“ Circulez ! Vous êtes sur un périmètre sécurisé. Le commerce est interdit par ici. “
“ Quoi ? Écoutez mon petit monsieur, ça fait des années que je me place ici pour vendre mes créations ! “
“ Les règles ont changé et ce n’est pas moi qui les ai faites. Dégagez la rue ou je vous embarque ! “

D’ordinaire, j’étais plutôt du genre à m’occuper de mes affaires.

J’essayais de ne plus faire de vagues et me fondre dans la masse depuis le “contrat”...

Mais ce jour-là, devant cette scène, ça avait été plus fort que moi.

Peut-être ma frustration cumulée qui avait besoin d’une excuse vers un exutoire.

“ Mec, lâche-le tu veux. “

Le garde s’était retourné et sa face avait changé en voyant le bandeau des nuages. Pas besoin de me faire un dessin, j’avais du mal à imaginer que les impériaux et les kumojins puissent être copain/copain.

“ Te mêle pas de ça, j’applique seulement les règles. Et tu devrais le faire aussi. “

Sans déconner, non pas content de la ramener dans notre village comme s’il était chez lui, ce gars-là voulait en plus me faire la leçon ?!

Automatisme, je l’avais repoussé sans ménagement avant même qu’il puisse enchainer sur quoi que ce soit d’autre…

Ce n’était pas très malin en y repensant, mais l’impulsion, tout ça…

Il avait bégayé quelques mots de mécontement, mais je ne l’écoutais déjà plus.

“ On a toujours fonctionné comme ça et ça se passait très bien, ce n’est pas un miteux de l’empire qui va venir nous dire aussi comment gérer nos rues. “

Évidemment, l’altercation avait vite fait d’attirer l’attention. Parmi la foule, beaucoup de civils, qui étonnamment, étaient plutôt mitigés. Ils avaient ceux qui étaient en effervescence; m’encourageant à lui taper dessus pour vivre un peu de satisfaction par procuration. Mais ils avaient aussi ceux qui voulaient calmer le jeu, prônant que le gars, empire ou pas,ne faisait que son job. Qui aurait cru que parmi les miens, certains pourraient se ranger de leur côté ?

Heureusement, il restait quelques fidèles aux valeurs du nuage, eux-mêmes qui barraient la route aux collègues du garde en gênant leur passage tandis qu’on en était arrivé aux poings…

Lolo allait me défoncer quand on viendrait lui rapporter ça.

Mais ça valait le coup !

Plusieurs crochets, quelques coups de pieds, de retournés. Nous étions désormais au milieu d’un ring “humain” où le public se délectant ignorait les avertissements de la garde qui n’arrivait pas à se faire un passage. Même s’il n’avait mis cher, on n’allait pas se mentir, le gars se défendait bien. Au final, c’était lui qui restait au sol, éclaté. Le résultat avait de quoi ravir les supporters… Mais pas tout le public.

Et voilà d’où venait le début des emmerdes...

Je faisais le "keke" tant que je le pouvais encore auprès de mes nouveaux admirateurs..

Dans les rues de Kumo
Une journée ensoleillée d’Hiver…

Les jours passaient, mais aucun ne se ressemblait vraiment. Tandis que Hiko revenait d’une mission située à l’autre bout du pays, il avait été convoqué à Kumo pour venir faire son rapport aux différentes instances dirigeantes du village. Ce n’était pas la partie de son nouveau poste qu’il aimait le plus, mais Hiko acceptait sans rechigner ces nombreux voyages. Cela lui permettait de venir s’assurer que tout se passait dans Kumo. Que la population soit bien traitée, mais aussi que la Résistance avançait bien dans l’ombre.

Ses nouvelles responsabilités l’avaient un peu éloigné de tout cela, mais dès qu’il revenait dans son village natal il n’hésitait pas à reprendre un peu la main sur certains sujets, et surtout à se tenir au courant si jamais il s’était déroulé quelque chose de notable. Ayant une totale confiance dans chacun des membres recrutés, il ne se faisait pas de mourrons sur la gestion… Mais un évènement incontrôlé était si vite arrivé.

