Imbécile de père... A l'image du clan, cet homme était éteint. Enfermé dans ses calculs passés et erronés, s'enfonçant en espérant secrètement se relever par l'intermédiaire des autres, en l’occurrence sa fille. Il avait cette même fibre que les Anciens, à ne point en démordre alors que tout ce qu'ils avaient bâtis, non, leur héritage même, s'effondrait sous leurs yeux emplis de déni.
D'une cadence virulente qui ne lui ressemblait pas Takara quittait alors le domaine clanique. Après de longues heures accordées à la confection de sa marionnette spéciale, Suzuri Toramasa son paternel s'était encore essayé à lui mettre le grappin dessus malgré une relation devenue morne voire toxique. Elle l'avait envoyé valser, presque renié sur un coup de sang. Se dirigeant tel un missile vers la sortie. Elle traversait ensuite la cours extérieure, l'esprit parasité à la fois par les regrets de sa réaction mais aussi par l'usure omniprésente qui en justifiait l'acte. Les démonstrations de colère s'avéraient particulièrement rares chez la trentenaire, mais s'il existait bien une personne capable de les déclencher une fois sur deux, c'était cet homme.
Sa dextre ouvrait abruptement le portail débouchant sur la place séparant l'imposante propriété des Suzuri de la bien plus magistrale encore Grande Bibliothèque. La mine grave, frappée par l'irritation passée, elle mettait pieds dehors sans se soucier des apparences. A peine libérée du carcan familial elle croisait un genin qu'elle reconnaissait alors brièvement comme un élève de sa cousine - Vraisemblablement, ce dernier souhaitait entrer chez eux, à moins que cette proximité soit le produit d'une pure curiosité ? Il était pourtant bien proche du portail, si bien que dans sa virée improvisée Takara se déportait légèrement sur la gauche afin de ne pas le transformer en obstacle de sa trajectoire. Le regard sévère et sans prendre la peine de s'arrêter, elle s'adressait sèchement à ce dernier :
Hina n'est pas ici revenez plus tard.
Aussitôt son châle coloré fendait l'air, succédant à ses propos comme l'on effectue un tour de magie - Levant un voile afin de faire apparaître ou disparaître quelque chose. En l'occurence il s'agissait plutôt de quelqu'un : Elle traçait sa route, déjà à plusieurs mètres du curieux laissé sur place. Si ce dernier se considérait au bon endroit, nul doute qu'il arrivait au mauvais moment.
Le jeune homme avait passé toute la journée à la Grande Bibliothèque, à la recherche de quelque chose de bien spécifique, ce qui le conduisit à feuilleter les nombreux ouvrages qui étaient mis à disposition. Après de longues heures harassantes à essayer de mettre la main sur le fameux document, le jeune homme baissa les bras en se disant qu'il mettrait de nombreux mois à tout scruter et qu'il fallait trouver une autre solution. Il prit alors quelques minutes pour cogiter.
*J'ai l'impression de chercher une aiguille dans une botte de foins... Bon... Vers qui je pourrais me tourner pour obtenir cette information ? Je ne connais pas grand monde par ici malheureusement.... Ah si, il y a ce scientifique rencontré l'autre jour... Quoique c'est une mauvaise idée il vient tout juste de débarquer dans le village et ça m'étonnerait qu'il détienne ce que je cherche. Peut-être que le charmant majordome saura m'en dire un peu plus... C'est bête je ne connais que son prénom ça ne va pas m'avancer pour le retrouver. Mais attends, il y a bien quelqu'un qui saura m'aider ! *
A ce moment là il eut une illumination, se levant aussitôt, prenant soin de ranger les livres à leur place d'origine pour ensuite se diriger vers la sortie. La seule option qui lui restait était son Maître : Suzuri Hina. Il se devait d'explorer cette piste, même si il n'était pas certain que celle-ci aboutisse sur quelque chose de concret, tant pis fallait tenter le coup. Sans plus attendre une seconde, le jeune homme à la longue chevelure blonde, marcha d'un pas très soutenu pour rejoindre le domaine du clan de son Sensei, il ne lui fallu pas très longtemps pour atteindre sa destination.
Essoufflé, le Genin prit quelques instants pour reprendre sa respiration, au même moment une personne sorti en furie du dit domaine l'évitant de justesse. A cette allure la collision aurait pu être terrible pour le freluquet, qui semblait s'estimer heureux de ne pas avoir été percuté. La réaction de cette Amazone lui mit un sérieux doute dans la tête, se demandant même s'il se trouvait au bon endroit, cassant ainsi l'image qu'il se faisait de clan majeur de Kumo. Il se tourna légèrement pour interpeller la folle furieuse.
