Saigo une main sur le crâne tentant de chasser ces maux se redressa sur le lit. Le soleil se levait à peine, pointant timidement le bout de son nez, combien de temps avait-il dormi ? Quelques minutes ? Oui tout au plus, il était rentré bien trop tard et la forme endormie sous les draps à ses côtés témoignait que sa nuit avait été longue mais plutôt fructueuse et agréable. Il serait bien resté allongé aux côtés de cette belle créature dont la lumière naissante du jour venait bercer et éclairer les courbes gracieuse, mais le jeune homme avait un autre rendez-vous d'une tout autre nature. Il s'habilla prestement, renfilant les mêmes affaires que la vieille, il n'était pas chez lui, à vrai dire il ne savait pas vraiment ou il se trouvait et n'avait absolument pas le temps, ni l'envie, de faire un détour vers son appartement miteux pour se changer.

Il s'apprêtait à se jeter par la fenêtre pour commencer sa course sur les toits quand il s’arrêta net, quelque chose le dérangeait, il ne pouvait pas partir comme ça, Saigo n'était plus un voleur ni un mafieux. Le jeune homme tentait de devenir quelqu’un de respectable depuis qu'il s'était enrôlé... Il sortit du coup de sa poche une liasse de billets qu'il jeta sur le lit, envoya une puissante claque sur les fesses de la belle inconnue et s'envola dans un rire enjôleur. Il fut poursuivit par une ribambelle d'insultes dans un langage beaucoup trop soutenue pour venir d'une femme de joie. Alors qu'il disparaissait derrière un bâtiment il ne put s'empêcher d'essayer de se souvenir du nom de cette honorable compagne éphémère... Sans succès...

Il ne lui fallut qu'une dizaine de minutes pour arriver au lieu de rendez-vous, éviter la foule matinale qui se déversait dans les rues en passant par les toits était une stratégie qu'il ne suivait que depuis peu, depuis qu'il avait appris à manipuler son chakra à vrai dire. Une belle invention cette merde bleutée, et que fut-il surpris quand il découvrit pendant un de ses entrainements qu'il possédait également un pouvoir héréditaire! Tout ceci était encore nouveau pour lui et à 23 ans, nombreux étaient les sceptiques à croire qu'il n'arriverait jamais à rien. Mais passer ses journées à s'entrainer et à pousser son corps dans ses derniers retranchements était pour lui l'équivalent d'un paradis, d'un luxe qu'il n'aurait jamais cru exister. Toute sa vie il avait lutté et tué pour survivre, son corps était à l'apogée de sa force, semblable à une coupe en diamant brute attendant d'être sculpté et remplie. C'est ainsi qu'il voyait les instructeurs de Kumo, comme des sculpteurs, des artistes dont son corps était l'œuvre d'une vie.

Une vie de souffrance qui n'avait pas été vaine, peut-être même, se disait-il quelque part, que chacune de ces épreuves inhumaines avait été une leçon, une sorte de formation destinée à lui permettre d'exceller aujourd’hui, à devenir une personne capable de changer les choses, à commencer par son propre destin. Mais ça c'était s'il croyait en une quelconque entité supérieure et malheureusement pour la race humaine, la seule chose en laquelle il se fiait vraiment, c'était en la capacité de l'homme à agir de façon inhumaine, une belle contradiction.

Il était tôt, beaucoup trop tôt et de ce fait personne n'était encore présent sur le terrain, le moment qu'il appréciait le plus de son nouveau quotidien, de ses journées de labeur physique... Ce calme avant la tempête de cris et d'armes qui s'entrechoquent, cette lumière rougeâtre et chaleureuse semblable à la première goutte de sang s'échappant d'une plaie fraichement ouverte. Il inspira un grand coup, remplissant d'oxygène bienvenu sa cervelle douloureuse et ses poumons endormis, qui malgré le génocide de cigarettes qu'il perpétuait chaque jour restaient en pleine forme. Il en profita pour remercier sa génétique et ses parents qu'il n'avait jamais connu. A défaut d'être présents, ils lui avaient laissé un jouet de qualité, un corps de guerrier, de shinobi, une carapace capable d'encaisser et de survivre à des situations qui tueraient la plupart...

Ses nombreuses cicatrices visibles alors qu'il retirait sa veste pour se mettre torse nu en étaient la preuve, un entrelacs d'anciennes blessures parfaitement guéries venant donner un caractère presque artistique de par leur témoignage, visible mais silencieux, de violences passées... Se doutant de l'arrivée prochaine de son entraineur du jour, il se mit doucement à s'étirer et à se mouvoir avec aisance, échauffant ses muscles, d'une manière féline et prédatrice, inhérente à une créature ayant vécu l'intégralité de sa vie en milieu hostile.

Esquive, Jean-Yves !

Les timides rayons du soleil caressent son visage endormi. Chiaki ouvre doucement les yeux. Sa vie est trop mouvementée, dernièrement. Bien trop mouvementée. Il s’y passe trop de choses. Elle est seulement sortie de l’hôpital, encore convalescente et, pourtant, il lui a été demandé d’aider un Genin à progresser. Lui servir d’entraîneur alors que son corps répond à peine à ses ordres, hein ? Quelle plaie. Chiaki se redresse doucement, se prépare, s’habille. Une routine qui se remet en place, plus compliquée que d’habitude, mais qui revient, qui rassure. Les mouvements répétés, les habitudes, ces petites choses qui permettent à l’esprit de ne pas être perturbé, Chiaki n’aurait jamais pensé qu’elles lui manqueraient à ce point.

Une fois son petit-déjeuner englouti – ça non plus, ça n’a pas changé –, la petite brune décide de se mettre en route pour les terrains d’entraînement. Son élève, « Saigo », selon le nom qui lui a été donné, est une personne qui lui est totalement étrangère. Chiaki a vécu bien des choses, connu bien des gens, mais celui-ci ne lui rappelle absolument rien. Il est peut-être tout nouveau, lui aussi, qui sait ? Il va donc falloir entraîner quelqu’un d’inconnu, en faisant son maximum pour ne pas se blesser mais ne pas paraître faible. Haha, ce serait plus simple si elle ne s’était pas retrouvée nez-à-nez avec une cinglée manipulatrice de la foudre, hein ?

