Le voyage avait été long. Parcourir tout le chemin de Hayashi no Kuni jusqu’à Kaminari no Kuni n’était pas une mince affaire, surtout seul. Mais ce qui avait été le plus dur, c’était de s’être imposé cette route à faire au plus vite. Car lors du Sommet des Shinobis, Ikeda Sazuka avait bien fait savoir qu’elle et les « siens » ne tarderaient pas à revenir à Kumogakure no Satô. Et pour que le plan auquel le porte-parole pensait fonctionne, il fallait qu’ils aient quelques jours d’avance. C’était un maigre et simple avantage que le Kaguya semblait avoir. Et tant mieux.
Mais si avec de pareils efforts Kôsuke s’était attendu à trouver facilement le sommeil, il avait commis une erreur. Ses pensées étaient si nombreuses qu’il n’arrivait ni à s’endormir, ni à s’assurer à cent pour cent du bienfondé de son projet. Alors, en attendant de pouvoir l’exposer à la Régente, qu’il espérait comme la seule alliée qui lui faudrait, il réfléchissait…
Il revoyait les visages des quelques Hijins qu’il avait connu ou croisé, et qui étaient morts ce jour-là, lors du génocide. Et alors, la rage s’emparait presque trop facilement de son corps. Pourtant, cette colère était bien moins imposante que par le passé. Etait-ce parce qu’il avait rencontré parmi les plus hauts « ex-Kumojins » à Hikari ? En réalité, il n’y avait que des mots qui avaient fait tilt ce jour-là : « mes prédécesseur ». C’était sans doute à ce moment que tout avait basculé, ou plutôt que le chemin que devait suivre le Guerrier Ecarlate s’était clarifié et déjoué de tout obstacle.
Aujourd’hui, il savait quoi faire…
Pendant son sommeil finalement trouvé, des cauchemars. Comme celui si prévisible d’une nouvelle bataille entre Kumo et le Teikoku. Mais cette fois-ci, la surprise et l’avantage n’étaient plus du côté du Feu mais bien de la Foudre. Des Kumojins rebelles, aussi bien au dehors qu’au-dedans. Des trahisons de tous les côtés. Et surtout… la crainte d’un Empereur absent. Des civils innocents perdant la vie, des impériaux massacrés.
Etrangement, Kôsuke se réveilla avant de connaître la conclusion de ce maudit rêve. Mais il la devinait : sans action pour déceler aussi bien les traîtres et rebelles de l’intérieur comme ceux de l’extérieur ou sans le plan auquel il avait pensé… l’Empire ne gagnerait pas.
Quelques moments plus tard, alors que le soleil se levait…
« Je me moque que ce soit pour aujourd’hui, je veux juste suffisamment de papiers disponibles dans une semaine maximum ! S’il y a eu autant de tracts diffusés dans tout votre village, c’est que vous pouvez bien être capables de faire pareil pour l’Empire ! »
Ces paroles purent être entendues par la Régente puisque prononcées par le porte-parole, hurlant auprès d’une conseillère civile du village à qui il avait vraisemblablement passé commande pour une grande quantité de papier.
Sur quoi l’intéressé frappa deux coups à la porte de Hokazuka Rie, avant d’y entrer sans même attendre son autorisation. En de pareilles situations, il n’avait pas de temps à perdre et son intellect limité ne lui permettait toujours pas de faire totalement la part des choses.
« Madame la Régente, merci de me recevoir. Je pense que ce doit être la première fois que nous discutons véritablement en privé. »
En concluant cette première salutation, le Guerrier Ecarlate avait fait attention à bien refermer la porte derrière lui. Et lentement, tandis qu’il pénétrait dans la pièce de son interlocutrice, tout démontrait qu’il s’assurait presque maladroitement qu’ils étaient bien seuls.
Il reprit donc, le regard aussi fuyant qu’observateur.
« Vous devez être au courant pour ces histoires de tract, de rébellion et de Raikage. »
Ce fut à ce moment précis que ses yeux allèrent tutoyer ceux de la jeune femme. Il ne la dévisagea pas, mais son regard ne la quittait plus.
« J’ai besoin de savoir si vous êtes une alliée ou une rebelle. Même dans les deux cas, j’ai un plan à vous soumettre… »
Il faut agir dans l’intérêt de l’Empire. Oui, plus que jamais.
« … qui nous permettrait de gagner, ou plutôt, de ne pas perdre. »
L'appel écrit avait relancé une machine que tu songeais endormie. La résistance n'avait rien d'une blague, et semblait s'être alliée à un groupe nommé le Fukkatsu. Il était très simple pour toi de tirer la conclusion que celui-ci était composé des ninjas ayant disparu du village ou surtout... n'y ayant jamais remis un pied depuis la résonance mondiale. Un nom avait même été donné : Uzumaki Sazuka, une des soldate... ninja les plus investie pour Kumo... avant le grand jour. Elle s'autoproclamait Raikage ; et pour la première fois, un sourire triste marqua tes traits. Après tout vos efforts, le cycle se répétait. Une tête qui tombe, une autre prend sa place. Il y aurait toujours des hommes qui déciderait de leur propre statut... Et en blâmant Rei d'avoir ainsi prit le pouvoir ; tu voyais toi un miroir complètement identique quand on parlait d'une nomination de Kage, qui n'a pour simple argument que d'être « le plus puissant du village ». Encore une fois, on mélangeait force et sagesse, on confondait le bon et le mauvais ; alors qu'ils étaient presque identiques. Deux noms, deux visages : des similis. Dans un soupir, ta main lâche l'affiche vers un sol poussiéreux, à l'abandon, comme tes rêves. Du temps. Tu manquais de temps. Et tes idéaux ne seraient jamais entendu ni compris ; car ils étaient bien trop précoces pour une terre meurtrie par le passé.