« La Résonnance ça te dit quelque chose ? » lâcha-t-il dans le but d'attirer l'attention de la jeune femme.
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« La faiblesse oblige la force, comme la trahison engendre le sang...»
Bibliothèque ! Pestait-elle sans se retourner en pointant son doigt en direction du dit édifice.
La Suzuri y passait le plus clair de son temps en tant qu'intendante d'infortune, a renseigner ou orienter ceux qui se posaient mille et une questions souvent identiques et de surface... devait-elle toujours faire preuve de cette même considération quitte à voir son maigre temps libre rogné plus encore ? Cette question ne se posait pas, d'ordinaire, puisque effectivement elle ne snobait ni ne dédaignait les quidams qui recueillaient son attention. Hélas aujourd'hui son esprit manquait terriblement d'oxygène. Elle pouvait donc se permettre de passer l'éponge pour cette fois. N'est-ce pas ? ... Une dizaine de pas plus tard, l'allure diminuant, elle s'arrêtait alors - Lâchait un profond soupire. On ne se refaisait pas si facilement.
Pivotant sur elle-même, elle retraçait le chemin inverse plus posément. Certes le calme de la trentenaire ne s'était pas encore rassemblé, néanmoins sa propre exigence la rappelait visiblement à l'ordre et la conditionnait à stopper net cette crise futile qui ne lui ressemblait pas. De toute évidence on pouvait lire sur son visage qu'elle ne s'éterniserait pas devant les murets encerclant son domaine clanique. Mais au moins ne se salirait pas au point de rejeter injustement ce jeunot qui n'avait pas à souffrir de ses sautes d'humeur. Las, elle rouvrait la conversation en faisant fi de ce qui venait de se passer quelques secondes plus tôt.
Votre question n'a aucun sens. Que voulez-vous ? En apprendre sur la Résonance ? Sur ce que j'en pense ? Soyez précis au moins. Balayait-elle vivement en dardant son interlocuteur avec insistance. J'ai à faire. Si vous voulez de la documentation, la grande bibliothèque en a.
Certes elle ne l'épargnait pas tout à fait, mais la solliciter dans le but de lui demander si elle avait entendu parler d'un phénomène mondial qui avait fauché ou impacté une grande partie de la population... N'importe qui aurait pu réagir avec d'avantage de virulence.
On dirait bien que le poisson ait mordu à l'hameçon... Habilement le Nakamura mit sur le tapis ce sujet ne pensant pas une seconde que cela fonctionnerait. La farouche Suzuri semblait intrigué par cette soudaine question, ce qui lui donna envie de rebrousser chemin afin de mieux questionner le genin un peu trop curieux. N'importe qui aurait sourcillé face aux questions inquisitrices de l'Amazone mais le jeune homme resta de marbre fixant alors son interlocutrice. Aucune émotion ne se dégageait de son regard, ce dernier scrutait attentivement le langage verbale et non verbale de celle-ci avant d'esquisser un léger sourire en coin.
L'homme de vingt-trois ans semblait amusé de la situation, au premier abord cette dame avait de nombreux points avec lui, et un lui sauta plus particulièrement aux yeux. Elle ne passait pas par quatre chemins pour dire les choses, sans doute parce qu'elle était pressée ou bien parce que c'était sa nature. Ce type de comportement aurait déplu à beaucoup de personne,ce qui pouvait être normal, qui aurait accepté de se faire traiter de la sorte ? Personne, sauf le blondinet. Il était exactement comme elle, peut-être même pire, c'est sûrement pour cela qu'il pouvait se permettre de la comprendre.
« Je devais attirer ton attention et comme tu te tiens à présent devant moi, je peux en conclure que cela a fonctionné. On parlera de la Résonance plus tard veux-tu. Pour l'heure, je souhaiterais avoir accès aux nombreux documents que possède ton clan, non pas pour m'en servir dans un but personnel. Mais tout simplement pour satisfaire ma soif de connaissance qui est de plus en plus grande. Ce monde est gorgé de nombreux secret et je suis persuadé que je trouverai mes réponses ici. Du coup tu me fais entrer pour en parler ? »
Le jeune Nakamura possédait de multiples défauts mais fallait le reconnaître qu'il fallait beaucoup d'audace pour se permettre une telle chose auprès d'un membre important du clan, que dis-je du village.
