À son forfait, son bandeau ninja à quelques mètres, piétinés par les conquérants et nouveaux décisionnaires des lieux, Kansei se décida à s’éclipser pour aller en apprendre plus sur les tenants et aboutissants de son choix, afin d’estimer ses prochains déplacements sur le large échiquier qu’était Kumogakure no Satô. Tout ne serait pas facile, après tout Rei était un membre du clan Yamanaka et leur capacité à lire dans l’esprit ne faciliterait en rien ce qui allait suivre.
Mais Kansei avait grandi avec eux et avait forgé son mental, il était après tout le Kumojin le plus légitime à rejoindre la cause du Feu ; celui-là même qui brûlait en son âme et conscience sans tressaillir ou s’étouffer. Il passerait les tests et les interrogatoires, endureraient les regards de ceux n’ayant pas accepté l’asservissement. Tout cela n’était rien à ses yeux, pour l’instant.
Dans la foule, il crut apercevoir une tignasse presque proche du blond qui ne laissait aucun doute, sa sensorialité s’occupant d’effacer les derniers. C’était bel et bien Hiko, son disciple en devenir qui se tenait en tant qu’auditeur à cette litanie funeste, témoin tout comme lui de l’Assemblée se transformant en cendres. De temps à autre, un craquement retentissait et une poutre de plus de la démocratie instaurée partait rejoindre les vaillants et les civils trop acculés pour espérer survivre.
Il s’approcha doucement et ignora les regards des autres Nara pour attraper par le col Hiko et l’emmener quelques mètres plus loin, lui laissant le loisir de se retourner pour constater l’assaillant factice qu’il était. Quelques pas plus loin, sans véhémence ni violence, il le lâcha et soupira, passant ses doigts sur la balafre longeant son avant-bras.
« Content de te savoir en vie, Hiko-kun. » Il lui adressa un sourire qui se voulait rayonnant bien qu’on pouvait lire la fatigue sur son faciès, les restes sanguins le peinturlurant finissant de rendre ce dernier peu crédible. « Que penses-tu de tout ça ? »
Il semblait intéressé par la réponse du garnement, bien que sa question soulevait plus d’interrogations qu’il ne le voulait. À la manière de cet air triste qu’il avait joué lors de leur dernière rencontre, les événements faisaient miroiter l’ambiguïté de sa position. Bien que le garçon ne savait rien de son passé, il n’était pas difficile de savoir que n’importe quel Nara aurait pu être séduit par la prose de Rei. Doucement, il se fléchit sur ses talons et se mit accroupi, allumant une cigarette qui se révela avoir un goût spécial, différent de d’habitude. Un goût amer. Celui de la défaite. Face à Hiko, il n'avait pas la même allure que sur la colline, des jours plus tôt.
Kumo no kuni – Grande Place Quelques instants après le discours de Yamanaka Rei
L’enfant contemplait l’œuvre des Hijins… Ces derniers, entraînés et plus motivés que jamais avaient réussi à prendre un village caché. C’était impressionnant. Cette puissance forçait le respect, et les Kumojins ne pouvaient que plier le genou. Ils avaient réussi à faire un gros coup, et aujourd’hui ils célébraient cette victoire. Aux yeux de tous. Femmes, enfants, shinobis… Personne n’y coupait, ils étaient tous là, sur la place publique. Hiko n’avait pas participé aux combats, et lorsqu’il voyait le nombre de ses confrères ayant des tâches de sang sur leurs vêtements, un sentiment d’effroi s’empara de lui… Il n’avait pas le niveau, il ne pouvait rien faire… Il était juste impuissant.
- Fais ch…
Et alors que notre petit héros à la tête blanche ruminait, il sentit une certaine force l’attraper par le col et le traîner en arrière. Surpris, il ne put rien faire jusqu’à ce que ses pieds retrouvent la terre ferme et qu’il retrouve un certain équilibre. Et une fois cela fait, il se retourna alors pour voir son senseï… Nara Kansei.
Tout d’abord surpris de le voir ici, il nota aisément toutes les traces de sang qui ornaient ses vêtements ainsi que la fatigue qui s’abritait sous ses yeux. Il semblait épuisé, sans doute avait-il livré une bataille mémorable. Le bon point, c’était qu’il ne semblait pas avoir de grave blessure, ce qui indiquait que ses ennemis avaient dû périr sous sa lame, et non le contraire. À la fois soulagé et perplexe, Hiko ne dit mot, restant silencieux en attendant que le Nara ne prenne la parole.
