occupait principalement, dernièrement.
⚊ C'est assez curieux... Excusez-moi, sauriez-vous me dire si la taverne a changé de fournisseur récemment ?
Tournant la tête sur le côté, Etsuro s'adressait à un autre client assis non loin de lui. Il était bien inutile de s'adresser à ce vieil homme qui faisait office de barman, probablement à peine conscient qu'il se trouvait actuellement au travail. C'était aussi un simple caprice qui avait motiver notre antagoniste à démarrer cette conversation. Souriant, amical, la légende voulait apparaître chaleureux et amical. Après tout, l'individu à qui il venait de poser la question semblait être d'un grand intérêt, et Dieu seul savait ce qu'il pouvait être capable d'apprendre à Etsuro. Ce dernier, se rendant alors compte de la bassesse de son comportement, se reprit immédiatement dans un léger rire gêné.
⚊ J'en oublies mes manières, pardonnez-moi ! Mon nom est Densetsu Etsuro, Genin de Kumo, et vous ?
Décontractée, telle était la définition du genre de soirée que Raizen tentait d’avoir. Profitant d’un court moment de solitude au bar, le jeune homme s’amusait à siroter des boissons fortement alcoolisées tout en prenant le temps de sonder l’étendue de ses pensées. Faisant mentalement un résumé des derniers événements, il réalisait à quel point le temps passait rapidement. Qu’il soit en bonne ou mauvaise compagnie, les minutes filaient à une vitesse qui ne lui permettait aucunement de soutenir une telle cadence. Le seul moment où il était en pleine symbiose avec le temps se résumait aux périodes de solitude comme celle d’aujourd’hui. D’une manière ou d’une autre, c’était le meilleur moyen pour lui de faire le point sur ses idéaux, ses priorités et les étapes nécessaires à l’atteinte de ses objectifs. Sachant que le tout n’était pas toujours facile, il était très commun qu’il se laisse aller et continue de consommer pour se détendre et libérer ses pensées de leurs incessantes habitudes à être surchargées.
Arborant un long manteau sombre qui lui servait de veste, bien qu’inspirant un air sérieux, il n’était pas rare qu’on vienne aborder le jeune ténébreux comme ce fut le cas. Lorsque quelqu’un s’approchait de Raizen, son premier réflexe était le suivant : prendre le temps d’écouter ce qu’il avait à dire pour s’introduire avant de daigner tourner le regard en cas d’intérêt. Bien qu’il était beaucoup plus agréable de se tourner lorsque la timbre de voix était enrobé de féminité, il prit tout de même le temps de regarder à sa droite.
-Raizen Meikyû, aussi genin de Kumo.
Paraissant sec aux premiers abords, l’homme à la chevelure sombre fixa le serveur le temps d’un moment. Ceux-ci le connaissaient comme étant un homme de conversation. Malgré tout, Raizen fit mine de rien, prenant le temps de siroter son verre avant de se tourner vers l’individu.
-Vous venez souvent ? J’y suis chaque semaine et j’arrive à peine à en faire la distinction.
Tentant de paraître sympathique, Raizen soupira avant de laisser aller sa curiosité.
-Par contre, je sais faire la distinction entre quelqu’un de banal et quelqu’un de curieux et je me demande ce qui explique votre venue en ces lieux.
Contrairement à son habitude, le bar n’était pas aussi rempli. Disons que dernièrement, les gens préféraient rester à la maison dus à la température extérieure qui était peu clémente. Seuls les braves ou les solitaires osaient sortir pour se réfugier quelque part.
Ne pas arriver à faire la différence entre les alcools ? En voilà une bien curieuse caractéristique, qui ne manqua pas de surprendre Etsuro. Il disait s'appeler Meikyû Raizen, et venir en ces lieux régulièrement. Il devait être un habitué. En tant que nouvel habitant des Nuages, cet homme pourrait lui être d'une grande utilité. Non pas que Etsuro voyait les êtres l'entourant comme des outils, ce serait assez mesquin. Non, la vision de l'enflammé était bien plus vicieuse. Pour lui, tout être doué de pensées et de paroles était un "potentie", selon ses propres dires. Un potentiel qui pouvait exploser, et générer quelque chose d'immensément grand. Raizen pourrait en être, tout comme il pouvait être un potentiel gâché.
