Voilà des heures qu’elle tournait en rond. L’Aburame s’impatientait. Son regard se perdait à droite, à gauche, devant… Tous les bâtiments se ressemblaient, les ruelles aussi dans ce foutu village. Qu’est-ce qu’il lui avait pris de revenir ici ? C’était vraiment une idée stupide. Dire qu’elle s’était laissé séduire par de nouveaux camarades venus de Kumo, des kumojins étant passé à l’Empire donc, quand ils avaient vanté le tabac de leur village.
Et voilà où menait sa couardise. Perte de temps et d’énergie. Impossible de trouver le tabac en question. Perte de patience aussi. Qu’importe ses résolutions de ne pas se faire remarquer en terre « hostile », car c’était clairement comment elle voyait ce village. La kunoichi se décidait à utiliser ses meilleurs atouts : Ses insectes.
La femme écartait ses bras dans un coin de rue et une nuée de petites bêtes noires s’échappaient de ses manches pour venir virevolter autour d’elle. Leur hôte sortait le tabac qu’elle avait reçu en échantillon de la part de ses collègues, laissant ses outils de détection vivants se délectaient de l’odeur.
« Retrouvez moi la même source d’odeur dans les environs. »
Un instant après le nuage bourdonnant avait disparu en se dispersant à travers le village. Il ne lui restait donc plus qu’à prendre son mal en patience. En regardant autour d’elle, la kunoichi captait l’attention que quelques enfants lui portaient dans la ruelle. Ils semblaient surpris, mais pas dégoûtés comme elle en avait l’habitude. C’était rare… Tellement rare pour elle. Tant, que même si elle n’était pas très sociable d’ordinaire, l’Aburame ne put s’empêcher de jouer avec eux en appelant hors de son corps d’autres insectes, cette fois plus brillant.
Les lucioles obéissant à leur maître filaient vers les gamins avant de danser entre leurs doigts pour le plaisir de leurs yeux. L’effet qu’elle voulait créer semblait escompté, voilà qui lui décrochait un sourire, bien que cachait par son masque. Pris de confiance et visiblement sociable par ici, le groupe se rapprochait d’elle suivit par les lucioles qui les divertissaient encore.
« Tu en as d’autres ?! Tentait le plus téméraire. Des plus mignons ? Questionnait la petite fille à sa droite. »
L’Aburame prenait une pause de réflexion, avant de baisser sa capuche et ôter son masque pour ne pas ou moins paraître effrayante, bien que visiblement, ce n’était pas son problème aujourd’hui.
« Mignon comme quoi ? Des coccinelles ? »
En ouvrant sa paume, elle en présentait quatre, comme le nombre d'enfants présents, toutes jaunes à l’image de ce pays, et de sa collection personnelle. Ayume collectionnait les insectes, même si c’était inutile, puisque tous ne lui servaient pas au combat… C’était un de ses hobbies.
« Est-ce que je peux vous les confier ? Vous en prendrez soin ? Elles portent chance il paraît. Si on fait un vœux et qu’elle s’envole ensuite, la coccinelle ira le réalisait pour vous. Mais ça ne marche que si vous êtes gentils avec elles et tous les autres insectes... »
Ils étaient tous excités par l’idée en les recevant entres leurs petites mains.
Nouvelle balade avec Satori, sa filleule. Depuis que la Résonance lui avait arraché sa mère, la petite ne pouvait qu'à peine compter sur son père noyé dans les idées sombres. La trentenaire avait alors déployé de nombreux efforts au sein de son clan, y compris sur le plan relationnel malgré son recul habituel. Naturellement la gamine avait pris l'habitude de la solliciter de plus en plus, au point même que certains la prenaient pour sa mère... La manière la plus simple et honnête de sauvegarder son espace vital restait donc de lui consacrer du temps bien défini. De la garderie, en somme.
Aujourd'hui, son regard traînait non pas sur une seule vilaine bouille mais bien sur toute une petite troupe de diablotins ; Satori ainsi que des camarades de son âge. Au moins en groupe, ils s'auto-géraient. Là par exemple, ils alpaguaient une femme vêtue de noire, visiblement réceptive au charme enfantin. Il n'y avait pas que ça. Il s'agissait d'une Aburame, en témoignait son petit artifice visant à divertir la colonie de juvéniles.
Takara, si elle en connaissait peu sur les clans n'en ignorait néanmoins que rarement les grandes lignes. La Grande Bibliothèque regorgeait d'informations sur le monde, résultat d'une époque passée où cette cité n'avait pas même de porte. Outre les livres, Kumogakure comptait également dans ses rangs des Aburame il y a peu. Qu'étaient-ils devenus ? Ironiquement, bien des figures avaient disparues depuis l'annexion. Nombreux étaient ceux à avoir rejoint cette cité, attirés par le développement culturel et scientifique, et nombreux aussi étaient ceux à la quitter depuis qu'il ne s'agissait plus qu'un bastion militaire parmi tant d'autres. Quoique, ça, c'était son avis à elle. Il y avait peut être d'autres raisons.