Ses premières paroles furent réconfortantes et le maître se réjouit alors de voir son élève en bonne santé. En entendant ces mots, Hiko lâcha un sourire triste et lui répondit alors avec une voix à peine plus élevée que le raffut qui se déchaînait autour d’eux.
- Content de vous savoir en vie aussi Senseï… Tout s’est passé si vite, je ne m’attendais tellement pas à une attaque aussi grande que ça, ni aussi violente…
Car bien qu’Hiko n’ait pas été mobilisé, il n’ignorait rien de la violence qui s’était déchaînée sur eux ces dernières heures. Et comme pour enfoncer le clou, l’Assemblée qui brûlait derrière la scène principale de l’orateur Yamanaka venait le rappeler à chaque instant. Le village était à feu et à sang, littéralement.
Bien que content de voir son senseï, à qui il faisait confiance, Hiko resta anormalement silencieux. Il avait bon nombre de questions en tête, mais il fallait d’abord qu’il soit sûr d’une chose. Quelle était la mentalité de Kansei, que pensait-il de ce qui venait de se passer ? Et alors qu’il se le demandait, le Nara le devança et lui posa alors une question qui le déstabilisa. Il voulait savoir ce qu’Hiko pensait de ce qui venait de se passer.
- Ce que j’en pense… C’est plutôt compliqué Nara-senseï. Je pense que Kumo s’est fait surprendre et que les soldats du Feu ont vite profité de nos faiblesses… Et surtout, je pense que les jours qui arrivent seront très difficiles et que la suspicion sera Reine…
Hiko ne se livrait pas trop. Il n’avait pas pu observer de bandeau de Kumo chez Kansei, et bien qu’ils soient liés par un contrat en tant que Maître – élève, Hiko n’en restait pas moins prudent. Bien qu’il ne doute pas de son senseï, il restait toujours un doute, une possibilité. Le regardant dans les yeux, Hiko lui retourna alors la question, il avait besoin que Kansei l’aiguille, et il avait surtout besoin que ce dernier soit honnête, raison pour laquelle il le regardait droit dans les yeux, sans ciller.
- Et vous Kansei-sama… Que comptez vous faire suite à ce discours des plus… Engagés.
Il fallait qu’un des deux fasse le premier pas, et Hiko ne se sentait pas les épaules pour cela.
Dans leur échange il ne transparaissait aucune forme de joie au sens premier ni une quelconque once de cérémonie. Kansei aurait préféré retrouver son poulain dans des circonstances toutes autres mais c’était une chance qu’il fut dans les parages, assez proche pour qu’il puisse le rencontrer et discuter avec lui. Dieu seul savait ce que pouvait faire un enfant la rage au ventre et comment des propos ou des actes véhéments seraient reçus par les nouveaux dépositaires de l’autorité. Les règles étaient clairs dans le système shinobi ; un ninja quel que soit son âge restait un ninja et il était traité comme tel.
Il écouta le jeune homme lui faire part de son ressenti et ne put qu’acquiescer quant à la vélocité et la surprise de ce blitzkrieg. Hiko semblait affecté au plus profond de son être et bien qu’il ne le connaissait pas autant qu’il le voulait, faute au peu de temps passé ensemble il n’était pas difficile de s’imaginer le tumulte de ses émotions.
« C’est on-ne-peut plus vrai. Kumogakure ne sera plus jamais la même après cela. » Et c’était certainement le but de Rei et d’une telle manoeuvre. L’occupation les attendait logiquement et peut-être bien d’autres choses auxquelles il réfléchissait déjà malgré la conversation en cours, ne laissant rien paraître de ses débats existentiels.
Kansei comprit vite la réserve de son protégé et ses théories possibles qui se cristallisèrent quand il posa sa question. C’était plaisant qu’il eut assez de jugeote pour soupçonner ses implications sans être aveuglé par l’admiration ou un trop-plein de confiance envers autrui. Il survivrait sûrement à ce qui allait suivre avec un tel état d’esprit.
Kansei jeta son mégot et planta le noir de ses pupilles dans le bleu océan de celles de Hiko. Là, il parla. D’un ton grave. Un ton que Hiko n’avait jamais entendu de sa part, un ton qui laissait présager la dureté réelle du mental de l’Ombrageux.