Ses pas la mènent jusqu’au terrain, où elle voit un jeune homme se préparer. Il se déshabille, puis commence ses échauffements. Donc celui-ci est exhibitionniste ? Il lui rappelle étrangement un certain type de personnes. Un sourire étire ses lèvres rien qu’à la pensée de ces idiots, de ces créatures de foire. Il y a bien longtemps qu’elle n’en a pas vu, cela dit. Sûrement à cause de la convalescence. Vivement qu’elle retourne en chirurgie ! Il y a trop de choses à faire, bien trop de choses. Chiaki hausse les épaules devant cette créature musclée, puis entre lentement sur le terrain. L’ombre des arbres cesse de la cacher, dévoilant une créature svelte, pas forcément très grande ni très formée, qui pourtant s’avère être l’instructrice de ce jeune homme. Un sourire amusé étire ses lèvres. Ils sont désormais face-à-face, ce qui permet à la chirurgienne de voir toutes les cicatrices sur son corps. Encore un guerrier des temps modernes, qui ne fait pas attention à lui. Génial.

D’un geste de la main, la Sentetsu salue son élève du jour.

« Salut ! Sentetsu Chiaki, chirurgienne et ninja du village. J’imagine que tu es Saigo. Apparemment, aujourd’hui, je suis ton professeur. »

Nouveau haussement d’épaules. Cette situation ne lui déplaît pas et ne lui est pas franchement étrangère, à vrai dire. Il n’est pas le premier à recevoir son enseignement, ni le dernier, probablement. Cela dit, aujourd’hui, Chiaki est … diminuée, disons. Par rapport à d’habitude, elle n’a pas sa panache, ni sa folle envie de se bagarrer. Peut-être serait-il bon de le prévenir ?

« Je m’excuse d’avance si je suis un peu moins réactive et moins bagarreuse que d’habitude. »

La brune croise les bras sur sa poitrine.

« Je sors de l’hôpital, j’ai été réparée convenablement, mais j’ai encore quelques blessures et bleus ici et là. »

Un sourire amusé étire ses lèvres.

« Ne t’attends pas à ce que je te ménage, cela dit. »

Chiaki reste Chiaki, après tout. Diminuée ou pas, ce jeune homme aura le même traitement que tous les autres. Elle soupire et s’approche davantage.

« Bon, alors. Qu’attends-tu de moi ? »

Après tout, elle a beau être son professeur, elle ne peut rien faire s’il ne lui dit pas ce qu’il veut apprendre. Sinon, Chiaki pourrait très bien lui faire un long et ennuyeux cours sur les bases de la vie de ninja, mais … Est-ce vraiment ce qu’il attend ? Ce qu’il veut ? Probablement pas, non.

Saigo finissait de s'échauffer, le corps à présent bouillant malgré la fraicheur matinale. Il ralentit le rythme de ses mouvements à mesure qu'une silhouette méconnaissable s'approchait de lui. Une femme pensa t-il, une gamine se corrigea t-il très vite en l'observant de plus près. Que venait faire un gosse sur les terrains d'entrainement? Puis le jeune homme se souvint, la plupart des mômes et ados de l'académie étaient plus puissants et bien plus instruits que lui lorsqu'il s'agissait des arts ninjas et du chakra. Une pointe d'amertume et de frustration lui piqua le cœur, il n'en laissa rien paraître alors que la dénommée Chiaki se lançait dans un monologue qui manqua de le fatiguer avant même le début de l'entrainement.

- Pour sûr!

Il ne trouva rien d'autre à redire jusqu'à ce qu'elle se mette à parler de ce qu'il attendait d'elle. Que pouvait-elle lui apprendre? Saigo avait fait une demande de cours particulier auprès du bureau de l'académie, son objectif était de gagner en vitesse, d'avoir un moyen de se protéger assez versatile face à ces shinobis aux techniques rocambolesques. Les "règles" et techniques de combat qu'il connaissait depuis sa plus tendre enfance avaient radicalement changé depuis son enrôlement. Ce qu'il maitrisait ou pensait savoir avait été tout simplement rendu obsolète, inutile, par un seul nouveau facteur: le chakra. L'ex mafieux était persuadé de pouvoir dominer n'importe quel être humain dans un combat de rue, du moment que cette maudite énergie ne rentrait pas dans la donne...

Mais voilà que lui aussi possédait cette faculté, et ce depuis toujours! Malheureusement il avait fallu attendre ses 22 ans pour que la vérité sur ses capacités latentes éclatent au grand jour, il n'avait à présent plus d'autres choix que d'apprendre à les maitriser à son tour. S'il voulait vraiment progresser et reprendre l'ascendant sur ce monde qui le trahissait depuis sa naissance.

Pouvait-il vraiment compter sur ce petit bout de femme qui se tenait devant lui? Saigo restait septique mais encore une fois il n'en pipa mot. Il continua à la jauger du regard bien qu'en l'observant véritablement pour la première fois, anormalement intrigué par ses grands yeux verts... Puis il se souvint, oui, l'air de ressemblance était frappant, comment avait-il fait pour ne pas s'en rendre compte plus tôt? Ses souvenirs étaient-ils si douloureux que l'ex mafieux se refusait à les laisser ressortir? Il sentit au même moment une vive douleur à la poitrine qu'il ne put dissimuler, serait-ce de la peine qu'il ressentait, de la culpabilité même? Lui? Impossible... Son regard se troubla un quart de seconde avant qu'il ne secoue la tête vivement, se forçant ainsi à reprendre ses esprits et refusant de se laisser contrôler par des émotions aussi faibles.

- J'ai besoin d'apprendre à esquiver des techniques inattendues. Je suis rapide, mais pas assez. Il me manque quelque chose et je ne saurais dire quoi.

là se trouvait toute l'étendue de la politesse dont il était capable. Mettant d'un côté troubles personnels et égo, il mit de l'autre ses prochains heures, potentiellement jours, entre les mains de l'adolescente. Le monde qu'il connaissait était parti en couille, alors pourquoi pas?

Esquive, Jean-Yves !

Le visage dur, fermé. Les cicatrices partout. Chiaki regarde avec attention le corps qui lui fait face, examine les cicatrices sans les toucher. Elles se sont bien refermées, pour la plupart, mais certaines sont suffisamment profondes pour indiquer un passé trouble, plein d’histoires sombres. Probablement un passé violent. La chirurgienne penche la tête et l’examine. Il a répondu, semble acquiescer mais, d’un seul coup, sans explication, le voilà qu’il change complètement de visage. Un malaise passe. Aurait-elle fait quelque chose de mal ? Quelque chose qu’elle ne sait pas expliquer. Qu’elle ne comprend pas non plus. Hum. Il coupe court à toute réflexion possible, à tout dialogue, en enchaînant directement sur la raison de leurs présences à tous les deux sur ce terrain.

« Apprendre à esquiver des techniques inattendues. » Hum. Chiaki hoche doucement la tête. Oui, il a besoin de savoir comment gérer sa vitesse, à l’instar d’Isami, qui avait montré des lacunes dans ce domaine aussi. Bien. Jusque-là, rien de très compliqué, la brune voit comment s’y prendre pour mener à bien cette mission. Avec sa convalescence, ce sera un peu plus difficile, mais cela devrait se passer sans trop de problème. Elle croise les bras sur sa poitrine.