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Un bref moment de flottement puis... la Suzuri éclatait de rire. Sans doute nerveusement. Il fallait croire que cette journée désagréable lui réservait encore de drôles de surprises. Le karma, certainement. Elle se serait épargnée un tel scénario en restant auprès de son père, quitte à vivre un épisode soporifique visant à le rassurer... Mais au moins, cette démarche improbable proposée par le garçon ne manquait pas de la détendre. Cela n'avait encore une fois aucun sens mais détenait toutefois comme mérite de balayer la grisaille. Les traits de son visage s'adoucissaient avant qu'elle ne reprenne la parole.
Bien essayé, j'imagine... Commentait-elle en croisant les bras. Sauf que le clan ne cache rien, tu devrais t'en douter - L'Empire ne le cautionnerait pas.
Elle était passée au tutoiement, d'une part parce que son interlocuteur en faisait ainsi et d'une autre parce qu'elle avait de toute évidence affaire à un gamin. Hina devait s'amuser, avec ce type de loustiques sous sa responsabilité... Quoiqu'il en soit elle ne lui mentait pas. Les seuls écrits "secrets" n'étaient autres que les travaux personnels des différents expérimentateurs, qui les publieraient ou non un jour, ou en parlaient selon leurs envies. Si sa cousine souhaitait ouvrir la porte à un de ses élèves alors elle le pouvait bien, mais d'aucune façon la trentenaire réorienterait sa journée pour satisfaire cet inconnu. Peu importe son audace. Et encore moins avec le "fantôme" qui l'attendait encore à l'intérieur.
Tu ferais mieux de revenir une autre fois pour croiser ta Senseï. Car je ne peux rien pour toi... qui, je présume, a déjà fait le tour de toute la grande bibliothèque... Ironisait-elle. Bref, "plus tard" je ne serai plus là puisque je m'en vais. Merci pour ce moment... atypique.
Takara lui souriait tendrement, replaçait son châle et hochait brièvement la tête en signe d’au revoir. Elle ne prendrait pas deux fois de suite le risque de s'enliser ici, d'autant plus maintenant qu'elle s'était rendue compte du traquenard tendu par ce blondinet. Sans un regard en arrière, elle progressait donc vers la place principale de la cité, l'esprit désormais suffisamment aéré pour envisager un arrêt dans un bar. Bien qu'elle n'en abusait pas, cette journée se prêtait plutôt bien à un remontant. Oui, elle ferait ça.
Un refus ? Et bien oui, la dame au châle venait de le rembarrer avec courtoisie en prenant la peine de lui faire comprendre d'aller "jouer" dans les pattes de quelqu'un d'autres, en l’occurrence, celles de sa Senseï. Cette réflexion lui passa complètement au-dessus de la tête, préférant alors ce focaliser sur les paroles précédentes. Malgré la sincérité dégagée par la jeune femme, il ne la croyait pas une seule seconde. Pour lui, la Suzuri utilisa ces mots pour le dissuader de creuser ou tout simplement le tester. Dans les deux cas il n'allait pas baisser les bras aussi vite et aussi près du but, actuellement elle représentait la seule personne capable de répondre à ses nombreuses interrogations, en l'absence de son Maître.
Était-ce un défi qu'elle lui lançait ? Il était prêt à le relever.
Cette femme était bien trop mystérieuse la laisser filer aussi facilement, soit il l'attendait ici - devant la bâtisse du clan, soit il la suivait jusqu'à réussir à capter son attention. Le premier choix relevait du pur hasard, il ne pouvait pas prédire le temps qu'elle mettrait pour rentrer, et attendre bêtement n'était pas envisageable. C'est alors qu'il fit le choix de la suivre, non pas de façon discrète comme l'aurait fait un spécialiste de la traque, mais plutôt de manière grossière. Seulement trente mètres les séparaient, ainsi avec cette courte distance il était facile pour la kunoichi de le repérer, ce qui était son objectif. Il voulait lui faire comprendre qu'il ne renoncerait pas tant qu'il n'avait pas eut le fin mot de cette histoire.
La voir faire un arrêt dans un bar ne le choqua pas plus que cela et profita de l'occasion pour lui emboîter le pas.
