Il n'y a pas plus grande arme que la connaissance ni de plus grande source de connaissance que l'écrit.
Un vent frais. Assez pour faire se soulever les deux mèches devant le visage de Misory, mais pas assez puissant pour lui donner des frissons. Le soleil était faible, mais présent. Les nuages semblaient en atténuer la lumière, permettant à la jeune femme de voir devant elle sans être aveuglée dès qu'elle levait les yeux. Plaisant, car le panier qu'elle portait dans les mains l'empêchaient de replacer correctement sa capuche lorsque le vent la faisait reculer sur son crâne. Le panier en question était un panier de fruits qu'elle avait dégoté sur un marché non loin de la place principale du village. Misory avait jeté son dévolu sur quelques bananes et framboises et s'était pris une pomme pour le chemin du retour. Elle croquait dedans doucement tout en mettant un pied devant l'autre, en direction de sa maisonnette qui se trouvait un peu plus loin, loin de toute l'activité qui se faisait près des places.
La Suzuri emprunta un chemin de terre bordé de petits arbres qu'elle n'arrivait pas à identifier. Des sapins, pour la plupart, mais d'autres pinacées étaient présents. Elle s'approcha de l'un d'eux et l'observa. Elle se rappela alors quelque chose qu'elle lut un jour dans les rapports de sa mère à propos de la végétation du Pays de la Foudre.
« Un feuillage persistant, un cône plus grand que la norme. Des aiguilles jusqu'à environ... 7cm. »Il ne faisait plus aucun doute en son esprit qu'il s'agissait d'un
Keteleeria. C'était la première fois qu'elle en voyait un et il lui semblait connaître ce conifère depuis toujours. Elle déposa son panier de fruits quelques instants et prit le temps de dessiner l'arbre. Elle ajouterait ce dessin aux notes de sa mère afin de pouvoir les compléter correctement. Reprenant sa route, elle passa une bonne partie de son trajet à admirer le paysage et finit par arriver devant sa porte. Un petit chat se trouvait à côté de la route, comme pour réclamer des caresses et un peu de lait avant de continuer sa route.
« Encore là, toi ? »Misory soupira. Puis sourit. Elle avait l'habitude de voir ce petit s'inviter devant sa porte et, comme celui-ci n'avait pas lâché l'affaire, elle s'était mise à lui donner un peu de lait de temps en temps. Elle ouvrit sa porte, et le jeune félin l'observa sans bouger, attendant de voir si son hôte allait être généreuse avec lui aujourd'hui. Sa patience fut récompensée. Une petite coupelle de lait devant la porte, un chat satisfait. Misory put reprendre le fil de sa journée de plus belle.
Elle déposa le panier dans sa cuisine, jeta son trognon de pomme, et prit au passage une petite framboise avant de s'installer sur une chaise de sa table à manger. Des dizaines et dizaines de dossier étaient déposés là, de manière désordonnée.
Les traditions du village de Shitaderu. L'architecture de l'Arche Grise. Les végétations du pays de la Foudre.« Ah, voilà celui qu'il me faut. »
Elle ouvrit le dossier et y ajouta son dessin. L'écriture de sa mère était encore si fraîche dans son esprit. Elle caressa le parchemin du bout du doigt et décida intérieurement de ne pas s'attarder pour ne pas trop ressasser les souvenirs. Il y avait un temps pour ceci, mais ce n'était pas aujourd'hui. Refermant le dossier sur les conifères de Kumo et le déposant un petit peu plus loin sur la table, elle en dévoila un autre avec un symbole qu'elle connaissait bien sur la couverture.
Un cercle ovale avec un point noir à sa base.
Il s'agissait du symbole signifiant la connaissance, dans une langue que seul son père semblait connaître. Elle avait longtemps essayer de déchiffrer ce dossier pour découvrir les mystères qui s'y cachaient, mais sans succès. Son géniteur ne semblait avoir laissé aucun indice pouvant l'aider à percer les secrets de ces parchemins.
La genin observa sa main droite. Le symbole, identique en tout point, avait eu beaucoup d'impact sur l'enfance de la jeune femme mais restait un mystère total à ses yeux. La connaissance... Elle se leva, alla dans la salle de bain et se rinça le visage avec de l'eau chaude. Elle prit ensuite une serviette sur le côté et se tapota légèrement la peau pour la sécher. Lorsqu'elle passa sur la partie gauche de son visage, elle releva inconsciemment sa paume qui se retrouva face au miroir. Elle s'arrêta brusquement.
Elle se regarda plus attentivement, dans le blanc des yeux, et baissa son regard vers sa main droite. Perdue dans ses pensées, celles-ci fusaient si vite qu'il était bien compliqué pour la Suzuri de les isoler pour en tirer quelque chose de cohérent. Cependant, sans réfléchir, elle leva sa main et plaça sa paume face au miroir, encore une fois. Elle déplaça ensuite sa main pour qu'elle se retrouve devant son œil droit.
« Un œil. C'est un œil. »Le déclic se fit alors. Cela paraissait si évident maintenant que Misory rit un instant et se rua à l'extérieur. Elle marcha, courut presque, et se retrouva vite dans un petit bout de forêt isolé. Elle s'assit sur ses genoux. Elle leva ses deux mains et les plaça l'une contre l'autre. Un petit amas d'encre se fit, et quelques gouttes coulèrent dans l'herbe. Lorsqu'elle les sépara, les deux mains semblaient être jumelles en tout point. Un autre œil était apparut, cette fois-ci sur la main gauche.
Et oui, il faut bien deux yeux pour pouvoir pleinement observer le monde, non ?