L’examen commence. Déjà, la posture. Quand il s’échauffe, on sent qu’il met l’accent sur le haut de son corps. Les blessures qu’il porte sur le buste peuvent corroborer cette idée, mais Chiaki ne peut pas se baser dessus pour savoir, vu qu’elle ne voit pas ses jambes. Donc cette hypothèse retourne dans le placard, faute de détails suffisants. La brune s’approche tranquillement, jusqu’à être à portée de ses mains. Elle regarde de haut en bas. Ses prunelles reviennent jusqu’à ses yeux, auxquels elles se fixent. Un sourire gentil étire ses lèvres.

« D’accord ! »

Chiaki hoche doucement la tête. Les bras décroisés, postés le long du corps, elle réfléchit à une façon d’entrée en matière. Vu le peu de paroles que le jeune homme a prononcées, il est probablement du genre à aller droit au but, sans se prendre la tête. Un bagarreur brutal, probablement. Qui se casse pas la tête en fioritures, qui tape dedans et voilà. Bien. Chiaki se met alors en position et concentre du chakra dans ses jambes, puis s’élance en arrière, en augmentant la distance qui les sépare.

Un mouvement rapide, qui permet de se déplacer d’un endroit à un autre et, a fortiori, d’esquiver. Ça devrait lui convenir. C’est simple, efficace. La brune revient tranquillement jusqu’à Saigo, toujours aussi souriante.

« Ça, ça devrait le faire, non ? »

Elle hausse doucement les épaules. Aller vite, droit au but. S’adapter à son interlocuteur, sans chercher à en faire trop. Parce qu’il n’aimera pas ça. Pire, ça le fera juste chier.

« La première chose à faire est de travailler la posture. Là, comme ça, sans conseils, tu ferais comment ? »

L’heure est donc à la démonstration. Faire vite, faire bien. Faire clair et net. Au boulot !

La technique en question !:

Suite à la démonstration sans fioriture de l'adolescente, Saigo ne put s'empêcher de lever un sourcil en signe d'approbation. Son faciès auparavant septique était à présent remplacé par une moue curieuse, intéressée. Il fléchit les genoux quelques fois, impatient d'essayer à son tour. Apprendre cette technique lui sauverait la mise en de nombreuses occasions, à n'en pas douter... Ses faibles connaissances des arts shinobis ne lui permettaient pas de créer lui même de techniques défensives adéquates, et même s'il était un professionnel du "rentre-dedans à l'aveugle", son instinct de survie poli depuis sa plus tendre enfance à danser avec la mort, lui intimait aujourd'hui et ce depuis des semaines de se préparer à l'inévitable: la rencontre d'êtres bien plus puissants que lui. Et s'il ne l'écoutait pas, son prochain combat serait sans nul doute sa dernière cabriole avant de rejoindre les bras secs et gelés, bien que familiers, de la mort. Dans un sourire agressif Saigo lui répondit.

- c'est parfait ma jolie.

L'ex-mafieux avait un corps de guerrier, de roublard ayant échappé au "coup final" un peu trop souvent, parfaitement équilibré et proportionné, il était un prédateur et ses déplacements semblaient plus proche de l'animal que de l'humain. Ses muscles répondant autant l'instinct qu'à ses ordres, il n'y avait rien de calculé chez Saigo, ses mouvements se jouaient sur une expérience de la violence un peu trop prononcée, il ordonnait et son corps se mouvait dans un naturel presque gracieux. En matière de prouesse physique, le jeune homme était persuadé que rien ne lui était impossible, mais là était peut-être bien le problème...

Saigo n'avait pas manqué de voir l'examen approfondi dont il avait été ouvertement la cible et dans un geste nonchalant il arracha son pantalon noir. En caleçon devant la gamine il se dit que peut-être il était en train d'enfreindre une des innombrables règles ridicules de ce pays civilisé, il n'eut qu'un léger haussement d'épaules à cette pensée. Il s'agissait d'un examen physique dans le cadre de l'entrainement, puis de cette manière il répondrait à ses questions muettes sur l'état de son corps.

Face à la fraiche brise du matin ses muscles des jambes se contractèrent subitement, quelques veines furent visibles, traversant une musculature inférieure parfaitement ciselée. La puissance et l'efficacité de ses jambes n'étaient pas à remettre en compte, des barres en métal s'étaient déjà brisé sur ses tibias et bon nombre de couteaux s'étaient émoussés sur ses muscles, laissant de belles cicatrices en commémoration.

La posture? comment ferait-il sans conseil? Foutaises, sans répondre à Chiaki et sans plus attendre le jeune homme impatient s'élança, tentant de mimiquer ce qu'il l'avait vu accomplir quelques minutes plus tôt. Insuffler ce maudit chakra dans les jambes et s'élancer en arrière, cela ne pouvait pas être bien compliqué... Il poussa un cri victorieux, pensant avoir réussi alors qu'il se sentait subitement reculer et qu'il disparaissait du champ de vision de l'ado. Un cri qui s'éteigna aussi rapidement et bruyamment qu'il avait commencé, dans un choc inattendu et d'une force à en faire trembler le sol. Saigo venait de percuter de plein fouet le premier arbre à la bordure du terrain d'entrainement. Il sombrait doucement dans l'inconscience en voyant Chiaki se diriger vers lui, il eut tout juste le temps de maudire intérieurement son incompétence à se contrôler avant de tourner de l'oeil.

Esquive, Jean-Yves !

Macho. Terriblement macho. Il est l’archétype de l’homme fier de sa puissance. Du type qui pense avoir tout vu, tout vécu et être capable de tout faire. Chiaki trouvait ça intéressant, au départ. Mais la petite phrase qui contient un « ma jolie » lui donne envie de vomir. Trop, bien trop macho. Bon, ça ira. Au pire des cas, il n’y a pas grand chose de bien compliqué à l’envoyer au tapis. Après tout, il ne pourra pas forcément esquiver ses plus grosses offensives, alors … Il n’y a pas de quoi se prendre la tête, n’est-ce pas ? Autant y aller tranquillement et faire sa vie comme d’habitude. Rien de nouveau sous le soleil, rien de surprenant non plus.

Le pantalon est la deuxième victime de son exhibitionnisme. Le vêtement vole, laissant Saigo en caleçon. L’esprit scientifique de Chiaki se jette à l’assaut des jambes, voyant des muscles bien entretenus, mais qui n’ont pas vécu l’entraînement des ninjas. Ce type ne doit pas être ninja depuis longtemps, mais il a vécu bien des choses. Bon, y a peut-être ça qui est intéressant chez lui. La mentalité, par contre, on repassera. La brune laisse faire, examine. Il a l’air de se mettre en position.