« C’est une dure époque que nous vivons, et je ne suis pas un simple Nara venu il y a plusieurs dizaines d’années avec les autres ; pour tout te dire je ne suis là que depuis à peine deux ans. Je connais Hi et ses problématiques et la solution se trouve au sein de l’Empire du Feu. » Il restait assez mystérieux mais le ton était donné. « Je compte sauver ce qu’il reste de Kumo et faire entendre ma voix à Teikoku. Tu te doutes de mon choix. » Il inspira et ne relâcha pas l’emprise charbon de son regard. « Et toi, Hiko-kun ? Parle sans détour quelle que soit ta réponse. »
Ce que le jeune manieur de cristal appréciait chez Kansei, c’était avant tout son intelligence avancée. Digne représentant de son illustre clan, le Nara semblait capable de faire preuve de réflexion en toute circonstance. Et ce, même après avoir livré un combat impressionnant durant cet assaut éclair que venait de subir le village caché des Nuages. Une défaite extrêmement rapide, pour un sentiment de frustration toujours plus grand. Et alors que l’enfant avait fait part de ses premières impressionnants, Kansei confirma que le ciel s’était bien assombri pour les shinobis de Kumo. Ces derniers se retrouvaient occupés, et ils avaient fort à faire… Ne serait-ce que pour survivre.
S’en suivit ensuite la réflexion du manieur d’ombres suite aux questions de notre jeune héros. Il utilisa un ton beaucoup plus dur, que Hiko ne lui connaissait pas. En même temps, le connaissait-il vraiment ? Ils n’avaient eu l’occasion de se voir une seule fois, un beau matin à Kumo. Alors que la pluie s’écoulait lentement, ils étaient loin de se douter de ce qui allait arriver à leur village, à leurs voisins… À leurs familles. En parlant de ça, Hiko ne savait même pas ce qui était arrivé de ses parents, et il n’y pensait même pas… Dépassé par tout ce qui se passait.
- Oui, j’ai bien compris votre choix senseï…
Avait-il dit avec une certaine forme de tristesse dans sa voix. L’enfant aux cheveux blancs ne cachait pas sa tristesse, ces envahisseurs avaient mis à feu et à sang son village… Ils étaient de vrais monstres.
- Vous avez décidé de rejoindre l’Empire du Feu.
Il le dit à voix haute. Histoire de poser des mots sur une pensée qui était claire pour chacun des deux protagonistes de cette discussion. Hiko ne le cachait pas, il était toujours méfiant. Et bien que son senseï lui dise de parler en toute franchise, il n’était pas encore sûr de pouvoir lui faire confiance. Car s’il avait eu des intentions négatives, il aurait agi exactement de la même façon.
- Vous savez, senseï…
Il insista bien sur ce dernier mot, comme pour rappeler au Nara qu’ils avaient été liés par une promesse, à un moment donné de l’histoire…
- Je vais être honnête… J’étais dans une impasse. Avec mes compétences, il m’est impossible de sortir de Kumo sans me faire appréhender par les gardes mis en place par les Hijins. De plus, ne pas prêter allégeance à cette nouvelle Puissance… Serait un choix des plus idiots de ma part. Il faut savoir reconnaître une défaite, et c’est aujourd’hui ce que Kumo a subi. Il ne me restait donc plus qu’une option…
Il dégluttit difficilement avant de reprendre la parole.
- … Rejoindre l’Empire du Feu.
Une larme roula sur sa joue. Après tout, il n’était encore qu’un enfant…
La clairvoyance mentionnée plus tôt suintait de l’affirmation de Hiko à qui il avait choisi de dire la vérité ; chose qu’il ferait avec quiconque. Si tout se passait bien, il serait sous peu un Teikokujin, un membre de l’Empire du Feu dirigé par Yamanaka Rei, le commanditaire de ce meurtre de masse.
Ses pupilles toujours plantées dans celles du Genin, il ne tressaillit pas à l'appellation de maître qu’il comptait bien honorer malgré le contexte peu propice aux balades en forêts et à l’apprentissage. Demain serait un autre jour et si les propos du nouveau décisionnaire faisait lieu d’adages alors il n’y avait aucune raison qu’ils se retrouvent complètement bridés ; tout dépendait en fait du reste des paroles que n’allait pas tarder à prononcer son jeune acolyte.
Au creux de ses yeux bleus, Kansei put lire une certaine forme d’hésitation noyée dans la douleur de cette conquête. Puis ses lèvres s’ouvrirent pour déverser sa vérité ou au moins celle que le Nara entendrait.