⚊ C'est un honneur, Raizen. Il s'agit peut-être d'une confusion de mon esprit, mais le nom Meikyû ne m'est pas inconnu. Se pourrait-il que votre famille soit célèbre d'une quelconque manière que ce soit ?
Il ne parvenait plus à remettre le doigt sur ce nom qui lui faisait tant écho. Peut-être ne s'agissait-il là que de fabulations. Dans tous les cas, ce n'était pas le sujet principal, pas maintenant, tout du moins. Reportant son attention sur son verre, Etsuro se mit à soupirer, se demandant bien ce qu'il s'était passé avec son alcool habituel. Alors, Raizen prit la décision d'approfondir leur conversation, donnant de nouveau l'occasion au Genin de s'exprimer.
⚊ Eh bien, j'espère trouver la réponse. Disons que je n'en sais pas vraiment moi-même. Kumo me semble être une véritable singularité dans ce pays, j'étais fils de nomades auparavant. Cela ne doit faire que quelques semaines que je me trouve en ces lieux.
Levant le contenu de son verre pour le sentir, l'enflammé se mit à froncer les sourcils. Il n'aurait pas l'esprit tranquille tant qu'il n'aurait pas le fin mot de cette histoire pour sûr. Mais s'en préoccuper maintenant ne ferait que le nuire. Il avait une nouvelle tête à découvrir après tout.
⚊ Et de votre côté ? Enfin, permettez que je vous tutoies. Es-tu à Kumo depuis longtemps ?
Sirotant calmement son verre, Raizen se contentait de camoufler son sourire dans sa boisson. Cet homme semblait visiblement intéressant. Malgré le fait qu’il ne connaissait pas les Meikyû, quelque chose donnait à Raizen l’impression que son passé devait être assez intéressant. Après tout, qu’est-ce qu’un nomade pourrait bien vouloir faire à Kumo ? Encore plus pertinent, pourquoi avait-il choisi Kumo? Le laissant terminer, Raizen tentait d’organiser toutes ces interrogations de manière à mettre de l’avant les plus importantes. Or, avant tout, il se devait de se présenter à son tour.
-Je suis à Kumo depuis un très jeune âge, mais ma terre natale est Kaze no Kuni.
Portant totalement son attention sur son homologue, Raizen s’amusait à siroter sa boisson un peu plus forte que les précédentes. Optant cette fois-ci pour de l’alcool brun, il savourait les arômes multiples à forts de caractères qui caressaient ses palettes gustatives.
-Mais oui, je viens d’un clan visiblement assez connu. Les Meikyûs sont connus pour faire usage de tatouages ancestraux et sont par conséquent des spécialistes du Fuinjutsu. Le Mizukage actuel est d’ailleurs un Meikyû, d’où la raison pour laquelle ce nom de famille ne vous paraît pas anodin.
S’arrêtant sur ce sujet, Raizen ne comptait pas entrer dans les détails, du moins, pas pour le moment. Il préférait s’attarder sur des sujets plus intéressants comme les motifs de la venue du nomade.
-Par contre, il est rare de rencontrer des nomades, bienvenue à Kumo, je suppose.
Lui offrant un sourire à moitié chaleureux, l’expression faciale de Raizen demeurait détendue ce qui était bon signe. Malgré tout, ses sens étaient tous en alerte, guettant la moindre information qui pourrait l’intéresser. Que ce soit verbal ou non verbal, il ne manquait jamais une opportunité d’en apprendre davantage sur un sujet d’intérêt.