La posture est mauvaise. Le point de départ est foireux, complètement foireux. Il va se rater. C’est sûr. C’est prévisible à des milliers de kilomètres. Même d’un autre village, ils pourraient sentir que cette démonstration de force va mal se finir. Chiaki croise les bras sur sa poitrine et attend de voir. Peut-être qu’un miracle va le sauver, qui sait ? Quelque chose de sympathique, les astres qui s’alignent, le coup du sort, tout ça …

Eh bah non.

Un grand fracas retentit, qui permet à la brune de comprendre que non, ce type n’est pas de ceux qui font du zèle à raison. C’est un macho stupide. Bien, bien. Elle s’en approche, pour prendre son pouls. Il est juste sonné, très bien. Chiaki se redresse et décide de se mettre à une certaine distance du jeune homme, en attendant patiemment qu’il revienne à lui. Même si ça prend du temps, au fond, peu importe. Un professeur doit s’armer de patience en toute circonstance !

Debout, les bras croisés, la chirurgienne reste en attente, jusqu’à ce que le héros des temps anciens finisse par ouvrir les yeux. À croire que les princesses des contes qu’on lit aux enfants sont plus réactives. Bah ! Il faudra bien que Blanche-Neige ouvre les yeux un jour, ou alors Chiaki devra rapporter aux autorités qu’il y avait erreur à l’embauche.

Un mouvement. Des yeux qui bougent. Des grognements, aussi ? La brune ne sait pas trop. Il est vivant, plus ou moins éveillé …

« Alors, Blanche-Neige ? On a bien roupillé ? »

Un sourire amusé étire ses lèvres alors qu’elle penche la tête.

« Tu me dis quand tu veux commencer l’apprentissage. J’ai toute la journée ! »

Bah, après tout, elle n’a que ça à faire pendant sa convalescence … Autant que ce soit rentabilisé en remplissant les tâches qui lui sont attribuées, non ?

Dans une prairie à feu et à sang, Saigo courait nu ou plutôt bondissait tel un lièvre satanique avec un sourire aux lèvres de boucher découpant son jarret de jambon. Chacun de ses pas écrasait impitoyablement multitudes d'escargots et souris vertes, dans un bruit écœurant, presque maladif pour quiconque en témoignerait, mais qui semblait exciter notre jeune homme comme jaja. L'ex-mafieux lui se réjouissait de ces craquelures et de cette bave ensanglantée qui venait l'éclabousser amoureusement à chacun de ses bonds majestueux. Des licornes enflammées à la peau craquelée, vérolée, de laquelle s'échappaient des torrents de pus, couraient autour de Saigo en un cortège honorifique, en un sacrifice dévoué à la grandeur de cet homme.

En ouvrant doucement les yeux, il quittait à contrecœur ce doux rêve quotidien, ce petit paradis gourmand, son petit monde de paillettes qu'il chérissait tant. Il fut cependant déçu, presque triste, de n'être pas arrivé à la deuxième étape du rêve, encore plus agréable et paisible que la première scène... Mais Il était réveillé à présent et il devrait attendre la nuit tombée s'il voulait réitérer, pas question de se la couler douce, Saigo avait du travail, quelqu’il fut.

Il grogna lourdement, revenant quelque peu à lui et ne se remémorant qu'à moitié la raison de son petit voyage spirituel vers cet au-delà enchanteur. Cette putain d'esquive. Il se redressa tant bien que mal et observa de ses yeux injectés de sang une gamine qui lui parlait. C'était qui celle-là? Il vint se gratter sa barbe de quelques jours en plein combat avec lui-même, perplexe à l'extrême. Une adolescente à ses côtés, lui presque à poil... S'était-il fait violer en pleine séance d'entrainement? Avait-on pris avantage de son corps d'apollon alors que son âme innocente voguait au pays des Bisounours? Un sourire niais vint défigurer son visage, ce ne serait pas la première fois qu'on lui faisait le coup, mais son mal de crâne, son corps endolori, témoignaient clairement de la violence de l'acte... Une femme à double visage pensa t-il en fronçant les sourcils et lui lançant un regard compréhensif.

Elle se mit à lui parler d'un "apprentissage" et il s'apprêtait à lui répondre que c'était probablement à lui de lui apprendre quelques trucs étant donné son expérience dans le domaine quand un doute l'assaillit soudain, un gros doute. Saigo se mit quelques gifles dans la gueule histoire de débrumer ses pensées délirantes. Les cases se remirent en place et sa mémoire, à présent intacte, vint clarifier la scène.

- Ah... Oui je suis prêt.


Quel bordel...

Esquive, Jean-Yves !

Blanche-Neige a reçu le baiser tant attendu, celui qui l’a fait sortir de ses fameux rêves. La voilà désormais presque sur pieds, la tête dans les nuages. Ou dans le cul. C’est moins sexy, mais c’est ce qui se passe. Apparemment, la princesse est prête. Bien. Chiaki s’approche, se penche, puis concentre du chakra médical dans sa main pour avoir la force de le relever. Elle ne prend pas le temps de chercher à savoir s’il le veut ou pas, dans les quelques secondes qui suivent, le voilà debout. La brune recule d’un mètre, environ. Elle détaille de nouveau son corps, pour voir s’il a quelque chose d’abîmé ou non. Tout lui semble en ordre, à vrai dire.

« Bien. T’es pas encore mort, t’as rien cassé et tu peux toujours bouger. Ça devrait aller. »

Chiaki repense à ce qu’elle a vu tout à l’heure, puis quelque chose lui éclate à la figure. Il a concentré du chakra dans ses jambes, mais quelque chose d’inattendu s’est produit. Il n’a aucune maîtrise de ce qu’il fait. Son corps est parti très vite, comme si rien n’était contrôlé. Comme si le chakra avait pris le dessus sur son corps, que l’énergie était partie trop vite. Un sourire étire les lèvres de la chirurgienne.

« Vu tes cicatrices et tes muscles, tu t’es énormément battu au cours de ta vie. Je dirais, à vue d’œil, que tu as entre 22 et 25 ans. Pourtant, tu n’as aucune maîtrise de ton chakra. C’est lui qui te contrôle, pas l’inverse. »

La brune croise les bras sur sa poitrine et évalue Saigo de haut en bas, encore une fois. Ses réflexions ne peuvent pas être fausses. Ce type a vécu bien des choses, mais pas dans le contexte d’une vie de ninjas. La réponse tombe sous le sens.