« On sera sûrement mieux attablé autour d'un verre pour reprendre notre discussion. » dit-il avec un tendre sourire
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Merveilleux. C'était le jour des pots de colle, toutes générations confondues. Takara jouerait le jeu encore un peu, du moment qu'elle restait libre de ses mouvements sa patience pouvait subsister. Rien de plus facile pour elle de disparaître si le gamin commençait à peser lourd dans l'équation, néanmoins il avait le bon sens d'afficher ses intentions et de procéder à une poursuite sans prétentions de la duper. Elle se comportait donc normalement, commandant une liqueur à base de patates douces, assez costaud mais définitivement bienvenue en cette journée, puis lui adressait cette fois-ci un regard neutre.
Oui hein.
Elle déposait sa main gauche - un gantelet sophistiqué qui trahissait en réalité un membre fantôme - sur la table puis activait un sceau mineur libérant un kiseru. La trentenaire n'était dépendante ni à l'alcool et ni à la fumée mais les deux allaient généralement de pair lorsqu'elle se laissait tenter. Il semblerait donc qu'en la matière elle demeurait tout aussi précautionneuse, possédant un matériel raffiné d'une part, et sachant pertinemment quoi choisir à la carte pour ce qui était de la boisson. Tout en préparant l'objet, elle reprenait la parole.
Ecoute : Même s'il y avait des écrits intéressants dans nos étagères, tu n'y aurais pas accès. La bibliothèque est là pour répandre les informations, les sources, et permettre des recherches personnelles ou communes. Le domaine clanique est un lieu réservé à un clan. Expliquait-elle sans le prendre de haut malgré la simplicité évidente de son résumé. Je ne sais pas ce que tu t'es mis en tête mon garçon mais c'est une quête inutile. Mais encore une fois, Hina te fera peut-être visiter si tu lui demandes. Moi je n'ai pas que ça à faire...
Un crépitement, quelques bouffées de fumée. Une tasse de shōchū qui arrivait sous son nez. Elle remerciait le serveur d'un hochement de tête puis regardait de nouveau son interlocuteur, se demandant bien qu'est-ce qu'il allait encore bien pouvoir lui sortir du chapeau pour justifier sa présence incongrue.
A son tour, le jeune homme commanda une boisson non alcoolisée, plus précisément un thé glacé, il en raffole. Une fois servit, il fit signe à la Suzuri de s'attabler loin des oreilles indiscrète qui pourraient traîner, lui montrant alors une table dans le fond à proximité des rideaux. Son attitude précautionneuse ne l'empêchait pas d'écouter l'inconnue qui l'accompagnait, un mouvement de sourcil se fit à la vue de la fumée. C'était bien sa veine, lui qui avait horreur de la fumée il se retrouvait exposé à celle-ci n'ayant pas vraiment son mot à dire là-dessus.
Les deux Kumojins prirent place à l'endroit indiqué par le jeune quelques secondes avant, inconsciemment son regard venait se fixer sur la commande de l'Amazone, il semblait troublé...Sa main gauche commençait à trembler sans aucune raison apparente, en tout cas pour les personnes n'étant pas au courant de sa pathologie, en réalité c'était la manifestation de son autre personnalité, Gin. Ma foi, plutôt cocasse comme prénom direz-vous. L'odeur de l'alcool avait le chic pour attirer cette entité et le malheureux Syoto devait lutter pour ne pas perdre le contrôle de son esprit au profit de l'autre taré d'alcoolique.
« Il n'y a aucun souci, je comprends tout à fait qu'une personne extérieur au clan ne puisse pas fouiller dans vos affaires...Et concernant Hina-Sensei je ne me risquerais pas de l’entraîner là dedans... »
Avec sa main droite saisit la main gauche tremblotante pour essayer de la cacher afin qu'elle ne se pose pas de question à ce sujet.
« Tu as été au courant du rassemblement qu'il y a eu ces derniers jours ? Je me doute que oui quelle question... La méthode employée par la rouquine est disons original. Qui est-elle pour prétendre absolument établir la paix ? Il y a des choses bien plus importantes dans ce bas monde et elle se permet de fanfaronner de la sorte. Cela vaut aussi pour les pro-rébellion et l'Empire. Je n'ai jamais vu de tels idiots, franchement ils perdent leur temps pour des futilités. C'est d'une tristesse... Oups j'ai oublié de me présenter... Tu dois surement le savoir mais je nomme Nakamura Syoto, et toi ? »
Parler de la rébellion, c'était donc sa la raison de son entêtement ? Voulait-il sonder son interlocutrice dans le but de pouvoir ainsi la cataloguer, comme il fit pour les personnes rencontrées précédemment ? Ou bien c'était une conversation anodine ? En tout cas il était bien déterminé d’entamer cette discussion qui s'annonçait clivant au point de la fixer droit dans les yeux.