-Vous avez dû voyager beaucoup en tant que nomade non ? Je suis quand même surpris que vous n’ayez pas entendu parler des Meikyû pendant votre parcours... Mais bon, je me demande surtout ce qui a motivé votre désir de vous installer à Kumo?
Levant un regard inquisiteur, il se serait attendu à ce que les gens nomades aient une meilleure vision de l’ensemble du monde. Bien que vaste, Raizen visualisait tout l’attrait de devenir nomade pour la facette de découverte.
Kaze no Kuni, une terre bien lointaine pour un habitant des Nuages. Telle fut la première constatation de la torche humaine, alors que le dénommé Raizen se présentait à lui. Au moins, il avait accepté d'engager la conversation avec Etsuro. Et du coup, la première partie de son plan se révélait fructueuse. Prenant le temps de déguster son verre d'alcool, il se mit à sourire, tendant continuellement l'oreille aux paroles qu'il percevait. Le Mizukage actuel était un membre de son clan, en voilà une information fascinante. Chaque détail comptait pour le rêve que convoitait notre antagoniste. Ainsi donc, leur arcanes reposaient sur l'utilisation de ces tatouages corporels ? Le Fuinjutsu, un art bien fascinant qui ne cessait d'intéresser l'enflammé.
⚊ Haha, je te remercies de l'accueil !
Levant son verre pour trinquer, Etsuro parvint à finir le contenu de son verre, poussant un soupir d'aise en le reposant. Finalement, cet alcool était loin d'être mauvais. Il changeait juste d'habitude, et Etsuro n'aimait pas se faire bousculer dans ses habitudes. Finalement, le sujet se reportait sur l'ancien nomade devenu soldat. La sédentarisation, un vaste sujet. Pour répondre à la question de Raizen, le Genin jugea nécessaire de répondre à une autre. Tout en fixant son verre vide, il esquissait un mince sourire, repensant à son enfance.
⚊ Chaque homme est nomade de nature. Qu'est-ce qui le pousse à se sédentariser, selon toi ? Des tas de choses. Tu pourrais poser la question à tes ancêtres. Pour ma part, c'est par curiosité. J'ai beaucoup lu, j'ai beaucoup voyagé. Néanmoins, je ne connais rien de ce monde, car il ne m'intéressait pas. Désormais, la tendance s'inverse. N'as-tu jamais éprouvé de soudaine attirance pour un sujet qui ne t'intéressait pas auparavant ?
Le désir humain, là se trouvait l'essence de toutes ses ambitions. Le cycle ne se répéterait que si l'homme éprouvait les désirs qu'il escomptait. Ainsi, la conversation se poursuivait, et Etsuro cherchait. Il cherchait en Raizen, son potentiel de chaos. Celui inhérent à tout être humain, selon sa propre théorie. Mais alors que la conversation se poursuivait, un bruit assourdissant parvint aux oreilles de nos protagonistes, alors que la porte du bar s'effondrait au sol, sous l'impact d'un violent coup. Un colosse accompagné de trois sbires pénétra alors l'enseigne, se dirigeant vers le comptoir, plaquant alors son poing sur la table.
⚊ Oji-san !!! La réserve d'alcool, immédiatement !!
Haussant les sourcils, Etsuro s'interrompit soudainement, s'intéressant subitement à la scène. Le tavernier, soupirant, ferma son livre un instant, avant de sortir des tonneaux d'une petite cave. L'assimilateur ne mit pas bien longtemps avant de comprendre ce qu'il se tramait.
⚊ Oh, alors c'est vous qui avez changé l'alcool du bar.
Esquissant un mince sourire, Etsuro leva sa main gantée, saluant amicalement le colosse. Sans réellement chercher à comprendre, ce dernier serra alors le poing, s'apprêtant à l'envoyer s'écraser contre le visage de l'enflammée, sous le regard des spectateurs... Et de Raizen.