« Tu n’es donc pas un ninja depuis longtemps. »

Chiaki penche la tête, remet ses bras le long de son corps et s’approche du combattant héroïque qui n’a, au final, rien d’héroïque. La distance se réduit petit à petit, jusqu’à ce que seule la main posée sur le torse de Saigo les séparent. Les prunelles émeraudes de la brune remontent jusqu’aux siennes, s’y mêlent. Son sourire n’a pas bougé, au contraire. Il a l’air plus amusé encore. Plus sardonique, sûrement.

« Tes jolis muscles ne te serviront à rien quand quelqu’un te tombera dessus. »

La brune maintient le regard, elle force le contact. Il n’aime pas le dialogue, il aime les choses simples, brutes, qui vont au bout des choses. Peut-être n’aimera-t-il pas l’analyse que Chiaki fait à partir des stigmates sur sa peau. Peut-être réagira-t-il brutalement, peut-être pas. Elle penche la tête.

« Concentre ton chakra dans tes jambes, encore une fois. Moins. Et oriente le mouvement. Ton corps décide, pas le chakra. Tu es ton unique maître. »

Que le spectacle recommence … ?

La réaction de Saigo à ce flot de paroles presque ininterrompu fut de l'amusement et une sincère, nouvelle et grandissante estime pour la gamine. L'avis qu'il se faisait de Chiaki changea drastiquement suite à ce revirement de situation et ce changement d'attitude chez cette dernière fut accueillit aussi agréablement qu'un bol d'air frais à un soulard. Elle semblait avoir compris, ou tout du moins avoir cerné une grande partie de sa vie et de son comportement, fonctionnement, et agissait à présent en conséquence. Cela témoignait d'une grande maturité pour une femme aussi jeune et Saigo profita de l'opportunité pour reprendre pleinement la possession de ses moyens et se reconcentrer. Il lui devait bien ça. Il nota cependant dans un coin de son esprit son côté tactile, presque provocateur, innocemment enchanteur alors qu'elle venait lui poser la main sur la torse. Aucunement mal à l'aise il sourit en retour.

- Je serais tenté de te dire de faire attention, à trop s'approcher du soleil on s'y brûle les ailes, bien que je sois aux antipodes de cette belle boule de feu.

Ce qui ne présageait pas forcément quelque chose de bon non plus et de forcément beaucoup plus sombre, mais il ne détailla pas le fond de sa pensée, réfléchissant déjà aux dernières paroles de Chiaki. Saigo ne contrôlait pas son chakra? Peut-être bien qu'elle avait raison, encore et toujours ce foutu chakra, il ne supportait pas cette énergie qui lui avait fait défaut toutes ses années. Il rechignait même encore quelques fois à s'en servir, pour lui ce pouvoir était une aberration, une arme inégale. Saigo savait devoir changer cette manière de pensée rapidement ou alors ses progrès seraient considérablement ralentis, s'ils n'étaient pas complètement stoppés dans le pire des cas. Le chakra était l'essence même d'un shinobi...

Son problème semblait être du coup bien plus psychologique que physique, mais il ne voulait en aucun cas l'admettre devant l'adolescente, principalement à cause de son égo et de sa fierté mal placée, puis elle ne comprendrait pas, une kunoichi comme elle ayant vécu l'intégralité de sa vie dans le confort de ce pouvoir héréditaire. Montrer ouvertement ses faiblesses revenait à les accepter et pour un homme comme Saigo, il s'agissait de la chose la plus dur à accomplir... Il se promit de travailler dessus, dans le futur, mais seulement après avoir maitrisé cette technique. Têtu comme une mule, à partir du moment où il avait quelque chose en tête il lui était impossible de lâcher prise, sans parler de son côté compétiteur et mauvais perdant. Saigo s'était humilié une première fois devant Chiaki, cela ne se reproduirait pas, ce n'était pas une question de remonter dans son estime, mais bien de se prouver à lui-même qu'il pouvait réaliser les mêmes choses que tous ces gamins sur le terrain d'entrainement envers et contre son handicap.

Concentrer son chakra dans les jambes... Saigo se dit qu'il était peut-être temps d'essayer une toute autre méthode, la première quelque peu bourrine n'avait pas fonctionné et l'ex-mafieux, malgré les apparences, apprenait de ses erreurs. Il concentra l'énergie bleutée dans ses jambes, tout doucement, cela lui prit du temps, doser la quantité était extrêmement difficile pour lui, tout comme contrôler ses sautes d'humeur et sa soif de sang. Peut-être bien qu'au final toutes ces choses étaient liées entre elles... Il perdit subitement le lien avec son chakra et celui-ci s'évapora instantanément, la dose injectée était trop faible, pas assez concentrée et beaucoup trop instable selon lui. Dans un souffle impatient il se força à reprendre sa respiration, à se calmer avant qu'il ne se poignarde lui-même les muscles des jambes par excès de colère.

Puis il recommença, encore et encore...

Esquive, Jean-Yves !

Icare. La métaphore de l’être qui se rapproche trop près du soleil et s’y brûle les ailes. Une métaphore connue de beaucoup, qui fait toujours sourire Chiaki. Elle n’a pas peur. Cet homme ne lui fait pas peur, comme tous les autres en fait. Personne ne lui fait peur, à vrai dire. Plus maintenant. Plus après ce qu’elle a vécu. Toutes ces personnes sont des obstacles ou des aides en plus pour parvenir à devenir meilleure et protéger toutes les vies qui auraient besoin de son aide. Alors la chirurgienne lui sourit.

« Pour pouvoir les brûler, encore faudrait-il les avoir … »

Et c’est tout. Après tout, elle ne peut plus les perdre maintenant qu’elles n’existent plus. Chiaki s’est approchée trop près du danger, la voici redescendue sur la même terre que tous les autres. Travailler dur, devenir meilleure, persévérer. Les mêmes règles, les mêmes histoires. Toujours les mêmes choses, avec la convalescence en plus. Et une terrible envie de faire encore, toujours mieux.

Elle laisse Saigo se remettre au travail, avec la même attention. Une attention qui ne s’efface jamais, qui lui permet de remarquer qu’il ne parvient plus à esquiver quoi que ce soit. Il ne parvient pas à maîtriser le flux de chakra qui est à sa disposition. Quand a-t-il commencé à travailler là-dessus ? Qu’est-ce qui a rendu ça si long ? Il est plus âgé que Chiaki, pourtant, il est clairement limité par ce manque d’expérience. Cela signifie qu’il a commencé sa vie de ninja récemment, qu’il n’a jamais pratiqué avant. Autrement dit, encore plus de travail et de patience. Eh bien, pourquoi pas.