Sa réaction sembla froide en l’écoutant, bien qu’il comprenne ce que cela impliquait au jeune homme. Et à la fin de ces derniers quand une perle salée vint parcourir sa joue, il ne parut ni juge ni totalement stoïque, se contentant d’arborer sa même mine sinistre et bien agencée dans le paysage nauséabond de la défaite. Au loin les effluves de fumée venaient chatouiller son odorat.
« C’est un bon choix, quoi que t’en diront dans un futur très proche ceux que tu as connu. C’est une page qui se tourne et si tu veux pouvoir influer sur le reste, tu pourras le faire en temps qu’homme libre. L’affiliation ne fait pas l’homme. » Il lui adressa alors un sourire qu’Hiko avait déjà vu, expressif et rassurant de sincérité ; Kansei était bel et bien l’homme pourvu de sa flûte qu’il avait dérangé, sous le vert du Teikoku comme sous le gris du nuage. Gris était un qualificatif parfait pour un homme qui ne rentrait pas pleinement dans une case.
« Ce qui va suivre sera dur et certains te verront en ennemi. Tu as beau être jeune, tu seras traité comme tous ceux qui ont choisi cette vie. Celle de shinobi. Ceux qui endurent. Mais je serai là, Hiko. Après tout, je suis ton maître, je ne peux décemment faillir à mon devoir. »
Kansei savait de quoi il parlait, et il accueillit plutôt bien les paroles du jeune garçon qui était son élève. On ne sentait ni jugement, ni joie, ni déception par rapport aux paroles qui venaient d’être prononcées par le jeune manieur de cristal. Kansei en avait sûrement vu d’autres dans sa vie de shinobi, il n’était plus à ça près. Même si, pour être honnête, Hiko n’avait jamais eu vent d’une attaque aussi rapide et brutale dans toute l’histoire du Yuukan. Peut être les autorités Kumojins avaient elles aussi voulu dissimuler la vérité sur ce qui s’était passer à Hi, il n’en savait rien pour le moment.
Seul l’instant présent comptait, et il se devait d’agir comme un homme. Ce fut donc la raison pour laquelle il essuya d’un revers de la main la larme qui avait perlé sur son visage, se faisant ainsi une promesse tacite. Il ferait désormais tout son possible pour que les sacrifices Kumojins ne soient pas vains. Ces derniers avaient permis au reste d’entre eux de passer à travers les gouttes de l’orage, avec plus ou moins de réussite… Il ne faudrait désormais pas que ces sacrifices soient vains. Et Hiko allait donc redoubler d’efforts pour que ce ne soit pas le cas. Il deviendrait l’exemple pour ses frères Kumojins… Malgré son niveau ridicule face à celui qui s’auto proclamait l’Empereur du Feu.
- Que pensez-vous que les autres shinobis restants décideront… Plieront-ils le genou ? Selon votre expérience… Serons-nous jugés comme des parias par la majorité de nos anciens amis ?
Bien que sa conviction soit forte, le jeune garçon aux cheveux blancs se préoccupait du choix de ceux qui partageaient leur bandeau avec lui. Il espérait qu’ils auraient assez de jugeote pour ne pas se rebeller publiquement face à ce nouveau Tyran.
Qu’allaient donc décider Ayamachin, Seiji, Shirô… Tous les autres qui avaient, un jour ou l’autre, partagé un bout d’histoire avec notre jeune héros aux cheveux blancs ? Tant de questions auxquelles Hiko n’avait pas les réponses pour le moment. Et alors que le doute commençait à s’infiltrer dans son esprit, Kansei reprit la parole avec un sourire rassurant affiché sur son visage. En voyant ce sourire, Hiko sut qu’il était sincère. Il avait bien fait de faire confiance au Nara, car ils allaient désormais être partie intégrante des futures actions qui se feraient dans les prochains jours… Pour le meilleur ou pour le pire. Mais au moins, Hiko ne sera pas seul…
- Je suis prêt à affronter les regards. Je sais pourquoi je le fais… Je suis sûr de ma décision senseï !
Le regard plein de détermination, Hiko avait pris sa décision. Il était motivé, et ne plierait pas, malgré toutes les souffrances que cette voie lui réservait.
- Que pensez-vous qu’il va se passer par la suite senseï… ? Et surtout… Comment imaginez-vous notre comportement dans les jours à venir. J’imagine que nous serons testés…
En soit, ceux-là même qui bafouaient le Yukan avait déjà commis ce genre d’acte, à plus petite échelle. Les Inuzuka avaient été éparpillés et massacrés en une courte nuit, pour des raisons différentes, bien que le fondement de ces actes se rejoignaient sur la froideur de l'exécution. Kansei eut une pensée pour Ban et Inojin. Il leur avait ôté la vie pour rejoindre ensuite la même cause ; le destin était décidément bien fourbe. Mais bien qu’il s’en voulait foncièrement, il retint cela comme une leçon marquée à jamais dans sa chair.