En parlant de ça, il remarqua un attroupement anormal dans l’une des artères de la ville. Interrompant son trajet habituel, il se rapprocha tout en prenant de la hauteur sur la situation, littéralement. En quelques sauts bien sentis, il se retrouva alors au-dessus de la scène qui attirait toute l’attention des riverains. Tandis que certains civils s’évertuaient à ne pas laisser passer les soldats, d’autres s’amusaient simplement de la scène.

Au milieu d’eux, se trouvaient un soldat et un Kumojin dont la peau était plus noire que du charbon. Première fois que Hiko le voyait, il ne fut pas déçu de l’attitude de ce dernier. Il venait littéralement de foutre une raclée au soldat qui se retrouvait désormais à terre, mordant la poussière à pleine dents, tant qu’il lui en restait…

En voyant cette scène, Hiko se passa la main sur le visage. Ce genre de comportement était ce qu’il détestait le plus. Bien sûr, voir un soldat à terre était agréable, mais la façon de faire était ridiculement trop visible. Ce fut pourquoi il décida d’intervenir. Prenant un appui solide sur une cheminée, il se propulsa alors vers l’épicentre du « ring » qui s’était formé, arrivant pile poil entre l’agresseur et l’agressé. Tournant le dos au soldat, il parla d’une voix forte pour être audible de tous.

La fête est terminée, retournez tous à vos occupations je ne veux plus voir personne !

Déclara-t-il tout en faisant valser son regard d’un visage à l’autre. Ses habits de l’Empire prouvaient qu’il avait un grade bien supérieur à celui de soldat, ce qui asseyait définitivement son autorité sur la plupart des personnes présentes. Son regard chargé de courroux se chargeait du reste. Et tandis que les foules se séparaient bruyamment non sans émettre quelques plaintes où se retrouvaient parfois quelques noms d’oiseaux, Hiko reporta alors son regard sur l’homme à la peau d’ébène.

Quant à toi, explique moi tout de suite ce qui s’est passé et pourquoi le soldat se retrouve dans un tel état. Ah… Et tu me donneras aussi ton identité puisqu’on y est.

Plongeant son regard azurée dans celui du fauteur de troubles, Hiko s’assurait ainsi que son interlocuteur comprenne bien ses intentions. Il ne rigolait clairement pas dans sa requête, et malgré son jeune âge, une étonnante sérénité se dégageait dans ses gestes et ses paroles. Et cela, tu pouvais bien le ressentir.

J’essuyais mes lèvres ensanglantées quand il avait débarqué.

Lui : Le “problème”.

Très vite son autorité (naturelle ?) avait dissipé la foule. Les gardes en retrait arrivaient enfin, après la guerre à se frayer un chemin jusqu’à leur collègue tandis que le nain de jardin m’assassinait du regard (Hs: Nols est grand presque 1m80). Ils étaient presque au garde à vous ou carrément en fait, je ne connaissais pas vraiment ces subtilités-là, mais aucun doute, vu l’attitude et l’allure, ce merdeux n’était pas un garde lambda.

Un gradé ? Peut-être.

Mais un gradé de l’empire, valeur : Zéro.

Je sondais alors le regard perçant et serein du nouveau protagoniste de cette scène. Le silence régnait longuement, mais peut-être que la conversation était alors devenue non-verbale. La couleur des yeux était aussi identique que la lecture de l’état d’esprit. Il ne rigolait pas, moi non plus jusqu’au moment de lui répondre finalement. Mais pas vraiment de la façon dont il l’espérait. Je n'avais rien à perdre. Il n'y avait personne à intimider en face de lui.