Le temps passe mais rien n’avance. Il ne progresse pas. Chiaki inspire et, à force de l’étudier, décide d’aller à son secours. Il a beaucoup d’ego, ça se sent. Dans son comportement, il est assez clair qu’il possède une grande fierté. Se faire aider par une demoiselle qui, en plus, est plus jeune que lui, doit beaucoup le gêner. Il faut procéder par étapes et discrètement. Et, surtout, ne pas l’énerver. L’énervement est le pire ennemi de toute personne qui apprend. La chirurgienne s’approche de son élève du jour et pose ses mains sur ses bras, pour ramener son attention sur elle. Ses prunelles se mêlent aux siennes, elle sourit. Retour à la réalité.

« Cette méthode ne fonctionne pas, on va faire autrement, d’accord ? »

Une personne sanguine, vive, spontanée. Quelqu’un qui a besoin d’action, apparemment. Qui a aussi besoin que ça bouge, que ça se fasse vite. Aller à l’essentiel. Pour ça, Chiaki a une technique bien sentie.

« L’entraînement à vide ne te convient pas, donc je vais t’entraîner pour de vrai. Ma convalescence ne fait pas de moi une vieille, je peux encore faire ça. »

Les mains de la brune se détachent lentement de Saigo, puis elle recule au loin, se met en position.

« Tu m’as dit que tu avais du mal avec les techniques inattendues … L’avantage, c’est que l’inattendu, je connais bien. »

Un large sourire sadique étire ses lèvres. La bagarre rapide, la bagarre violente, la bagarre brutale. Ça, Chiaki connaît. Ça passe bien en général. Sans plus attendre, sans prévenir, la chirurgienne charge à toute vitesse en direction de Saigo, le poing dressé, prête à lui mettre un coup de poing, tout ce qu’il y a de plus basique. Simple, pour commencer. Mais peut-être que ça déclenchera la machine.

Résumé:

Alors qu'il venait de passer de longues heures interminables à essayer de consciencieusement transmettre la bonne quantité de chakra à ses jambes, son enseignante vint le narguer en évoquant tout haut ce qu'il savait déjà très bien. Sa petite pique ne manqua pas de le blesser dans son amour propre mais il n'en pipa mot. Il s'arrêta simplement au milieu d'une énième tentative et l'écouta parler. Saigo ne supportait pas de perdre son temps, et détestait d'échouer, deux choses qu'il réitérait depuis deux bonnes heures à son propre insu et complètement impuissant.

Ce fut donc avec un grand sourire et une vigueur nouvelle qu'il prit la proposition de Chiaki à la lettre. Cette gamine en avait dans le ciboulot, il fallait l'admettre! Les choses prenaient enfin une tournure intéressante et son sang ne put s'empêcher de commencer à bouillir en lui. Saigo était vraiment irrattrapable... Mais peut-être que ceci allait marcher... Il se mit en position alors qu'elle s'éloignait de lui, toujours en caleçon, en garde haute, l'image qu'il renvoyait était d'un pitoyable impressionnant, mais l'ex-mafieux n'avait plus le temps de s'en soucier, elle lui fonçait déjà dessus. Il ne put que positionner ses avant-bras en croix pour réceptionner la gamine qui venait de le percuter à une vitesse ahurissante. Une légère fumée s'échappa de ses bras meurtris, touchés par l'attaque.

- Pas mal!

L'adolescente avait de la force malgré son petit gabarit de titi et l'attaque, sans lui faire de gros dégâts, lui avait laissé une sensation de brûlure beaucoup plus désagréable que les coups normaux auxquels il était habitué. Ni une ni deux, gonflé à bloc, le gros minet se remit en position, prêt à recevoir un deuxième assaut, il ne réfléchirait plus et laisserait son corps réagir à l'instinct. Ne pas bloquer, esquiver, se laisser presque glisser sur la terre, s'éloigner rapidement. Saigo se força à baisser sa garde, s'obligeant à faire face à la nouvelle attaque de Chiaki sans aucune préparation. Il ne bloquerait pas, il ne laisserait pas le loisir à son corps d'opter pour la facilité: la défense et le blocage. Ainsi il n'avait plus que deux solutions, se prendre cette patate en pleine gueule, ou fuir.

Le coup manqua de lui briser la mâchoire et il valsa sur quelques mètres. La tête dans les vapes, un filet de sang au coin de la bouche, il se relevait tant bien que mal dans un éclat de rire, qui laissait apercevoir une dentition intacte mais bien ensanglantée. Saigo venait de comprendre, sa fierté l'empêchait d'esquiver, elle l'empêchait de fuir devant son adversaire. Ce n'était même plus une question de chakra mais bien de blocage psychologique... Il n'y avait donc qu'un seul moyen pour lui d'apprendre cette technique, continuer à se faire dégommer jusqu'à ce que son corps se décide par lui-même de bouger, et d'ainsi de sauver sa peau.

- Continue, je sens que ça vient!

La phrase aurait pu être très mal interprétée mais il n'avait ni le temps ni l'envie de se soucier de ce genre de détail. Saigo n'attendait qu'une chose, le prochain coup.

Esquive, Jean-Yves !

L’Homme en caleçon. Son nom se tient bien, quand on voit son costume. Un homme en caleçon face à une jeune fille en convalescence, qui ne se laisse absolument pas débiner et semble totalement insensible à cette situation. Vue de l’extérieur, cette scène pourrait perturber n’importe qui. Chiaki n’en a rien à faire. Elle agit exactement comme s’il était habillé, car les corps ne sont que des corps. Rien de surprenant, rien de nouveau, rien de différent. La brune lance la première offensive, sans peur, sans crainte, se jette sur lui et dresse le poing. L’attaque fait mouche, contre ses bras regroupés pour encaisser au maximum. La chirurgienne tique : ce n’est pas une esquive. Ça ne lui plaît pas.

Chiaki regarde Saigo se replacer et enchaîne. Ne pas perdre le cap, continuer, enchaîner. Mettre plusieurs coups de poing, encore et encore, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il faut esquiver. Qu’il y est contraint. Qu’il ne pourra pas continuer ainsi pour toujours. Mais il le sait ! Il prévient Chiaki, il lui dit qu’il le sent. C’est là, c’est au fond de ses tripes, il faut qu’il esquive. S’il n’esquive pas, il va finir au tapis et la brune ne pourra plus rien pour lui. Bien. Elle hoche la tête.

« D’accord ! »

La chirurgienne se remet en position et lui fonce dessus. La technique de la charge fonctionne toujours, donc Chiaki ne lésine pas sur les moyens et part de cette façon. Cette fois, elle prépare autre chose et compose des mudras une fois à hauteur du combattant qui lui fait face. La Genin arme son bras et part d’en bas. S’il n’esquive pas, il se prendra un uppercut qui le fera voler à plusieurs mètres. La puissance des médecins est toujours une belle surprise pour le commun des mortels, surtout quand c’est une crevette qui envoie des pêches de cette puissance. Chiaki porte son coup et regarde Saigo.