A l'écoute du discours offert aux enfants en même temps qu'une poignée de coccinelles, la Suzuri se présentait d'abord silencieusement, s'approchant et hochant la tête sans l'interrompre. Elle ne se permettait une phrase qu'une fois l'engouement des enfants les poussait à retourner dans leur monde d'analyse et de magie à l'égard des petites créatures ailées et colorées.
Bonjour. Voilà quelques temps que je n'avais pas vu un membre du clan Aburame ici... celui-ci s'est aussi greffé à l'Empire, finalement ?
La question posée relevait de la pure curiosité, en aucun cas altéré par la moindre connotation négative. Ces derniers temps, les visiteurs issus du pays du feu étaient généralement mal vus voire malvenus aux yeux de la population locale. Plutôt ironique tant le brassage entre le feu et la foudre existait déjà depuis bien longtemps, voire le début de la mise en place de ce village caché. Elle ne participait pas à cette discrimination se voulant "patriotique", préférant se mettre à jour sans grandes prétentions, juste bercée par ce que la vie lui réservait sur son passage.
Le court instant passé avec les gamins aurait au moins le don d’illuminer sa terne existence. Ayume n’avait pas souvent l’occasion de les fréquenter, mais elle appréciait toujours à la fois leur simplicité et leur innocence. Cela lui donnait tendance à être une toute autre personne en face d’eux.
Ils filaient tous combler par leurs nouveaux trésors et c’était au tour d’une femme de capter son attention. Fait plus rare, une ninja de la foudre qui plus est. Généralement, l’Aburame n’avait pas un bon feeling avec les kunojins : Ils ne l’aimaient pas, c’était presque physique cette histoire.
Toutefois, la brune était en général de bonne foi au départ du moins, même si elle avait ses à prioris quant à l’idée de partager une complicité avec des protagonistes d’un pays que son empire avait envahi. Elle n’avait pas envie de prendre un coup de poignard dans le dos pour sa part… Mais c’était une autre histoire. Celle qui l’intéressait ici fut la mention, paraissant anodine, qu’avait fait cette inconnue. Connaissait-elle en plus de son clan des membres de ce dernier personellement?
Quelle ironie. Elle-même une Aburame ne serait pas capable de lui citer une seule connaissance au sein des siens. Ayume était seule depuis bien, bien longtemps après que ses parents eurent rendu l’âme quand elle n’était pas plus vieille que la petite fille là-bas.
« Bonjour. Qu’entends-tu par finalement ? Je ne comprends pas. J’ai toujours vécu à Hi no kuni la seule affiliation de ma vie a été l’Empire. »
Avant lui, elle vivait librement de petits contrats. Mais depuis l’été dernier, elle s’était laissé convaincre par celui qui l’avait recueillie de joindre les rangs. Évidemment, ça c’était mal passé. Tous ici savaient l’issue de la dernière risk qui avait fait d’elle une soldat de l’empire à part entière. Entre temps, son influenceur était mort. Il ne lui restait plus que cette plaque métallique signant son appartenance pour attache. Et un nom célèbre qui ne lui servait à rien jusque là.
« Tu prétends que des Aburame ont vécu à Kumo ? C’est à dire ? »
Il était alors évident de comprendre qu’elle avait toute son attention. La voilà qui se faisait bien insistante et le réalisant, la kunoichi faisait marche arrière pour faire preuve de plus de courtoisie. Les mouches ne s’attrapaient pas avec du vinaigre.
« Enfin, tu pourras rajouter une Ayume à ta liste d'Aburame si tel est le cas, mais à ma connaissance, il n’y a pas d’autre Aburame que moi à Teikoku. Du moins, jamais entendu parler ou croiser. Mais je ne suis pas la plus sociable de tous ceci dit. »
Étrange tout de même, il était certain que cette remarque qu’elle avait faite ne pouvait pas être anodine pour autant. « Aussi greffé... » Ses homologues étaient donc des traîtres dans ce village… ? De mieux en mieux. L’idée la dérangeait, mais que pouvait-elle y faire ?
Elle haussait les épaules. Bien des clans originaires de Hi s'étaient éparpillés au delà de leur territoire natal après tout, cela devenait difficile de déterminer lesquels étaient revenus sur les devants de la scène pour prêter officiellement allégeance à Teikoku.
Le prétendre ? L'avant-dernier directeur du Complexe Scientifique appartenait à votre clan. Exprimait-elle alors, tout naturellement.