Tu entends jaser au loin, frapper, râler. C'est finalement ta porte qui explose sous un coup de pression ; et tu vois l'écarlate te faire face avec aussi peu de tact que le monde lui décrivait. Tu te serais bien passée d'un interrogatoire en cette période critique ; mais tu comprenais que l'Empereur envoie son porte parole lui même pour prendre la température des événements. Mais cela voulait aussi dire qu'il doutait de toi... peut-être à juste titre.
- Bonjour, Kaguya-san
Un ton neutre, frigide, à ton image
- C'est là tout le problème ; j'ai été placée comme médiateur, seule m'importe la cohésion de ces deux … « extrêmes » qui doivent vivre ensemble.
Une réponse hybride ; qui témoignait bien que ton choix n'était pas aussi tranché qu'escompté. Bien que tu n'aies aucun lien avec la résistance, ni leurs actes, tu espérais toujours qu'un jour, ils comprendraient que l'Empire, sous ton regard, n'avait qu'un but d'unification, rien de plus, rien de moins.
- Ceci dit, je suis toute ouïe, la pression grimpante actuelle n'est pas satisfaisante, nous nous devons d'intervenir ; immédiatement.
Sois toi-même. Kôsuke en avait bien l’intention. Laisse-toi guider par ton instinct, par qui tu es. Difficile de faire autrement, tant l’esprit du Kaguya était surmené de ces rappels constants, comme s’il cherchait à se rassurer. Mais sa décision était prise, et tout ce qu’il av ait vérifié jusqu’à maintenant accompagnaient ce plan qu’il se préparait à présenter à Hokazuka Rie.
Car cette dernière, si elle n’avait pas su véritablement prouver son appartenance et sa fidélité totales à l’Empire du Feu, avait réussi à faire bonne impression pour un premier échange à son interlocuteur. Et comme ce dernier l’avait dit à la jeune femme : cela lui importait au fond de connaître le camp ou les motivations de la Régente, tant il était sûr des bienfondés de sa réflexion et de son plan d’action.
Soudain, il se vit la main sur le front, comme s’il trahissait devant la kunoichi son mal de tête en cours. Il secoua la nuque et replaça sa main droite le long de son corps, avant de s’excuser.
« Excusez-moi, un mal de crâne… J’ai peu dormi. »
Il y avait de ça, mais ce n’était pas tout. Qu’importe, personne n’avait le temps ni d’avoir des migraines ni de s’en plaindre. Il fallait agir immédiatement, comme l’avait souligné Rie. Et c’était d’ailleurs cette phrase qui avait donné une certaine confiance au Kaguya. Peut-être ne serait-elle pas un allié sur le long terme, mais elle suffisait pour ce qui était à venir, là, dans les prochains jours voire les prochaines semaines.
L’expression du Kôsuke se voulut plus rustre et sérieuse. Si son regard se baladait encore à différents endroits de la pièce, encore une fois pour se rassurer que personne ne les écoutait, il envoyait à la Régente une décision qui était à l’origine de tout.
« Yamanaka Rei n’est toujours pas rentré de sa mission officieuse. Mais entre ce tract à Kumo, et ma rencontre avec ceux de l’extérieur qui se prétendent Kumojins et même Raikage, l’urgence veut que nous agissions par nous-mêmes, sans nous reposer sur notre Empereur… »
Il reporta son regard vers la jeune femme.
« … et il est hors de question que j’abandonne mon peuple. »
Tandis qu’il continuait à faire les pas pour couvrir toute la pièce, le Guerrier Ecarlate finit par s’arrêter à un coin. Et en reposant son dos contre le mur, il croisait les bras. Il soupira. Les choses sérieuses allaient commencer maintenant.
« Si j’ai pensé à tout, nous n’aurons besoin que d’une réunion avec quelques Capitaines, une bonne quantité de papier et la présence de Chôkoku Tomoe, celle que l’on appelle l’Explosive. »
L’ancienne Capitaine, dont le surnom était évocateur d’un tempérament encore plus extrême que celui du Kaguya. Il l’avait rencontrée, mieux encore, il était parti à sa recherche quelques temps après la conquête de Kumo. Et même s’il ne l’appréciait pas spécialement – notamment parce que son ego était trop présent pour accepter qu’une femme ait fait davantage parler d’elle que le Guerrier Ecarlate – il la respectait totalement. Et sa présence serait sûrement cruciale dans le plan.
Le Kaguya se releva pour s’approcher davantage de son interlocutrice. Il était temps de lui dévoiler ce qu’il avait en tête. Oui, elle sera d’une aide précieuse. Il fallait juste qu’elle comprenne les enjeux…
« Pour comprendre le plan, il faut que je vous explique ce que je suis allé faire à Hayashi no Kuni… »
Et s’en suivirent de longues minutes durant lesquelles le porte-parole de l’Empire dévoila toutes ses réflexions à la seule alliée dont il avait besoin…