Ne pas lui laisser de répit.

La brune compose rapidement des mudras et prépare l’autre offensive. Son poing, chargé de chakra médical, est envoyé à pleine puissance sur le jeune homme. S’il n’esquive pas, il risque d’être grièvement blessé, peut-être suffisamment pour aller jusqu’à l’hôpital. Autrement dit, il a tout intérêt à se sortir les doigts du cul – pas de classe ni de finesse avec un homme en caleçon – pour ne pas prendre trop cher. Chiaki relance l’action et envoie cette possible dernière offensive sur son élève du jour.

Un profond espoir croît au fond de son cœur, l’espoir qu’il esquive. Ou qu’il encaisse. Qu’il fasse quelque chose. Mais elle ne dira rien, elle ne ralentira pas, elle continuera sur la même voie. Il en a besoin.

Résumé:

La voila qui fonçait à nouveau sur lui, sa vitesse était telle que sa silhouette en était presque flou, Chiaki était sérieuse et l'ex-mafieux en était fou d'une joie bestiale. Des frissons parcourait à présent le corps de Saigo, son cerveau était à l'arrêt, il ne réfléchissait plus. Ce mouvement qu'il essayait d'apprendre était contre nature pour un être tel que lui et il était maintenant persuadé que quoi qu'il essaie de faire, si l'ordre venait de son esprit, son corps lui ne réagirait jamais comme demandé. Comme si Saigo était fait de deux entités distinctes, l'une humaine, réfléchie et calculatrice, l'autre animale, faite d'instincts et d'émotions pures. Le but de l'exercice était de faire en sorte que son corps n'est plus le choix, le kumojin avait la technique et les compétences requises pour maîtriser cette esquive, mais son corps de prédateur, probablement aveuglé par des années passées en haut de la chaîne alimentaire, refusé de se rendre à l'évidence. L'évidence qu'il y avait plus fort, beaucoup plus fort que lui, et que esquiver, éviter une attaque, ne voulait pas forcément dire fuir. Mais bien au contraire, vivre et ainsi continuer à se battre.

La nuance était extrêmement complexe pour un type aussi borné que Saigo, qui d'aussi loin que ses souvenirs remontent, n'avait jamais tenté d'esquiver une attaque. Son esprit et son corps était en inéquation, l'un avait compris la nécessité de recourir à ce genre de tactiques, l'autre peinait à concevoir qu'il était impossible pour lui de tout bloquer, encaisser. Et la petit Chiaki était malheureusement bien sur le point/poing de lui prouver le contraire. L'ex mafieux lui faisait donc face, complètement inerte, le corps pris de frissons et de tremblements comme s'il luttait contre lui même, contre une force invisible qu'il l'empêchait de se mouvoir et de réagir. La mort s'approchait de lui, sous la forme d'une fillette aux allures de poupée et elle ne ralentissait pas, elle se s'arrêterait pas avant de l'avoir traversé, broyé, fracassé. Saigo le sentait dans chaque pore de sa peau, cette attaque était beaucoup plus puissante, elle n'avait rien avoir avec la dernière qui l'avait pourtant envoyé au tapis tel un vulgaire pantin. Ce coup l'enverrait droit au pays des licornes démoniaques et sans ticket retour. Même si le jeune boucan qu'il était aimait autant enlacer la mort que caresser ses chevaux à corne, il y avait un temps pour tout.

Son regard étincelant d'un désir maladif de combattre et son cri de guerre démentiel furent les prémices d'une lutte interne acharnée et d'une évolution prochaine, imminente. Chiaki était tellement proche qu'il sentit son parfum alors que son corps se fit violence, déchirant enfin ces chaînes tant psychologiques que physiologiques qui le retenaient jusque là prisonnier. Saigo, à la fois esclave et maître de son propre corps, disparut du champ de vision de l'adolescente au même moment ou la détonation de son coup surpuissant se faisait entendre sur les terrains d'entrainement.

Avait-il réussi? Réussir était un bien grand mot, mais il s'agissait effectivement d'une première victoire.

Esquive, Jean-Yves !

Un cri. Après toute cette bataille, tout ce temps passé à se moquer de lui, voilà que tout se solde par un cri. Enfin, ça aurait pu n’être que ça, évidemment, mais ce cri est suivi d’une esquive. La disparition du jeune homme du champ de vision de Chiaki. Il se déplace. Le coup de poing de la chirurgienne fend l’air, puis elle s’arrête avant de totalement trouer le sol. Il a réussi. La brune reprend une posture plus raide, plus simple, neutre. Il a réussi. C’est la seule réflexion qui parvient à traverser son esprit sur le moment. Saigo, le rebelle probablement mafieux, qui se bat au point de se mettre terriblement en danger, a réussi à l’esquiver. Il a maîtrisé son chakra.

Néanmoins, quelque chose chiffonne la chirurgienne. Il y a tout de même un léger problème dans cette réussite … Il n’a esquivé que parce qu’il était en danger. Devra-t-il toujours se trouver dans une telle situation pour réussir à employer son chakra ? Non … Non, ça ne peut pas marcher comme ça. Pas dans leur univers. Chiaki refuse d’accepter une victoire aussi amère. Certes, c’est une victoire, mais elle est insuffisante. Ses prunelles émeraudes sondent le terrain, avant de retrouver son élève du jour. Elle se dirige vers lui.

Une fois à sa hauteur, la demoiselle croise les bras sur sa poitrine. Satisfaite, la kunoichi manifeste sa joie par un large sourire. C’est une première victoire. Souligner la première victoire. Toujours. Ne pas décourager dès le départ, même si c’est une brute.

« Bien ! C’est du bon travail ! »

Son regard se voile d’une ombre. Impossible de l’ignorer. Impossible de faire abstraction. C’est son élève. Aucun professeur ne lâche son élève en pleine nature sans s’assurer que son enseignement est appris dans sa totalité. Ou alors, c’est un mauvais professeur. Aucun chirurgien ne laissera un interne toucher à un scalpel tant que l’apprentissage sur les poupées ne rencontrera pas un taux de réussite parfait. Aucune erreur n’est acceptable, surtout pas dans ces deux domaines d’exercice. De fait, aucune approximation n’est possible non plus. Chiaki croise les bras sur sa poitrine.

« J’ai besoin que tu le fasses sans que je manque de te casser quelque chose, cela dit. »

Elle penche la tête.

« Je peux, hein. Mais j’aurais l’impression d’être un mauvais professeur. »

Un sourire sardonique s’installe doucement sur son visage. Vilaine Chiaki, encore et toujours. Elle se racle la gorge pour se donner une nouvelle contenance. Plus de … Sérieux. Autant qu’il est possible d’en avoir dans leur situation.

