L’infini céruléen est percé par le mouvement d’un bateau à l’horizon du port Naragasa. Cela fait quelques jours que Saji voyage à bord, en compagnie d’autres passagers d’origines diverses. Lançant un regard en direction du port qui s’étale au loin, il est soulagé que le voyage arrive enfin à son terme. Il regarde derrière lui. Des enfants jouent au ballon sur le pont du bateau qui craque à certains endroits. D’autres passagers, comme lui, sont excités à l’idée d’arriver sur terre ferme et changer d’air. La plupart viennent aussi du pays de la Foudre, probablement pour des raisons différentes des siennes. Pour trouver un travail. Pour rejoindre la famille. Du moins c’est ce qu’il a pu entendre.
Quant à lui, il n’avait qu’une idée en tête, celle de retrouver son frère Ashikage, responsable du meurtre de leur maître et du vol d’une arme légendaire. Pourquoi a-t-il commis cet acte irréparable ? Pourquoi fallait-il qu’il fuie vers Kirigakure ? Il avait ses hypothèses bien sûr. Il serait plausible qu’il soit à la recherche d’autres moyens de devenir un meilleur bretteur, après tout c’est là que ce se trouve le fameux Clan des Sabreurs. Mais ceux-ci sont d’un tout autre niveau. Ils possèdent des armes légendaires qui feraient trembler le monde des trois.
Au fond, Saji lui-même est curieux d’aller à la rencontre de ces shinobis spécialisés dans l’art du sabre. Cela lui permettrait de raffiner sa technique et avoir une chance de battre son frère. Mais que faire s’il arrive à le vaincre ? Doit-il chercher à le convaincre de retourner à la maison ? Reviendra-t-il à la raison ? Toutes ces années à débattre politique ont convaincu Saji qu’ils n’arriveraient jamais à voir le monde de la même façon. Même pas l’infime espoir d’arriver sur un point d’entente. Ashikage était allé trop loin dans son idéologie. Il avait franchi la ligne rouge. Il a versé le sang.
Quelque chose touche soudainement le mollet de Saji, alors qu’il est plongé dans ses pensées. Il se retourne, baisse les yeux et aperçoit un ballon. Un petit garçon aux cheveux noirs court à petits pas dans sa direction pour prendre le ballon. Il tend les bras en direction de l’étranger en noir.
Enfant: "Vraiment pardon M'sieur ! Je peux avoir la balle s’il vous plaît ?"
Surpris par cet échange social inattendu, qui est en réalité la première depuis qu’il a posé pied sur le bateau. C’est vrai qu’il n’a pas tellement l’habitude d’interagir avec d’autres personnes en raison de son handicap. Il ne connait personne de son village d’origine qu’il pourrait appeler un ami, à part son frère. Il se baisse au niveau de l’enfant et lui tapote la tête avant de lui rendre son ballon. L’enfant non intimidé par le déguisement du ninja, lui rend un sourire innocent avant de s’enfuir pour reprendre le jeu avec ses camarades. Etrange. Cet enfant lui ressemble physiquement, et lui rappelle ces moments quand il jouait aux figurines avec son frère. Que donnerait-il pour retourner à ces moments d’amour fraternel, où il n’y avait pas de haine, où l’idéologie n’empoisonnait pas encore les esprits. Quel dommage qu’il faille se battre entre nous pour défendre ses idées. Ne serait-il pas plus rationnel de seulement en discuter ?
Sonne alors la cloche du bateau pour signaler l’amarrage imminent. On peut voir quelques pêcheurs circuler sur le quai, transportant des kilos de poisson fraîchement pêché dans des chariots. Des personnes discutent ici et là. Le quotidien suit son court, chacun vaque à ses occupations. Pendant ce temps, le pont du bateau commence à être noir de monde. Tout le monde a l’air impatient de débarquer. Après un moment d’introspection, et tout en prenant son temps, Saji quitte son point d’observation pour se rapprocher de la passerelle. On peut voir des locaux sur le quai en train de guetter pour accueillir leurs proches. Les gens commencent à descendre et à affluer vers le point de vérification des papiers. Le port de Naragasa est très bien gardé, rien de surprenant venant d’un village aussi militarisé que Kiragakure. Toujours à l’affût, des officiers patrouillent autour des points de circulation des voyageurs afin de contrôler le flot de monde. Impressionnant. En levant les yeux, Saji aperçoit des gardes postés sur des tours qui surplombent le village.
Le contrôleur a l'air intimidé par l'apparence de l'étranger de 1,90 mètres qui retire son masque pour montrer son visage, légèrement dissimulé par une ombre laissée par un bâtiment à proximité. Saji se rapproche pour mettre son visage en évidence, de sorte que seul son interlocuteur puisse l'identifier et confirmer que les papiers sont en règle. Après quelques allers retours entre sa photo et son visage, le contrôleur lui pose une question.
Contrôleur: "...et le motif de votre venue monsieur... ?"
Sans dire un mot, Saji sort son carnet, griffonne deux trois mots avant de le tendre au contrôleur:
- Saji a écrit:
- "Devenir shinobi"