Le sol était encore légèrement humide lorsque l’aspirant ninja entra dans l’un des parcs du village, souriant, il aimait à profiter de ses rares temps d’accalmie. Ses yeux verts exploraient calmement les alentours, il s’habituait au rythme des gouttes d’eau qui ruisselaient des arbres, des légers bruissements que produisaient le vent et la faune. Il n’y avait rien de dangereux dans ce parc-pensait-il tout du moins- mais s’il était là, c’était bien pour affronter son adversaire de toujours. C’est cela oui, pour Yüki même un agréable parc pouvait cacher le pire des dangers. Il faut néanmoins ajouter à son mérite qu’il était véritablement résolu à triompher de cette adversaire. Il affrontait ses phobies une par une et son terrible adversaire du jour n’était autre qu’une tortue.
Le courageux adolescent arriva près de l’étang résolument déterminé, sa mâchoire était serré, ses poings fermés. Il fronça les sourcils avant de prendre ce qui pourrait être considéré par la plupart des personnes comme une posture de combat, pour lui, il s’agissait simplement de prudence. Il avança délicatement, les deux bras en avant, solidement sur ses appuis tout en scrutant les environs. Relevant le défi – l’ignorant parfaitement en réalité- la tortue se mit à bouger tout aussi délicatement qu’Yüki. Cette synchronisation entre l’homme et la tortue offrait un spectacle d’une rare unicité ; mais le ninja aguerri ne saurait perdre ce duel et la distance entre les deux ne cessait de décroitre.
Totalement absorbé par les mouvements de l’adversaire, le brave arriva finalement à portée du reptile. La tortue, avait elle aussi prit sa décision, ainsi au même instant, alors que Yüki approchait sa main de la carapace en tremblant ; celle-ci décida … d’avaler les pissenlits qui se trouvaient à proximité. Ce faisant, l’animal dégagea une aura subite qui obligea le Genin à faire un bond en arrière. Combien de tours cette satanée tortue peut-elle bien encore caché ?
Essoufflé par son aventure, il se laissa finalement tombé sur le sol soupirant, de frustration tout en continuant de fixer son opposant. Il ne rentrerait pas avant d’avoir triomphé de son adversaire. La guerre n’était pas fini, il se concentra sur sa respiration, une fois calmé, il y retournerait. Cette fois, c’était sûr, il caresserait cette tortue et triompherait de l’une de ses phobies !
Je m’ennuie. Tu l’as sans doute deviné, je n’ai pas mon sourire habituel, me promener là avec un livre à la main. Tu te demandes si je m’amuse à jouer à la petite fille parfaite ? Tu me surestimes un peu je pense, je ne suis pas si excentrique, je ne peux pas tout le temps m’amuser. Simplement cette petite brise, suffit-elle vraiment à ce que tout le monde s’ébahisse devant la beauté de la nature ? Tu irais jusqu’à dire que c’est agréable ? Je ne sais pas, pour moi c’est simplement monotone, je suis contente que tu aies décidé de me suivre pendant un moment, qui que tu sois, je te promets qu’après quelques temps à mes côtés, ses plaisirs simple ne te suffiront plus. Je ne suis pas frustrée, simplement impatiente, tôt ou tard se vent finira bien par produire quelque chose d’inattendu. On dit que je suis imprévisible, mais celle qui l’est vraiment c’est la nature pas vraie ? Elle te demande de te détendre, de profiter d’elle et lorsque tu t’y attends le moins, elle vient te surprendre et t’inviter à jouer.
Oh ? Tiens regarde par exemple, ce garçon, il a l’air de s’amuser. Je me demande à quoi il joue, il y a vraiment beaucoup de gens unique hein ? Réussir à s’amuser dans un endroit aussi ennuyant, tu veux savoir ce qu’il fait toi aussi hein ? Allons lui demander ! Ouah, il a l’air super concentré, il ne m’a même pas remarqué, sa posture on dirait qu’il affronte un horrible adversaire. Jalouse ? Bien sûr que je le suis ! Regarde-le ! Il est tellement passionné. Terrifié ? Tu as raison ça semble plus approprié, mais… Attends, avançons encore un peu je crois que c’est… une tortue ? Ahhhh ! Quel homme admirable. Viens, rapprochons nous un peu. Regarde comme il tremble, oh ! Il s’approche ! Gambatte shonen !
Ah mince ! Pile au moment où il allait gagner ! Viens, encourageons-le ! Un homme qui veut défier l’inconnu, est-ce qu’il y a plus belle image ? Il ne m’a toujours pas vu, alors commençons par nous faire remarquer ok ? Je m’approche et pendant qu’il prend sa respiration, je lui mets tendrement ma main sur l’épaule, je ne peux contenir ma joie, un garçon encore plus jeune que moi à lui aussi compris qu’il n’y a rien de plus intéressant que se laisser porter par l’inconnu.
Spoiler:
C’était impressionnant ! Vraiment ! Je t’ai vu mené ton combat, tu y étais presque !
Trop proche de son visage ? Ah… Je me suis encore laissé emporter ! Mais il peut ressentir toute ma ferveur d’ailleurs. Mais maintenant que j’y pense, son jeu est encore incomplet, il n’y a pas vraiment de risque ; même s’il s’agit d’un combat pour lui. La façon dont ses yeux verts fixait la tortue, il est sur le bon chemin mais je dois le guider. Comment ça ? Eloigner mon visage du sien ? Si tu veux, mais ce n’est vraiment pas ça l’important.
Faisons un pari !