« C’est très incertain. Mon clan restera sans aucun doute possible, bien qu’il ne rejoindra pas Teikoku pour autant. Les autres grosses entités en feront de même pour le bien commun ; pour ce qui est des individus eux-même... » Il afficha une moue partagée. « Selon moi, peu prendront la même décision que nous. Par peur du jugement, par désintérêt en se croyant pris dans un piège qu’ils ne peuvent changer ou pour d’autres raisons plus obscures. En bref, la majorité des individualités a dès lors deux choix ; s’enfuir et tenter par la suite un retour en force s’ils se retrouvent ou simplement supporter l’occupation possible sous le joug de l’Empire. » Quand il parla de son expérience, Kansei eut un sourire amer. Les Nara étaient souvent jugés au faciès ; ils étaient très intelligents, tant qu’ils étaient vus comme des potentiels manipulateurs, ce qui s’était démontré de façon localisée par Alderan ou encore Seijiro.
« Sans aller jusque là je pense que c’est fort probable ; même par la population elle-même d’ailleurs. » Il acquiesça ensuite d’un signe de tête aux propos décidé du garnement. Un choix ou un autre, il faudrait l’assumer ; voilà où était la vraie importance dans une telle situation. Retourner sa veste mille fois n’augurait jamais rien de bon. S’y tenir, même si les intentions étaient malsaines ou encore obscures…
« La suite ? Nous serons vus comme des étrangers par ceux que nous avons côtoyés et ceux que nous allons rejoindre ne nous croirons jamais vraiment complètement. Mais voilà mes idées sur la question. » Il positionna ses deux avant-bras sur ses genoux, laissant ses doigts rencontrer leurs jumeaux pour former un cercle. « Nous serons sûrement testés. Par les Yamanaka ou même l’homme là-haut. Leur arcane clanique permet la lecture dans les pensées et je l’ai éprouvé par le passé. Il nous faudra donc nous justifier par l’oral ou les actes ; même si la seconde option me semble plus plausible. Ils nous demanderont d’affirmer notre soutien à l’Empire. Par des missions ou pire encore... » Il eut à l’idée une seconde le pauvre Hiko obligé d’exécuter des civils ou même un de ses camarades. Mais cela ne collait pas avec le discours et le décrédibilisait. Rei resterait sûrement cohérent.
« Ce que j’imagine à propos de notre comportement ? Illustrer notre détermination. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour devenir un subalterne ne pouvant influer sur rien. » Dans ses prunelles, il brillait la même flamme, la même volonté du Feu que les Teikokujins.
Bien que sages, les paroles du Nara n’inspiraient pas réellement la confiance. Et Hiko s’en rendait compte au fur et à mesure qu’il écoutait les paroles de son senseï. Ce dernier avait choisi une voie différente de celle qu’il imaginait pour les membres de sa propre famille. D’ailleurs, Hiko avait bien remarqué que des shinobis portant les mêmes armoiries que Kansei les regardaient du coin de l’œil. Ils voyaient sans doute d’un mauvais œil la décision de l’un des leurs, et d’un œil suspicieux cette discussion tenue à l’écart entre deux shinobis qui n’avaient rien en commun à première vue. Peu de chance qu’ils soient au courant pour leur relation maître – élève.
- Je comprends aussi leur comportement… Mais j’espère qu’un jour ils trouveront la force de nous pardonner pour notre décision. Que ce soit demain, dans un mois ou dans quelques années… J’espère qu’un jour les gens se rendront compte que je n’ai pas fait ce choix par égoïsme…
Hiko n’était qu’un enfant, et l’avis des autres était important pour lui. Il ne souhaitait pas des louanges, mais il ne voulait pas non plus que tout le monde salisse son nom et le traîne dans la boue. Ses parents ne méritaient pas cela, pas à cause du choix de leur fils bien-aimé.
- Je suis prêt à endurer les regards des autres. Aussi durs puissent-ils être. Notre choix est le bon, j’en suis intimement convaincu !