“ Ma mère m’a appris à ne pas répondre aux étrangers quand ils posent des questions indiscrètes. “

Ce n’était pas l’attitude la plus futée qu’il soit, mais perdu pour perdu. De toute façon qu’est ce qu’il pouvait bien me faire de plus que ce que la vie m’avait déjà fait ? Me mettre en taule ? J’en sortais à peine et j’aurais mieux fait d’y rester. En vrai, il me libérerait de ce deal monstrueux que j’avais passé avec une de ses collègues. Un bon exemple celle-là de la pourriture qui nourrissait les rangs de ces “sauveurs” de Kaminari. Une raclée ? Encore une occasion de taper sur un d’eux voir plusieurs, plaisant. Me tuer ? Encore mieux que la solution une, mais ce n’était pas bon pour leur image de “grâce”. Donc il ne le ferait pas.

Un sourire s’était étiré sur mes lèvres avec toutes ses pensées qui se bousculaient dans ma tête. Le petit gars était arrivé dix ans en retard pour me faire de l’effet dans cet uniforme lié à l’empire, il perdait à mes yeux, toute crédibilité.

“ Je ne répondrais qu’aux questions d’un de mes supérieurs. C’est-à-dire un kumojins. “

“ Il s’est jeté sur lui ! “

“ Il est venu chercher l’embrouille sans aucune raison ! “

Les collègues du garde s'étaient jetés sur l’occasion pour s’exprimer. Et même si ce n’était pas tout à fait exact, je ne les corrigeais pas, et cela pour la toute bonne raison que je n’avais pas à me justifier sur mes actes dans mon village devant un gars de l’empire. Depuis le début de la rencontre, nos pupilles étaient restées dans leur confrontation silencieuse se renvoyant leur reflet…

Sans détacher son regard de celui de l’homme à la peau noire, le jeune garçon répéta calmement, sans aucun ton de menace apparent.

Il me semble avoir dit que je ne voulais plus voir personne. Ce n’est pourtant pas assez clair ?

L’image d’un Capitaine sévère, voici ce que renvoyait Hiko. L’ordre était nécessaire, à Kumo encore plus qu’ailleurs. Et il devait se mettre dans la peau de son personnage, c’était donc pourquoi il agissait ainsi. Se mettant dans la peau de ceux qui le dégoutaient, de ceux qu’il avait juré de combattre. C’était nécessaire, pour sauver les apparences, pour pouvoir attaquer au plus près du cœur de cet Empire rongé de l’intérieur.

Suite à sa remarque, les gardes présents blêmirent et se retirèrent alors en silence, laissant les deux jeunes garçons seuls, ou presque ; les civils ayant repris un semblant de comportement habituel. Leurs pupilles ne s’étant toujours pas quittées, Hiko admirait en silence la force de conviction de celui qui lui faisait face. Beaucoup aurait déjà compris leur erreur, beaucoup aurait déjà lâcher le regard. Mais pas lui. Une flamme d’une rare intensité crépitait dans son regard. Un diamant brut, qui ne demandait qu’à être poli.

Tu as du répondant, c’est bien. Mais parfois, il ne faut pas confondre courage et idiotie. Mais tu as raison… J’ai manqué de bonne manière.

Un sourire s’afficha alors sur le visage du jeune garçon. Il tentait de désamorcer un peu la situation en montrant une facette plus sympathique et approchable au trouble-fête. Cependant, s’il faisait bien attention, il noterait que son regard n’avait rien de rieur. Son visage souriait, ses yeux ne rigolaient toujours pas.

Je m’appelle Sairyo Hiko, et je suis Capitaine de l’Empire du Feu.

Laissant un petit temps où il ne parla pas, Hiko laissait alors au quidam l’opportunité d’être poli, de rattraper son manque de considération évident lors de ses dernières paroles. C’était sans doute peine perdue, mais au moins il lui aurait laissé une porte de sortie.