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La trentenaire portait la tasse à ses lèvres, attaquant le remontant pendant que son interlocuteur continuait de lui tailler bavette. Impossible pour elle de ne pas faire attention au léger trouble physique affligeant ce dernier, ce qu'elle ne commentait pas. Il partait dans tous les sens, blâmant à tour de bras les éléments qu'il exposait jusqu'à enfin se présenter.
Takara. ... Tu ne commandes rien ? Le questionnait-elle alors, s'amusant toute seule quant au fait qu'il avait pris au pied de la lettre la formulation "boire autours d'un verre".
Elle reposait ensuite le sien sur la table puis clignait des yeux, ne sachant trop par où commencer.
A considérer tout un chacun comme des idiots finis, tu passeras à côté d'un nombre conséquent d'enseignements. De ceux plus riches encore que ce qu'on peut entrevoir dans les livres. Bref, je ne suis pas d'accord avec toi : Cette femme a fait preuve d'une force intérieure certaine en posant un Acte. Celui ci lui attirera des foudres, mais pas que. Les rapports humains ne sont que partage d'influence et la meilleure manière de transmettre un message n'est autre que de s'ouvrir avec sincérité... Là où elle en est importe peu. Elle a fait ce qu'il fallait pour passer un cap. Ni plus, ni moins.
Sans s'étendre d'avantage elle réutilisait son kiseru, délaissant la tasse d'alcool qui n'en appellerait pas une seconde et durerait donc jusqu'à ce qu'elle se décide à quitter ce lieu. Ce qui n'était pas encore prévu, ce changement d'atmosphère semblait avoir suffit à la recentrer, toutefois elle commençait tout juste à en profiter. Syoto restait quant à lui une bonne parade à ses préoccupations même si elle ne le cernait pas.
Tu n'es pas le seul à faire preuve de médisance dans son dos cela dit. Au moins quand il s'agit de dénigrer quelqu'un de différent, même des entités antagonistes sont capables de faire preuve de consensus... Tu parlais de tristesse c'est ça ? Soulevait-elle d'un mince sourire quasi subliminal.
Qui était-elle pour prétendre établir la paix ? Qui était-il pour prétendre qu'elle fanfaronnait ? Chacun suivait sa propre voie et, à défaut de s'entendre sur toute la ligne, le respect demeurait crucial. Sans quoi il devenait difficile de se comprendre et de pouvoir composer malgré les différences - Ou au moins de donner une chance à une évolution, quelle qu'elle soit. Une question de mesure, de patience et de bon sens...
Raccourcir le prénom de la demoiselle n'était en aucun cas un signe d'impolitesse cela voulait tout simplement dire qu'il avait de l'estime pour celle-ci.
« Heureusement que tu n'es pas d'accord avec moi sinon ce serait un ennuie mortel, n'est-ce pas ? C'est pour cela que j'aime l'esprit du débat, on peut échanger librement nos idées, tout en essayant de comprendre celles des autres sans pour autant y adhérer. Et mon petit doigt m'amène à dire que je vais apprécier ta présence. Pour en revenir à notre sujet d'origine, et pour clarifier les choses, je ne m'estime pas supérieur à qui que ce soit en employant le terme d'idiot. Parce que dans le fond, nous avons tous plus ou moins une part de nôtre être qui nous pousse à faire des choses irrationnel défiant toute logique. Il faut bien dire que parmi toutes les espèces vivant dans ce bas monde, l'être humain est la seule espèce qui n'est pas conformes aux autres. Au moins cela permet à certains curieux comme moi d’approfondir les recherches, et je commencerais par la rouquine....»
* Tous les projecteurs sont braqués sur elle, autant en profiter. Je suis persuadé qu'elle ferait une excellente ambassadrice pour mon ambitieux Projet, elle sur le devant de la scène et moi dans l'ombre entrain de tirer les ficelles.*
Syoto s'arrêta un instant pour saisir sa commande - un thé glacé servit un peu plus tôt - humant dans un premier temps le contenu du verre avant de boire quelques gorgées de son délicieux breuvage. Puis dans le second temps, il révéla le cache qui recouvrait son œil droit, masqué jusqu'à lors par sa longue chevelure doré, puis reprit la parole.
