Urahi, capitale du Feu | Retrouvailles sous le signe de l’histoire

Sentinelle veillant sur la cité, Shinpachi avait été assigné à la garde d’Urahi pendant trois jours. Installé en hauteur sur la branche d’un arbre, il observait d’un œil tranquille le mémorial des héros où s’érigeaient sinistrement les tombes de tous les guerriers dévoués au Teikoku ayant lutté pour son accomplissement. Vigilant au moindre détail, il analysait les vagabondages des uns et des autres dans les allées de stèles Hijines et Impériales, sans se laisser distraire ni par la pluie qui tombait à quelques reprises, ni par les insectes rampants ou les oiseaux chantants.

Envahi de lassitude mais aussi sérieux qu’il fallait l’être pour faire une bonne garde, il se fit tout de même la réflexion que ces sacrifiés avaient dû voir des luttes acharnées pour qu’enfin Urahi puisse naître de leurs cendres. Certains membres du clan Shinrin avaient également péri pour l’Empire du Feu, et il ne pouvait qu’être honoré d’hériter d’un tel leg de dignité.

Son dos était installé sur le tronc épais d’un vieux chêne. Assis, il avait replié sur elle-même sa jambe droite et sa jambe gauche pendait sur le côté pour l’aider à maintenir son équilibre. Il avait lié ses mains sur le genou qui se présentait à lui et, si de l’extérieur la position semblait confortable, elle était en fait si rustique qu’il était envahi de picotements dans le corps, avec l’envie terrible de bouger. Ceci dit, sa présence était obligatoire et cet arbre offrait le panorama parfait pour étudier sa zone, aussi consentit-il à faire l’effort de rester perché.

Soudain, il vit une silhouette passer sous sa branche. La tête blanche lui rappelait quelque chose. Sans doute leurs routes s’étaient déjà-t-elle croisées auparavant. Il ne put, pour briser la monotonie des longues heures qui l’assommaient, se retenir de l’interpeller.

"Hé, toi ! On se connait, non ?"

Lança-t-il franchement, comme pour soulever le doute de son esprit.

HRP:

Automne de l’année 203
Urahi, Capitale du Feu

Il faut que tu sois plus concentré, tu ne pourras jamais effacer complètement ta présence si tu es si dissipée. Allez, on recommence.

Les bras derrière le dos, Hiko donnait ses recommandations à la jeune recrue de l’Empire. Une jeune femme, d’à peu près son âge, qui n’avait jusqu’alors jamais pratiqué l’art de la sensorialité. Plutôt bosseuse, elle ne ménageait pas ses efforts. Cependant, son caractère un peu « tête en l’air » faisait qu’elle se déconcentrait plutôt rapidement. Or, lors d’un combat, la moindre seconde d’inattention pouvait être fatale. Et c’était donc de la rigueur que tentait d’inculquer Hiko à cette jeune combattante.

La scène pouvait paraître un peu déplacé lorsqu’on savait qu’un jour plus ou moins proche, Hiko prendrait les armes face à la Nation du Feu. Il était en train de former ses potentiels ennemis. Mais avait-il réellement le choix ? Car s’il voulait bien se faire voir par les Hijins, il n’y avait pas d’autres moyens que de suivre les ordres qu’on lui donnait. Et en ce moment, ils étaient très axés sur la formation des jeunes pousses. Eh bien soit, les jeunes pousses seront formées.

Bien, maintenant essaie de te mouvoir, je vais essayer de te trouver.

Elle avait pris le pli, et venait tout juste d’effacer complètement sa présence ce qui était déjà une franche réussite. Mais se maintenir immobile ne suffisait pas, il fallait maintenant que la pupille soit capable de se mouvoir pour profiter au maximum de cette capacité.

Mais bon, Rome ne s’était pas construite en un jour. Il lui faudrait donc encore plusieurs jours de pratique pour arriver à un niveau convenable. Et c’était donc pourquoi Hiko venait de laisser la jeune femme pour la journée, il retournerait à ses quartiers avant de reprendre la route pour Kumo dès les premières lueurs du jour le lendemain.

Marchant d’un pas léger, notre jeune héros aux cheveux blancs s’était complètement emmitouflé dans sa veste. Le vent ramenait avec lui les courants d’air froids venant du Nord, ce qui provoquait une période de fraîcheur même si l’été venait à peine de se terminer. Et alors qu’il marchait, tentant en vain de se réchauffer, il fut interpelé par une voix qui ne lui était pas familière.

Levant les yeux en suivant l’origine du son, il remarqua alors un jeune garçon assis sur un arbre, une jambe pendant dans le vide. Sa question avait été plutôt directe, demandant à Hiko s’ils se connaissaient. En le regardant d’un peu plus près, Hiko sentit que le quidam n’était pas un réel inconnu… Mais il ne le connaissait pas pour autant.

Euh je crois pas non… Tu dois me confondre avec quelqu’un d’autre.

Puis l’enfant reprit sa route, remettant les mains dans ses poches, tentant de lutter contre le vent. Il ne savait pas qui était cet inconnu, mais il devait vraiment faire erreur sur la personne. Du coup, pas besoin de perdre plus de temps que nécessaire dans ce froid glacial, Hiko avait mieux à faire.