Comme pour Kansei, on pouvait voir les flammes de sa détermination animer son regard bleuté. Hiko avait fait le plein de détermination, et personne ne pourrait plus la faire vaciller… Sa décision était prise, et il se soumettrait à tous les tests possibles pour atteindre ses objectifs. Il n’y avait rien de pire qu’un animal blessé, car il n’en devenait que plus dangereux. Et cela, les membres du Teikoku allaient bien vite s’en rendre compte.
- Dans ce cas… Il faudra que vous m’appreniez à résister à un interrogatoire de la part d’un Yamanaka. Je n’ai aucune défense mentale et il serait trop risqué pour moi de me retrouver en présence de manieurs d’esprits si je ne sais pas protéger le mien…
C’était une évidence qui sautait aux yeux. Le risque était bien trop grand pour notre jeune héros aux cheveux blancs s’il ne possédait pas de défense mentale. Il pourrait faire ce qu’il voulait, face à un manieur d’esprit il ne pourrait rien faire en l’état. Et ainsi, il serait beaucoup trop risqué pour le jeune garçon aux cheveux blancs d’agir contre le régime actuel. Il fallait qu’il se protège, et Kansei allait être la première personne capable de l’aider. Le seul en qui il ait confiance !
- Je ferai ce qu’il faut… Je ferai mon devoir de shinobi, mon devoir de Kumojin !
Paradoxalement, une lueur étrange brûlait au fond de ses iris… Hiko était animé par la flamme de sa détermination. Cocasse lorsque l’on savait que ceux qu’il venait de rejoindre se revendiquaient de l’Empire du Feu…
Hiko semblait peu à peu au fait que l’homme face à lui n’avait rien à voir avec les autres Jônin que sa courte carrière lui avait permis de rencontrer. L’individualité du manieur d’ombre était assurée dans un moment comme celui-ci et il pouvait ne pas s’en cacher, suivant une trame presque prédéfinie à l’instant où Daiki avait ouvert la bouche ; à l’instant où l’homme en Vert avait transpiré des mots signant la défaite. Kansei ne croyait pas au bouddhisme et à la réincarnation ; pourtant il allait devoir se transfigurer en quelque chose de différent et paradoxalement plus proche de ce qu’il avait enfermé en rentrant au service du Nuage.
« Le plus important est que tu ne perdes toi-même pas de vue le pourquoi de ton geste. Tant que tu restes toi-même et que tu suis ce nindô dont tu m’as parlé alors ils comprendront.. Ou tu leur feras peut-être comprendre toi-même. » Il exhala d’une bouffée de sa cigarette, ignorant les Nara parlant entre eux. Shikatowa elle-même semblait décontenancée sans qu’il en comprenne les tenants et aboutissants, occupé ici avec son élève.
Il avait fait le bon choix en le prenant sous son aile, se convaint-il en entendant les paroles qui suivirent. Mais ce qui le lui fit comprendre fut son regard qui brûlait d’une flamme habituellement étrangère au sein de la Foudre ; n’était-elle pas réputée pour se transmettre tel un flambeau ?
La clairvoyance du marmot ne s’arrêta pas là, sa demande illustrant le début de pragmatisme dont il pouvait faire preuve en situation difficile. Mais tout ne serait pas si simple et la marge de manoeuvre était extrêmement courte. « Je te fais confiance pour ça, Hiko. » Souffla-t-il en prenant en main un shuriken qu’il avait sorti de sa poche, le faisant tourner machinalement tandis qu’il parlait assez bas pour que seul Hiko l’entende, s’assurant qu’aucune technique chakratique des environs ne soient utilisées pour les espionner dans le même temps. Il n’était après tout pas à son coup d’essai.
« Tu es perspicace. C’est un processus long et fastidieux. Leur talent n’est pas du simple Genjutsu ; ils pénètrent réellement ton esprit et l’affecte. Nous allons d’abord attendre de voir le premier mouvement et nous adapter. Mon premier conseil sera le suivant ; ne mens pas et dis-leur ce que tu penses. Dis-leur que tu sers Kumogakure de la façon que tu penses la plus effective. Dis-leur que tu sais le village défait et que Rei est maintenant la personne à servir pour espérer retrouver le calme. Après tout qui cautionnerait les horreurs que Kumo a commises à Hi no Kuni. » Son regard se perdit une seconde vers l’horizon tandis qu’il pensait aux Inuzukas. À Shitô et le Soshikidan. À Yugure et son conciliabule.