« En effet je parlais de tristesse, non pas que j'éprouve cette émotion mais je juge cette situation déplorable. Ces gens pour ne pas les citer sont obnubilés par ce pseudo-conflit alors qu'il y a des problèmes bien plus grands en dehors de nos terres. Et personne ne s'en préoccupe... »
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Bien, alors va droit au but. Rétorquait-elle aussitôt.
Cela ne trahissait pas un manque de patience, seulement la Suzuri ne s'enliserait pas non plus dans un étalage de leurs identités respectives à la manière d'un rendez-vous galant. Après tout, il semblait avoir des idées et ne s'en cachait pas ou peu. Elle pouvait encore l'écouter et échanger, d'ici que sa tasse se termine et à condition qu'il cesse de tourner autours du pot.
Je ne sais pas ce que tu cherches ni ce que tu veux à cette femme et en réalité cela m'importe peu. Tu as l'air sûr de toi, et moi j'ignore de quelle façon je peux t'être utile. Elle marquait une pause, happant une nouvelle bouffée de fumée. En fait, là, tout de suite, tu me sembles simplement dispersé. Que veux-tu exactement ?
Quelle ironie. Ce gamin se comportait exactement comme son paternel : Lui attrapait la manche, pensait à voix haute ses propres intérêts, justifiait ceci ou cela, puis recueillait l'attention ou l'investissement de cette dernière en l'empêchant de décrocher. Mais pourquoi faire ? Pour quelle finalité ? Takara ne savait comment se comporter face à ce type de personne, préférant généralement retourner à ses occupations privées. Il lui fallait d'avantage de matières, ou au moins le sentiment que son interlocuteur exultait d'une certaine sincérité peu importe le discours tenu. Ici, elle ne pouvait que présager un traquenard tant que Syoto ne se montrerait pas plus explicite.
Disponible oui, perspicace sans doute, mais devin ? Non. Le garçon ne la surprendrait pas par de simples constats, il devait dérouler d'avantage d'éléments si son souhait était d'attiser la curiosité de la trentenaire.
On dirait bien que l'ancêtre avait comprit le petit manège que ficelait le blondinet et attendait qu'il se dévoile d'avantage. Il prit alors une profonde respiration et se lança dans un discours remplit de de franchises. Qui faudra le noté, c'était bien la première fois qu'il se livrait avec autant de sincérité, peut-être que c'était l'effet Takara.
« Maintenant que j'ai pleinement ton attention je vais pouvoir aller plus en profondeur des choses. Pour être tout à fait honnête avec toi, j'ai un objectif principal et des objectifs annexes. Et par le plus grand des hasards, il se pourrait que la rouquine et moi partagions le même but. Cela fait quelques temps maintenant que je planche sur un concept innovant que j'ai baptisé le "Projet Zéro". Pour mettre en place ce projet révolutionnaire il me faudrait sillonner tout le Yuukan en quête d'éléments tangibles, et ainsi pouvoir déterrer tous les secrets enfouis dans ce vaste monde. Le gain de puissance physique pour asseoir sa domination ne m'intéresse nullement. Tout ce que je souhaite, c'est enrichir mes connaissances, apprendre des autres factions, comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd'hui. Même si tu ne dis rien, je suis convaincu que tu as en ta possession des informations précieuses qui pourraient m'aider à me lancer. Au plus profond de moi j'espérais avoir un membre du clan Suzuri comme enseignant, et on dirait bien que mon souhait a été exaucé. Vous êtes par conséquent une pièce maîtresse de ce projet...
... Et tu te demandes quel rôle va jouer la rouquine là dedans ? C'est tout simple, elle va continuer à déverser son idée utopique par-ci et là. Je n'approuve pas sa manière de penser mais être à ses côtés me permettrait d'en savoir un peu plus. En tout cas essayer de comprendre pourquoi elle s'accroche à cette vision très fantasque, bien entendu sans pour autant l'en dissuader. Je veux être aux premières loges pour voir ce qu'elle est prête faire et à sacrifier pour obtenir sa paix véritable. Nombreux avant elle se sont brûlés les ailes, sera-t-elle la personne qui insufflera un vent nouveau ? Ou sera-t-elle le fruit d'un bain de sang généralisé ? Seule cette Sendai pourra apporter les réponses à ses questions, mais pour l'heure il nous faut attendre patiemment. »
Après cette longue tirade, le jeune genin esquissa un sourire gêné par peur d'être pris un illuminé -surtout dans cette situation d'annexion- ces paroles seraient jugées comme de la trahison pou les uns et de la défiance pour les autres. La Suzuri comprendrait-t-elle le message qu'il voulait faire passer ?