« On réessaye ? Sans que je te frappe, cette fois. »

La suite de l’apprentissage … Et bientôt la fin ? En théorie. Enfin. Une théorie pleine d’espoirs. Mais théorie quand même.

Cette sensation de liberté, de légèreté, de frôler le sol grâce à une vitesse rendue possible uniquement grâce au chakra, cette énergie qui posait tant de problème pour Saigo. Il poussa un cri de victoire, le point serré en l'air alors qu'il s'arrêtait quelques mètres plus loin de Chiaki, hors de danger. Celle-ci semblait rassurée, probablement aussi enjouée que lui de la réussite de cet élève pas comme les autres. Alors qu'elle venait à sa rencontre, le Kumojin se doutait déjà de ce qu'elle allait dire et de la suite probable des événements. Bien qu'il vînt de réussir à esquiver in extremis, ni Chiaki, ni lui-même ne seraient satisfait tant qu'il n'y parviendrait pas de manière naturelle, quelle que fut la situation.

Saigo était cependant confiant, il sentait dans son corps, dans tout son être, comme un changement, quasi imperceptible pour lui et invisible pour quiconque. Mais qui allait tellement plus loin que l'apprentissage d'une simple technique. Ne voulant pas trop féliciter son enseignante du jour il préféra garder le silence sur cette évolution, le temps qu'il comprenne l'étendue de sa progression. Ce qu'il pouvait faire cependant c'était de la remercier en lui montrant que ce qu'il venait de réaliser était plus qu'un coup de chance. Il n'y avait probablement pas de plus belles récompenses pour un Sensei que de voir son élève atteindre et surpasser ses objectifs.

Il la regarda donc avec un léger sourire taquin, peut-être un peu trop sûr de lui, il hocha la tête à sa proposition et se concentra. Quelques secondes passèrent, mais toujours rien, une minute vint et Saigo était toujours au même endroit, perplexe il refusait de regarder dans les yeux une Chiaki potentiellement aussi soucieuse et embarrassée que lui. Toujours en caleçon, au milieu du terrain d'entrainement, une grosse goutte de sueur perla sur son front en même temps qu'une nouvelle veine d'effort venait déformer ses tempes. Quel bordel...

N'acceptant toujours pas la défaite il ferma les yeux, refusant tout autre conseil de sa professeure qui en avait déjà beaucoup trop fait. C'était à lui de se démerder maintenant, personne n'allait lui mâcher le travail. La honte qu'il ressentait était beaucoup trop forte pour qu'il s'autorise une énième fois son aide. Il se remémora la scène, le moment fatidique ou il aurait dû se faire broyer comme une voiture à la casse, cette sensation de danger imminent, il l'avait presque, il la sentait, la tenait du bout des doigts. Puis ce fut le déclic, son chakra fusa dans ses jambes et il recula de plusieurs mètres. Un mouvement fluide, contrôlé, presque parfait.

Presque parfait, effectivement, puisque sa réaction n'était pas encore naturelle, il ne s'agissait pas d'un automatisme et Saigo savait devoir s'entraîner encore plusieurs jours avant de maîtriser totalement ce mouvement à l'opposé de son style. Mais il le tenait fermement à présent, il ne lâcherait rien de cet enseignement. L'ex-mafieux revint vers Chiaki de sa démarche féline, prédatrice, presque agressive mais son regard calme n'affichait rien d'autre qu'une légère gratitude sincère. Il lui tendit sa main, une main de guerrier, puissante, revêche et pleine de cals, sans aucune douceur mais étrangement chaleureuse.

- Merci!

Esquive, Jean-Yves !

La réussite est le plus doux des sentiments. Le plus agréable. C’est pour cette sensation que de nombreuses personnes se battent au quotidien, pour récupérer cette grosse quantité d’endorphines liée au bonheur de réussir. Chiaki le regarde avec un grand sourire. On dirait un enfant plein de joie, qui vient d’accomplir une tâche terriblement ardue. Ceci dit … ça y ressemble un peu. La brune veut néanmoins que cet exploit ne soit plus un exploit. Qu’il soit une réalité. Qu’il puisse esquiver par lui-même, comme ça. En le contrôlant. Quelque chose de compliqué en apparence, surtout dans son cas, mais la chirurgienne a foi en lui. Elle y croit dur comme fer. Il peut recommencer.

Il se remet rapidement au travail, silencieux. Le temps passe. Des secondes. Des minutes. De longues minutes qui s’égrènent et ressemblent à des heures. Pas de mouvement. Pas de choc. Rien. Mais il ne faut pas se presser. Il faut lui donner sa chance. Tout est si nouveau pour lui, si elle le dérange ça deviendra parfaitement impossible. Attendre est sa seule solution. Chiaki croise les bras et ne dit rien. Attendre. Ne pas faire de bruit, ne pas bouger.

Quand lui, par contre, bouge. Le froissement du vent. La vitesse du mouvement. Une joie intense grimpe en Chiaki, à un degré qu’elle ne se serait jamais imaginé. Il a réussi ! Cet idiot de mafieux aux castagnettes trop pleines de son propre ego a réussi ! Il l’a fait ! Il devient petit à petit un vrai combattant, un vrai ninja ! Un homme qui a raison de se vanter de son potentiel ! Chiaki en sauterait sur place. Elle ne laisse rien paraître et se contente de sourire à pleines dents. Il revient vers elle, comme un félin. La brune l’accueille d’un regard chaleureux. Elle se saisit de la main tendue et la serre – sans hyperforce –, plus fière que jamais.

« Avec grand plaisir, Saigo. »

Ses prunelles se mêlent aux siennes. Ce type a un très grand potentiel, Chiaki le sent. Il pourra faire de superbes choses s’il met son ego de côté. Enfin. C’est vraiment s’il le met de côté. Ce sera une autre étape. La chirurgienne regarde le ciel, puis lâche la main du jeune homme.

« Ceci conclut donc la leçon du jour. Je vais filer, j’ai encore plein de choses à faire. »

La convalescence se passe bien, mais Chiaki ne doit pas s’arrêter de vivre, de travailler ses livres de chirurgie. Pas de pause pour les guerriers ! Elle s’incline poliment devant son élève du jour.

« Au plaisir de te recroiser un jour, Saigo. Qui sait, on mettra peut-être en pratique cette fameuse esquive ! »

La brune glisse un petit clin d’œil au jeune homme et commence à reculer. Arrivée suffisamment loin, elle lui fait signe de la main et repart dans son propre sens. Destination sa maison, après une rencontre originale et un entraînement particulièrement intéressant.