Rien que ça. Cette plateforme de la science et du développement technologique de la cité. La Suzuri entretenait encore trop de distance avec le village lorsque celui-ci exerçait en tant que tel, néanmoins il était resté longtemps au poste et ne semblait pas souffrir d'une mauvaise réputation. Peut-être les événements avec le Sôshikidan avaient eu raison de la stabilité de sa situation ? Elle l'ignorait. En tout cas il avait été remplacé avant que l'annexion ait lieu. Des affaires qui préoccupaient peu la trentenaire en comparaison de toutes les tensions relatives à son propre clan.
Et moi Takara, du clan Suzuri. Reprenait-elle avant toute chose lorsque son interlocutrice lui renseignait son prénom. Pour être honnête je ne sais pas grand chose sur les vôtres, je m'interroge justement. Mais oui, le directeur, ainsi qu'une voyageuse d'une vingtaine d'année qui en était venue à demander son bandeau.
Cette dernière en revanche, elle s'en souvenait très bien. Une vraie pipelette qui s'exprimait d'avantage qu'elle ne respirait.
Shizen et Kaede, si ces noms vous parlent... Enfin, avec tous les troubles qu'a rencontré votre pays, ce n'est pas si surprenant. Le temps passe et on s'habitue aussitôt à de nouvelles réalités... Elle n'est pourtant pas si lointaine, cette période où les frontières entre les peuples n'étaient pas aussi strictes. Confiait-elle, autant pour elle-même que pour sa voisine.
Après quoi elle se permettait de la détailler d'avantage du regard. Cette femme semblait isolée. Bien que la Suzuri avait longtemps vécu en marge du village et de son propre clan, elle n'avait toutefois jamais rompu ce lien, donnant une certaine importance au folklore entretenu par ce dernier et donc y revenant au moins une à deux fois par an. Aussi distante dans la vie qu'accessible dans son quotidien, elle manquait peu de choses et savait consciencieusement rester à la page. Visiblement son interlocutrice ne faisait quant à elle pas partie des hijins ayant cherché ailleurs une herbe plus verte ; restant au pays, et pourtant sans être spécialement entourée. Maintenant elle arrivait ici en soldate de l'Empire ? C'était étonnant. Mais il fallait croire que la restructuration d'un pouvoir concret à Hi no Kuni avait su attirer aussi bien des individualités que des groupes soudés. En témoignait leur attaque éclair sur Kumogakure, et les différents flux de shinobi qui apparaissaient depuis lors.
En voilà une information intéressante, via celle-ci, Ayume pourrait creuser davantage le sujet, elle avait désormais l’ombre d’une piste sur l’un de ses homologues claniques. Quelque chose de plus concret que les on dits. En plus, vu le poste qu’il occupait ici, il ne devait pas faire parti des derniers venus estimait-elle. Avait-il une famille dans ce village ? Dans tous les cas, ils étaient au moins deux à avoir loué allégeance à la foudre. Un temps du moins. C’était déjà plus que ce qu’elle savait de Hi no kuni, où les siens avaient disparus dans un énième carnage.
“ Eh bien tu n’en apprendras pas plus de moi. Je n’ai aucun lien avec mon clan, nous avons été séparé lorsque j’étais enfant. Et je n’ai plus jamais retrouvé leur trace. Je te dirais que je ne l’ai pas particulièrement cherché non plus. Et vice versa. ”
La suite de ses commentaires la laissait perplexe, non pas parce qu’elle ne connaissait aucun des deux noms, mais parce qu’elle partageait sa pensée. Si la kunoichi était un soldat appliqué, c’était juste par habitude de bien faire tout ce qu’elle entreprenait. Dans le fond, la femme était d’accord avec cette déclaration, elle n’était pas très fan de ces histoires de frontières, ni des guerres et conquêtes en général. Si elle agissait pour le compte d’une armée, c’était juste que dans son endoctrinement, on lui avait promis que sa terre natale ne souffirait ainsi plus jamais des carnages qui lui avaient volé notamment les siens.
“Qu’est devenu le directeur ? ”
La kunoichi éludait délibérément le sujet, pour cause, elle ne pouvait pas dire que cette conquête la chagrinait, pas après y avoir participé, mais elle ne voulait pas lui mentir non plus. Alors simplement, elle bifurquait l’invitation tentant à ouvrir le sujet.
“ Par ailleurs, je ne suis pas aussi instruite que toi, j’ignore tout des grands clans, ne sois pas vexée que je ne reconnaisse pas le nom du tien.”
Si Takara avait appuyé sur le fait que son nom était clanique, c’était qu’il devait y avoir une raison non ? Mais Ayume ignorait laquelle, elle n’avait que faire de ce genre de choses en général, son âme n’était pas celle d’une belliqueuse. Pacifique de nature, elle aimait les compromis et les solutions passives. La brune avait déjà assez de mal à connaître ses propres capacités, alors celles des autres. Bon, cela n’excluait pas que lorsqu’elle perdait patience, elle pouvait se montrer malicieuse pour atteindre ses buts. Mais en général, elle avait bon fond et aucune hostilité envers les autres, quels qu’ils soient. Même si elle tenait un sacré contentieux avec Kumo depuis sa dernière visite…
“ Il faut faire attention avec les habitudes, elles nous font perdre notre vigilance.”