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Ses doigts tapotaient nerveusement sur la table puis saisissaient la tasse de shōchū. Un lever de coude prolongé plus tard, il ne restait plus qu'un dixième du liquide dans le contenant. Takara conserverait son sang froid cette fois-ci, notamment en se retenant d'éclater de rire au risque de vexer son interlocuteur. Le remontant lui brûlait quelque peu la gorge mais adoucirait assurément les propos à venir.
Eh bien... hrm.
Elle fronçait les sourcils, sa dextre effleurant bientôt son front alors qu'elle rassemblait sa pensée. Voilà qu'il en disait soudainement trop ; explosif, éparse ; la chercheuse ne relevait aucune véritable ligne directrice au sein de toute ces motivations pour le moins obscures. Elle enfermait donc à nouveau son kiseru dans le sceau approprié, non pas qu'elle actait son départ mais préférait seulement épurer sa propre atmosphère avant de s'attaquer à celle de Syoto.
Quel rapport entre... Bon sang. Je ne comprends pas un traître mot de tes aspirations. Ni dans quelle ordre d'importance tu les classes... Que ce soit apprendre de ce monde et des différents pays ou encore cette drôle de lubie reposant fondamentalement sur une personne qui t'est étrangère... Que cherches-tu à comprendre de ses actes, "en la laissant faire" ? Et qu'est-ce que tu attends du monde extérieur ?... Qu'espères-tu découvrir en étant aussi vague ? Mon garçon, ce n'est pas comme cela "qu'on se lance" dans un projet. Ni que l'on mène une recherche. La clarté, la précision, la discipline propre à un plan... Concentre-toi déjà sur ces trois choses. Ton esprit est bien trop chaotique actuellement, ne serait-ce que par ta tendance à placer beaucoup trop d'importance en une personne suite à un simple discours, une réaction qui s'oppose drastiquement avec ta volonté de parcourir le monde et d'en extraire quoique ce soit.
D'ailleurs moi non plus : Je ne suis la pièce maîtresse de rien du tout. Évoquait-elle, décontenancée.
La Suzuri le dardait longuement du regard. Il avait beaucoup à apprendre, en premier lieu sur lui-même. Toute cette énergie devait être canalisée et affinée avant de partir dans des projets encore flous ou parasités par ce qu'il percevait chez ceux qui l'entouraient.
Tu es encore jeune. Ne t'éparpille pas trop et surtout, apprend à te centrer sur toi-même. C'est la première et sans doute la plus primordiale des leçons à acquérir... Mais d'ailleurs, n'es-tu pas shinobi ? Cette voie vaut ce qu'elle vaut mais apporte certains enseignements et permet à terme de donner du crédit à ceux qui "font leurs preuves"... alors, fais tes classes puisque tu as déjà un pied dedans. Cela te donnera le temps de t'affirmer, car tu en as besoin. Puisqu'en grillant les étapes, ce sont tes ailes que tu vas brûler...
La conclusion tombait radicalement. Bien que son ton n'était pas hostile ni condescendant, elle se doutait bien que sa réponse serait probablement avalée de travers. Voilà pourquoi elle fuyait le système shinobi comme la peste et était finalement plutôt satisfaite de ne pas se retrouver à la place de Hina, à devoir gérer une équipe de lurons turbulents.
Le temps s’était comme qui dirait figé lors de la prise de parole de la Suzuri, les mots utilisés par celle-ci étaient aiguisés comme une lame, pointus comme un couteau, chauffés comme une flamme et puissant comme un fusil d’assaut. Aucuns gants n’étaient pris, détruisant à tour de bras les aspirations du jeune homme, lui sonnant les cloches comme on l’aurait fait à un enfant ayant fait une bêtise. Peu à peu il n’entendait plus aucun son, son regard hagard était porté sur la femme qui lui faisait face, en tout cas c’est ce qu’il laissait paraitre, mais en réalité sa vision était brouillée. Signe de son ébranlement. Le Genin à la chevelure flavescente ne s’attendait pas le moins du monde à une telle réplique, il venait de subir le courroux de la doyenne.