« Parfois le devoir va contre ce qui te semble juste ; là est le piège de la vie que nous avons choisis. »
Kansei venait de soulever un point. Il fallait qu’Hiko ne perde pas de vue le Nindô qu’il lui avait communiqué lors de leur première rencontre. À l’époque, cela ne signifiait pas grand-chose pour notre jeune héros aux cheveux blancs. Mais désormais, maintenant que les temps étaient troubles, cela serait son fil conducteur auquel il devrait s’accrocher pour ne pas se perdre en chemin.
Cependant, l’enfant ne voulait pas devenir un de ces shinobis qui se cachaient derrière de bonnes intentions pour commettre des atrocités. Il ne voulait pas continuer ce cycle de la violence, et il n’ôterait une vie que lorsque cela sera nécessaire. Mais évidemment, ce n’était son état d’esprit qu’à un moment T. Aujourd’hui il pensait de cette façon, mais cela serait-il toujours le cas après qu’il eut été confronté directement à la mort ? Rien n’était moins sûr, mais c’était le charme du RP, alors nous laisserons planer le doute sur le sujet pour le moment.
- Je comprends. J’essaierai de faire profil bas alors, jusqu’à ce que nous ayons une idée un peu plus claire de ce que nous réserve l’avenir…
La prochaine Rei-ponse par exemple !
- … Toujours étant qu’il vaut peut-être mieux que nous nous séparions. J’ai l’impression que les membres de votre clan ne sont pas ravis de vous voir discuter avec un étranger.
Du moins, un étranger à leurs yeux.
Hiko comprenait, chacun devait se rapprocher de ses êtres chers dans les moments les plus noirs. Il ne leur en voulait pas. Et alors que Kansei continuait à lui énumérer ce qu’il devait à tout prix garder, Hiko ne put qu’approuver. Il ne fallait pas qu’il oublie qui il était. Il ne fallait pas qu’il oublie les raisons qui le poussaient à agir de la sorte. Il ne fallait pas qu’il oublie que ce qu’il faisait, il le faisait au nom de Kumo !
Cela pouvait paraître bateau, et plutôt facile d’un premier abord. Mais l’enfant aux cheveux blancs allait sûrement passer par des périodes difficiles. Conséquences d’un choix difficile qu’il devra maintenant assumer. Mais au moins, il ne le ferait pas seul. Car son senseï avait eu la même réaction que lui, lui aussi avait vu l’opportunité et avait su la saisir au moment opportun. Et en plus, ce qui était vraiment rigolo, c’est qu’aucun des deux n’avait concerté l’autre pour prendre cette décision ! Elle n’a été influencée que par le RP, et les caractères de chacun. Elle est pas belle la vie ?!
Bref, vu que j’ai plus trop de sujets et qu’on est un peu dans le flou artistique pour la suite des évènements, je vais essayer de couper court. Mais si t’as des idées, n’hésite pas à…
Ah merde ! Ouais, on est pas sur discord, désolé…
- Je pense que nous sommes épiés par les nouveaux régents de Kumo… Il vaut peut-être mieux que nous nous séparions pour un moment… Qu’en pensez-vous senseï ?
Hiko, fidèle à lui-même, était assez docile pour entendre la bonne voie à suivre ou au moins celle que préconisait Kansei. Il souleva un point intéressant bien que déjà pensé par le Nara ; il n’aurait sciemment pas attrapé le gamin pour cette discussion sans savoir ce qu’il faisait et en cela il sous-estimait le shinobi. Mais cela était compréhensible.
« Ne t’en fais, je n’agis que rarement sans réfléchir. Mais tu marques un point, ce n’est pas le moment de se faire remarquer, d’une façon ou d’une autre. » Confortant l’enfant dans son propos, il se releva en jetant sa cigarette consumée plus loin.
Il fit craquer sa nuque endolorie et poussa un soupir de lassitude, tant la situation pesait sur ses épaules, autant que son corps blessé. La mâchoire pourtant désserrée, n’exhalant d’aucune impression rebelle ou sournoise, il observa l’horizon et ses nuages ; c’est au sein de tout cela qu’il fallait évoluer, avec les pertes d’aujourd’hui et les promesses d’un inconnu pour demain. Le plus dur n’était pas cette bataille mais ce qu’il suivrait ; après tout comme l’avait soulevé la dénommée Chiaki avec certitude puisqu’elle exhortait à la désertion, beaucoup de visages ne seraient plus visibles d’ici peu.
