Fujin noua ses lacets d'un geste nerveux. Il dut s'y reprendre à trois fois pour parvenir à un résultat satisfaisant. Avec tout autant de maladresse, il enroula son bandeau de Shinobi autour de son bras gauche. Kong le regardait d'un air inquiet. Il sentait que quelque chose de grave se profilait, sans qu'il puisse deviner exactement quoi. Ils se retrouvèrent tous deux dans la rue, puis marchant sur les pavés, sans pouvoir se rappeler exactement tout ce qui s'était passé. Le temps avait cette manie étrange et inquiétant de défiler à un rythme anarchique dans les moments les plus graves. Et il se trouve que l'un de ces moments était en train de se préparer ...
Fujin marchait en direction du bureau du Kage, le centre névralgique, désormais, du pouvoir Kumojin. C'était là-bas qu'il devait rencontrer pour la première fois le dirigeant du village, à la tête d'une puissance unique sur le continent, pour lui demander de sauver les siens. Il ne s'agissait pas de d'octroyer les faveurs du Kage, ni de chercher à l'amadouer, mais simplement d'agir en faveur d'un peuple en perdition, d'hommes et de femmes plongés dans la tourmente et condamnés à l'oublie si personne n'y faisait rien dans les plus brefs délais. Or, ce peuple-là, c'était celui des Inuzuka. Fujin allait plaider la cause de son clan auprès de Nara Seijiro.
On lui avait accordé sans trop de cérémonie l'audience qu'il demandait. Il ne lui avait suffi que de l'accord de son cousin, Inuzuka Haruko, pour se lancer dans cette grande entreprise de sauvetage du clan. Elle serait longue, dure, pénible, même. Mais le résultat devait bien en valoir le jeu. Il faudrait repérer les survivants, envoyer des équipes dans un pays en pleine guerre civile, organiser des extractions ... Mais avant tout, il fallait obtenir les faveurs et l'aide du Kage. Et, Fujin n'ayant aucune idée du caractère de son supérieur suprême, il ne pouvait d'avance tirer de conclusions quant à son entrevue imminente avec le Nara. Il comptait simplement sur son franc-parler pour étayer ses idées. La véracité de ses mots ferait le reste. Du moins il l'espérait.
La perspective d'un refus catégorique le frappa alors, l'angoissant un peu plus qu'il ne l'était déjà. Il n'avait pour l'or envisagé que l'éventualité d'un accord entre le Kage et lui. Que ferait-il s'il venait à se tromper ? S'il n'était pas assez convaincant ? Si la figure suprême de Kumo lui refusait de tendre une main charitable en direction des Inuzuka, son clan, sa famille, la seule qui lui restait ? Pourrait-il alors continuer à jurer sa fidélité à ce village ? Pourrait-il toujours se conformer sans questions aux ordres qu'on lui donnait ? Panique. Un monde de possibilités, de scenari non-étudiés se présentait à lui. Il s'arrêta. Il était juste devant le lieu de travail du Kage, celui-là même où l'audience devait se tenir. Il chassa les pensées néfastes d'une respiration profonde, et fit un geste à Kong pour qu'il l'attende ici.
"Je viens pour être reçu en audience par le Raïkage. Je suis Inuzuka Fujin."
On le conduisit à travers un dédale de corridors, auxquels il ne jeta pas un regard intéressé. Il était trop nerveux pour prêter attention à son environnement. Le destin de son propre clan risquait de se jouer sur ses épaules. Avait-il eu tort de demander cette requête ? Peut être se sentirait-il mieux s'il n'avait jamais eu l'idée de venir en aide aux siens ... Il se serait évité tant de problèmes. Une porte. Il frappa trois coups secs, et elle s'ouvrit. Mécaniquement, sans penser à rien d'autre qu'à diriger ses jambes, il entra dans la pièce.
En face de lui se tenait le Shodaime Raïkage. Fujin posa un genou à terre, et salua respectueusement Nara Seijiro.
"Mes respects, monsieur. Je suis Inuzuka Fujin, Genin de Kumo, et ai demandé une audience avec vous pour aborder une question qui me tient à coeur et qui, je l'espère, saura vous toucher aussi."
Sa langue n'avait pas fourché. Il était lancé. C'était le plus important. Maintenant, il ne s'agissait que de dérouler la pente. Et en un rien de temps, tout serait fini.
"Je suis venu pour placer des vies entre vos mains, monsieur. Et, à vrai dire, elles le sont déjà."