Le tempérament inflexible de Takara lui rappelait celui de son défunt paternel, ce dernier savait allier fermeté et objectivité tout comme la demoiselle ici présente. Depuis cette disparition le Nakamura Junior -Syoto donc- était à la dérive totale, recherchant une bouée à laquelle se raccrocher, quelqu’un qui serait capable de calmer cette ardente frénésie qui débordait en lui. Il fallait donc à présent remettre l’impétueux sur le droit chemin avant qu’il ne sombre littéralement dans la folie et qu’il mette ses desseins en marche, si cela venait à se produire le monde que nous connaissons ne sera plus.
Après de longues minutes d’égarement le jeune adulte reprit ses esprits pour glisser quelques mots en guise de réponse.
« Tu as sûrement raison… Je dois avant tout faire un travail sur moi » Dit-il avec le regard fuyant
« Pourrais-tu me parler de Hina-Sensei ? Comment est-elle ? » Cette question n’était pas hasardeuse il voulait absolument détourner la conversation afin de passer à autre chose, c'était en quelque sorte une fuite en avant, un échappatoire. Et oui, même s’il ne le montrait pas il était déstabilisé.
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« La faiblesse oblige la force, comme la trahison engendre le sang...»
Que son interlocuteur lui donne raison ou non importait peu sur l'instant. Il existait une différence capitale entre l'acceptation et la résignation, cette dernière n'étant qu'une manière détournée de digérer des informations et les oublier par la suite. Ce que risquait fort de faire Syoto s'il ne s'appliquait pas à une certaine hygiène de vie, une discipline. Takara ne l'épargnerait pas, après tout il avait cherché le contact jusqu'à la suivre, s'imposant à ses côtés. Elle ne lui en tenait pas rigueur pour autant, seulement même dans une telle situation le garçon pouvait apprendre. Non pas en avalant tout cru l'ensemble de ce qu'elle lui dirait, mais au moins en s'y confrontant jusqu'au bout et en développant sa propre condition. Par l'introspection, la réflexion et l'application de ce qu'il en tirerait.
Hina est une belle âme. Mais ce n'est peut-être pas la Senseï qu'il te faut. Répondait-elle d'une note pour le moins énigmatique.
Sans chercher à porter préjudice à sa cousine, elle exposait simplement son avis, une fois de plus. A l'exception qu'ici elle ne le développerait pas, fermant ce sujet comme pour mieux coincer le jeune homme dans la thématique qu'il s'essayait désormais à fuir.
Ton cœur est ambitieux mais ton esprit ne suit pas. Il n'y a rien de plus dangereux. Pour toi-même d'abord, mais aussi pour les autres. Insistait-elle en le fustigeant du regard. Mais ne te méprend pas : Tu peux transformer tout cela. Sauf qu'il n'est pas question de "ce que tu dois" mais de "ce que tu veux"... Ton exigence, tes choix. Si tu souhaites accomplir de grandes choses, ton Nindo doit être solide, imperturbable. Et pour cela oui, le travail sur soi-même est indispensable. Ce monde te placera constamment dans des situations troubles où tu seras seul à décider de la marche à suivre.
Seules ta conscience et ton intégrité te donneront les outils de compréhension et d'évolution. Sans cela, tu ne feras que errer à l'aveuglette, n'effleurant que la surface des choses sans que ça ne provoque le moindre impact réel. Or... Je lis dans ton regard que tu ne le supporterais pas bien longtemps. Voilà pourquoi je te parle ainsi.
La trentenaire le libérait du poids de ses yeux de jade puis attrapait sa tasse, la terminant d'une traite. Plissant les yeux un instant, elle se redressait alors, déposait les ryos équivalant aux deux commandes et amorçait son départ.
Cette femme, la rouquine utopique comme tu dis. Elle te plaît n'est-ce pas ? Peu importe ce que tu penses savoir d'elle, quelque chose dans ses propos a su t'atteindre. Demande toi quoi. Si ce n'est que pour son joli minois ou son nouveau statut de dissidente alors oublie la. Si c'est parce que le fond de son discours te touche, alors commence par explorer cette voie là. Et surtout : Prend le temps.
Takara marquait quelques secondes d’arrêt puis hochait la tête en signe d'au revoir. Evidemment il pouvait encore la retenir, voire la suivre comme il l'avait fait jusqu'à présent. Mais de son côté elle estimait ses propos comme suffisants. A son tour de faire le tri dans ses priorités, dans ce qui comptait à ses yeux, et d'avancer étape par étape jusqu'à ce que son jugement s'élève et lui permette de se révéler sous un jour d'avantage confiant. Tôt ou tard ce dernier pourrait être entreprenant. Mais pour l'heure, il devait encore apprendre.