Cet homme semblait très intéressant. En l’espace de quelques secondes, il avait su capter l’attention du Meikyû qui dirigeait maintenant beaucoup d’énergie à la compréhension de tout ce qu’il disait. Malheureusement, alors que Raizen s’efforçait indirectement de masquer un sourire témoignant son enthousiasme, un homme bruyant entra dans le bar, frayant son chemin tel un ivrogne pour demander de l’alcool. Si certains pensaient que l’alcool était de l’eau, ceux-ci se trompaient complètement et ils allaient l’apprendre difficilement.
Or si certains avaient l’alcool triste, d’autres avaient l’alcool violent, allant même jusqu’à devenir agressifs de manière aussi spontanée que certains disaient bonjour à des inconnus. En d’autres mots, ils n’avaient aucun contrôle d’eux-mêmes, détruisant ainsi toutes les inhibitions qui les empêchaient de réaliser ce qu’ils souhaitaient au plus profond de l’individu exécrable qu’ils pouvaient tous être. Ainsi, ce qui semblait impossible de réaliser devenait aussitôt abordable, voire même facile. Peu importe à quel point ils pouvaient paraître ridicules, ils ne s’en souciaient guère. Ainsi, l’homme ne constata probablement pas que son aura devint soudainement hostile sans oublier le fait que son manque de coordination rendait son coup relativement prévisible, lent et esquivable.
En temps normal, Raizen se serait contenté de laisser le jeune homme se faire frapper. Après tout, pourquoi s’interposerait-il alors que celui-ci pouvait aisément voir la charge venir ? Étant loin d’être un héros, il était beaucoup plus intéressé par l’idée de voir la réaction du sédentaire que d’aider. Malheureusement, cet homme venait tout juste d’arriver au village. Avoir une altercation dans ce bar alors qu’il n’était pas encore considéré citoyen risquait d’être fatal pour sa personne. Il valait mieux qu’un Kumojin entre dans une altercation avec un autre kumojin qu’un étranger. Autrement, peu importe qui avait tort, le balancier risquait de pencher en faveur des locaux, quoiqu’il arrive. Si dans une situation, il y avait jamais qu’une seule personne fautive, Raizen tenait à détruire cette mauvaise conception alors qu’il poussa Etsuro d’un bref geste pour lui permettre d’esquiver le coup qui fendit l’air. Sous l’élan et grâce à son ivresse, l’énergumène alcoolisé fut projeté vers l’avant, perdant ainsi l’équilibre. Alors qu’il se serait contenté de parcourir plusieurs mètres en tenant son poing vers l’avant comme un imbécile, Raizen recula sa chaise de manière à ce qu’accidentellement, celui-ci trébuche et tombe.
-Mes excuses, je ne vous avais pas vu.
Regardant durement l’homme qui se relevait péniblement, le regard du jeune homme devenait de plus en plus sombre. Il détestait qu’on interfère avec l’objet de sa curiosité, chose qu’il n’avait aucun mal à laisser paraître dans la foudre qui se formait dans ses yeux. Pire encore, il laissait lentement son chakra envahir ses membres, permettant ainsi à une aura imposante d’intimider les moins préparés. Cette technique était en phase préliminaire, toutefois, elle semblait plus ou moins bien marcher.
-Pas vraiment, je dirais que tous les sujets m’intéressent, simplement, ils le font à un degré d’intensité différente.
Ignorant totalement l’homme qui grognait en se relevant, Raizen ne savait pas s’il allait récidiver ou pas. Ainsi, il fit comme si de rien n’était, ignorant le fait qu’un groupe d’hommes s’approchaient pour venir voir comment se portait leur camarade ivre.
-Par exemple, l’ivrogne ci-dessous peut paraître lambda à première vue, mais ma curiosité me pousse tout de même à vouloir savoir à quel point peut aller sa stupidité. Par contre, ce n’est en rien aussi intéressant que le nombre de secondes nécessaires pour qu’il réalise avoir trop bu.
Se moquant ouvertement de l’inconnu, le kumojin n’avait aucune gêne dans ses propos alors que les problèmes n’allaient pas tarder à s’approcher ou du moins : le grand groupe de problème.