Cette intense volonté, elle pouvait l’intéresser à titre personnel. L’homme en face de lui lui rappelait dans une certaine mesure Metaru Reiji. Un membre de la Résistance qui était des plus explosifs. Cependant, ce dernier savait s’arrêter lorsqu’il était encore temps. Lui aussi avait une flamme gigantesque dans le creux de ses yeux, un feu si violent qu’il pourrait à lui seul calciner l’Empereur. Mais le tout était de bien canaliser cette énergie. De faire en sorte de ne pas se faire dévorer par cette flamme.

Je vois bien que tu as un problème avec l’Empire, mais il va falloir faire avec. Ton village est tombé, et nous sommes désormais tous dans le même bateau… Que tu le veuilles ou non. Du coup, je te prie de te présenter et de m’exposer ce qui s’est passé.

Malgré ce sourire toujours scotché à son visage, tu pouvais bien voir qu’il ne rigolait aucunement.

Impossible de ne pas ouvertement ricaner en me payant la tête des gardes congédiés.

Irrécupérable, je savais bien. C’était le moment de faire profil bas ! Je le savais aussi, mais bon, entre savoir et appliquer ses connaissances….

Courage et idiotie à ne pas confondre ?

J’en avais un de deux s’était certain, et ce n’était pas le premier. Plus con que héros, l’histoire de ma vie.

Je faisais avec.

Un bon point pour lui pour la perspicacité. Quelque chose clochait avec cet impérial, il avait l’air plus vicieux et dangereux que tous les autres. Pourtant, après avoir eu affaire à “Lolo”, je ne pensais pas trouver pire dans leurs rangs… Des égaux à cette folle, oui, des fous intelligents, c’était vraiment un manque de bol pour un mec un peu simplet comme moi. Là-dessus, je ne faisais pas d’illusions.

La question était alors : est-ce qu’il tempérait pour me faire obéir ou me titiller pour me pousser à la faute et avoir l’excuse de sévir ?

“ Moi c’est Nols. Genin de Kumo. “

Donnant/donnant, au moins sur les présentations, ce n’était même pas que j’étais éduqué ou quoi, pur mimétisme conditionné à y repenser. Ceci dit cela s’arrêtait là, le capitaine de l’empire manquait d’écoute active, je lui avais déjà dit que je ne me justifierais qu’auprès d’un de mes supérieurs.

C’est à dire : un kumojins.

Et même si vu de l’extérieur la tension semblait être tombé et le Capitaine avait désormais le beau rôle, l’animosité n’avait pas baissé d’un pousse. Et ce n’était pas l’échange silencieux du reflet de nos pensées qui arrangeait les choses. Ni moi d’ailleurs.

“ Tu crois vraiment qu'une défaite est une fin absolue ? Ah ah ! On est sur le même océan peut-être, mais certainement pas le même bateau ou alors si… mais pas dans le même équipage, ni les mêmes couleurs si tu vois ce que je veux dire, Capitaine de l’empire.“

Plus borné tu meurs. C’était vachement débile en vrai… Le pire je le savais. Il aurait juste fallu ravaler un peu ma fierté, dire que je m’étais emporté, faire de la lèche quoi… Et au pire j’en ressortais avec une sanction. Mais est-ce que j’avais envie que ça se finisse bien ? La réponse était clairement non.

“ Du coup, je vais reformuler de façon plus claire : je ne reçois mes ordres que de mes supérieurs. “

Le petit rictus mimé pour jouer cette scène stupide s’était effacé, il avait l’air un peu con sur les bords lui aussi dans son genre, ou bien il feintait de l'être. Alors j’allais lui préciser ouvertement au cas où.

“ Dont tu ne fais pas partie Capitaine de l’empire. “

Mon sourire était revenu, mon regard dans le sien était catégorique, tout comme le sien qui n’annonçait rien de bon. Nous étions dans l’impasse.

“ On peut se regarder dans le blanc des yeux jusqu’à demain comme ça, je ne suis pas pressé. “

Mais lui, il devait avoir mieux à faire et j’espérais qu’il commençait enfin à perdre patience.