Ce qu’ils trouveraient en rentrant, par contre…
« Je saurais te trouver. Quelque chose me dit que ça ne tardera pas trop. » Il esquissa un dernier sourire rassurant, prit une longue respiration et tourna les talons doucement vers les Nara vers qui il se dirigea sans vraiment se hâter. Certains se taisaient en le voyant arriver et on l’invita à se joindre à eux pour des explications sur son geste.
Il regarda une dernière fois derrière lui ; son nouvel élève. Pas son premier certes, mais qui se révélait pour l’instant peu ou pas décevant et prometteur.
Le jeune garçon et son senseï venaient de finir leur petite conversation. Pour être honnête, elle avait été très importante aux yeux de notre héros à la chevelure blanche. Grâce à Kansei, il venait de trouver un peu de réconfort. Et surtout, il se sentait beaucoup moins seul que quelques minutes auparavant, lorsqu’il avait fait le choix de rejoindre l’Empire du Feu, envers et contre tout. Car oui, c’était un choix fort que le jeune Sairyo avait fait en dépit de son jeune âge. Certes, nous vivons dans un monde shinobis où la mort était au cœur de toutes les préoccupations et bien plus présentes qu’un forum ayant pour thème les teletubbies… Mais tout de même, cela restait une vraie épreuve pour notre shinobi préféré !
Et il commençait tout juste à appréhender les conséquences de son choix, grâce à la discussion qu’il venait d’avoir avec le Nara. Il venait tout juste de le quitter pour rejoindre les rangs d’autres shinobis lambda. Parfois, il croisait une frimousse qu’il reconnaissait à peine à cause de la fatigue, des blessures, ou encore du sang maculé sur son visage… Tous ici étaient sous le choc, il n’existait pas un Kumojin qui arbore un sourire sans nuage. Ah, sans nuage… Plutôt cocasse lorsque l’on parlait de Kumo.
L’enfant aux cheveux blancs venait de reprendre place et il leva la tête pour regarder sans sourciller l’Assemblée qui continuait de brûler dans un des pires brasiers qu’il n’ait jamais vus. Un symbole fort qui partait en fumée au fur et à mesure que les poutres tombaient, fragilisées par la chaleur. Hiko soutenait pourtant le regard, il ne voulait pas baisser les yeux. Ç’aurait été trop facile, de simplement courber l’échine et d’accepter son sort. Non, aujourd’hui était un Grand Jour. Que ce soit dans un sens positif ou non, ce jour marquerait la fin d’une ère, et le début d’une nouvelle…
Et c’était la responsabilité des survivants d’écrire les prochaines pages de l’histoire, car les autres avaient donné leur vie pour défendre leurs convictions, et faire en sorte que la flamme de Kumo ne s’éteigne pas complètement. Car oui, Yamanaka Rei, tu te dis être un Empereur du Feu… Mais il reste au moins une flamme qui ne t’appartiendra jamais…
Au sein des membres de son clan, plusieurs commencèrent à le regarder avec désarroi, d’autres à l’invectiver de s’expliquer. Tout cela fut interrompu par la cheffe qui abrégea les polémiques d’un simple geste de main. Tous surent rester à leur place et Kansei en profita pour ne pas souffler un mot, gardant son mutisme exact. Le clan à la vague ombrageuse aurait tout le temps nécessaire pour s’expliquer et demander des comptes plus tard ; c’était un recueil solennel que celui-ci.
Il alla se placer aux devant des troupes aux membres bruns et comme de bons Nara, ils observèrent, attendant le dénouement de ce discours qui n’était après tout que la première plan d’un plan mûrement réfléchi par Rei. Le Yamanaka n’avait pas attaqué le village sans un schéma à suivre s’il réussissait. Etait-il même le genre d’homme envisageant l’échec ? Une seule chose était sûr pour Kansei. Sa nouvelle affectation possible au Teikoku lui permettrait d’en apprendre plus sur lui ; plus sur la personne et non pas l’orateur ne prononçant ces mots que pour galvaniser, rassurer et rassembler.
Son propre plan commença à s’illustrer en ébauches, en une myriade de branches issue d’un même tronc. Déjà, il imaginait les possibilités, les agents de la pousse d’une telle flore pernicieuse. Il passa en revue chacune de ses connaissances au village, chaque carte dans sa main.
Il allait se jouer en ces murs un jeu de trône, comble pour un homme qui n’en avait jamais désiré. Lui qui aurait pu, au vue de son anamnèse, s’ériger lui aussi en leader d’une telle rébellion si les choses avaient été différentes ; s’il avait été différent.
Imperceptible, un court et simple rictus. Il savait.