Répondait-elle tout de même au sujet, malgré elle ceci dit, cela avait fini par glisser hors sa bouche alors qu’elle le pensait fortement dans sa tête. L’enfant du pays du feu n’avait jamais à en prendre, des habitudes; voilà pourquoi elle changeait régulièrement de travail, variant les contrats de tous types. Elle ne pouvait pas nier que la répétition des ordres de l’armée la laissait un peu. Mais elle avait besoin de la structure militaire pour se refaire, sans ça, Ayume n’aurait plus de but dans sa vie. C’était un peu triste en y repensant.
“ C’est rare que j’arrive à tenir une conversation aussi longue et cordiale avec une kumojins. En général, quelque soit la bonne volonté que j’y mets, ils me crachent au visage dès la première minute.”
Cela la faisait rire doucement, la soldat ne leur en voulait pas, c’était légitime après tout.
“ Es-tu donc si peu rancunière ? Ou trop polie ? A moins que tu attendes quelque chose de moi ? ”
La Suzuri se contentait une fois de plus d'hausser les épaules à la question concernant le directeur. Hélas pour son interlocutrice, le timing lui ferait défaut de plus belle puisque les Aburame d'alors étaient tout deux hors de la cité.
Je l'ignore. Nombreux kumojins de haut rang étaient en mission lors de l'assaut de l'Empire... Et sont encore dans la nature à l'heure actuelle. Une piste éventuelle.
Continuait-elle à titre purement informatif, loin de se désoler de l'absence de telles figures qui auraient indubitablement pu permettre au village de contrer les assaillants lors de ce jour funeste. Les aléas de la vie avait permis aux ennemis de s'engouffrer dans une faille malencontreuse créée par le pays de la foudre lui-même, à force de redoubler d’expéditions en terre étrangère. Suite à cette brève réponse la trentenaire se montrait plus attentive quant au reste des propos adverses, esquissant un sourire triste et attendu lorsqu'elle récoltait un constat supplémentaire sur le traitement habituel réservé aux hijins par la population locale. Evidemment, la rancœur était tenace, et à défaut de pouvoir faire plus, les vaincus luttaient contre leurs propres frustrations en redoublant de chauvinisme et de non savoir-vivre à l'égard de ceux dont la tête ne leur revenait pas.
Au contraire : Je n'attends rien des autres. C'est là sans doute la différence la plus flagrante. Rétorquait-elle calmement. Oh bien sûr j'ai tout de même mes propres espoirs ou préférences, mais à quoi bon les jeter aux visages de ceux qui croisent ma route ? On y perd la magie d'une rencontre pour n'en récolter souvent plus que des tracas ô combien immatures et futiles... Enfin. Vous ne découvrirez pas que des gens hostiles par ici, ne vous inquiétez pas. "L'argumentaire" de la plupart de ceux prompts à vous cracher dessus s’effondrerait s'ils avaient un Raikage pour canaliser leur fierté. En bref, ça ne vole pas bien haut ni ne cherche bien loin.
Même si elle ne faisait que résumer brièvement une pensée plus profonde, son ton un brin blasé ne laissait aucun doute quant à son désintérêt envers la politique du village. Effectivement, elle n'avait pas le sang chaud des guerriers et plaçait la cohérence comme valeur phare ; face à cela, quiconque prétendant la paix avait intérêt à ne pas fauter pour la toucher. Il n'existait aucun candidat valable à ses yeux. Même parmi les kumojins rêvant le départ du Teikoku, condamnant ce dernier comme s'il représentait tout les maux du monde, y en avait-il un avec une vision "construite" de ce que ferait le village une fois son autonomie retrouvée ? La réalité, c'est que même sous l'occupation, tout demeurait possible, l'Empire étant pour le moins conciliant depuis sa victoire. Seulement les esprits belliqueux dominaient et il était plus simple de penser à une révolution plutôt qu'à une évolution.
Chacun a ses raison d'être aigri ou rancunier. Mais pour ma part, le but et la juste façon de l'atteindre importent plus que les luttes d'influence à court terme... Or je souhaite contribuer à la Paix, "seulement".
Voilà qui devrait suffire en terme de justification. Elle se détournait un instant, laissant son regard surveiller quelques instants la petite troupe de marmots.
Pour cela, être vigilante en toute chose et tout instant est la meilleure façon d'y prétendre. Ne serait-ce qu'en évitant les erreurs habituelles.