Ah… Je peux sentir mon visage se déformer sous le coup de l’émotion, mais, mais… Ce garçon est sur le point de découvrir à quel point la vie peut être amusante, comment tu veux que je reste calme ? Tu peux la sentir monter en toi aussi hein ? Cette folle excitation ! C’est décidé !
Toi, là, la jeune fille ; tu veux parier aussi hein ?
Quoi ? Tu pensais que parce que j’étais concentré sur lui je ne l’avais pas remarqué ? Tu es bien naïf !
Triste folie qu’est la phobie, une vraie tortue-re je vous dis! Toute une aventure s’annonçait. Je vous explique. En cette sublime journée, j’avais toutes les raisons du monde de célébrer : je ne travaillais pas. Bam ! Congé ! Allait-on me préparer une fête surprise pour cela ? Non. Zut. Déçue qu’on ne puisse me fêter, il me fallut m’occuper. Aussi, après avoir ajuster ma fidèle prothèse, entrepris-je donc d’aller marcher, me balader, ne pas trébucher jusqu’au parc d’à côté. Telle la tortue d’une fable shinobi bien connue, je pris mon temps, et mon temps, et mon temps, compétitionnant contre le fameux lièvre (Dans mon esprit, il était là, je vous jure docteur !) trop fier de ses capacités pour savoir que rien ne servait de courir et qu’il fallait partir à point. Bref.
La température était bonne, pour une journée d’hiver. Je vous le dis, j’en avais bu tout un plein verre. Les rues, pourtant, étaient un désert. Pas un panda à l’horizon, malheur, il aurait pourtant fait mon bonheur. Je continuai ainsi ma route en plein Kumogakure, me voyant main dans la main avec un Hercule pourtant imaginaire, deux jeunes tourtereaux bien fougueux, bien amoureux. Le rêve.
C’est alors qu’au loin, dans le parc qui se dévoilait devant moi, je vis ce qui me sembla être un petit bout-de-chou, tout recroquevillé, semblant effrayé, que dis-je, phobique comme pas possible, par une créature on ne peut plus chou. C’était, visiblement, mignon comme tout. Puis, une autre personne, plus féminine celle-ci, s’approcha du gamin jusqu’à lui toucher l’épaule de la main. Tellement féminine que c’était une femme, je vous le dis. Elle me sembla, au premier coup d’œil, des plus louche. Une autre kidnappeuse? Cette espèce courait les rues du village, ma foi ! Je pris le temps d’observer la scène, histoire de saisir ce qui, bientôt, m’apparut en fait comme une simple rencontre entre deux parfaits inconnus. Chouette. Pourquoi ne pas aller les saluer ?
« Salut ! » dis-je simplement.
Mais la féminine femme louche m’avait déjà vue. Se retournant prestement, férocement, à-me-rendre-phobique-d'elle-ment, sans dire bonjour ni donner son nom hein, elle me sorti la question à laquelle je m’attendais le moins. Parier, moi? Sur quoi? Je n’en avais fichtrement pas envie, pour tout vous dire, mais cette personne me faisait tellement craindre pour ma vie, allez savoir pourquoi, que je ne pus que conclure par un oui. Je hochai donc nerveusement la tête et m’empressai de répondre.
« Je... Je veux bien, haha. Qu’est-ce qu’on peut parier ? Notre vie ? Des années de servitudes sur le Hollandais Volant ? D’ailleurs, moi c’est... c’est Natsumi ! »
Une blague à la Natsumi. N’allez pas prendre ça au sérieux, voyons, ma chère amie (?), ma nouvelle phobie.
Maintenant que le combat avait commencé, le courageux Yüki ne prêtait plus d’attention qu’à son adversaire. Il ne ressentait plus ni la brise, ni l’humidité du sol. Son monde se résumait à lui et à son opposant. Plus il regardait la tortue mastiquer, plus il sentait la différence de niveau palpable entre eux. Son cerveau sous le choc interprétait la scène de la manière la plus déviante possible : cette tortue était tellement forte qu’elle se permettait de manger en face d’un humain qui était en posture de combat. Combien d’adolescent cette tortue avait bien pu traumatiser ? Avait-il véritablement prit la bonne décision en venant seul au parc en voulant vaincre sa peur ? Il avait été arrogant se disait-il. Cette tortue est beaucoup trop forte pour moi se disait-il alors qu’il sombrait dans le désespoir en baissant légèrement les épaules.
C’est à ce moment qu’une main se posa délicatement sur son épaule, le retour au monde réel fut néanmoins incroyablement brutal. Ayant monopolisé son attention sur le reptile, il n’avait pas entendu la jeune femme s’approcher de lui. Sa peur déjà à son paroxysme explosa lorsqu’il comprit que quelqu’un se tenait derrière lui. Et alors qu’il se retournait telle une furie pour crier, la jeune femme lui coupa littéralement le souffle en rapprochant son visage du sien. Médusé, il mit quelques instant avant de comprendre les mots qu’elle avait employé, puis de corrélé cela avec le ton enjoué de la jeune fille. Elle ne se moquait pas de lui ? Elle semblait même l’encourager ?
Cette femme à beaucoup trop d’énergie pensa-t-il – comme si cela était la seule chose étrange dans cette situation-, légèrement rassuré, il en profita pour acquiescer et se calmer. Mais cela était peine perdu, puisque cette dernière semblant avoir du mal à se contenir proposa un pari avant d’interpeller une autre jeune fille qu’il n’a pas non plus remarqué. S’il y a bien une chose Yüki détestait, c’était l’imprévu. D’un bond, il se redressa et se tourna pour faire face à l’autre jeune fille. Celle qui se présenterait sous le nom de Natsumi fit bien un meilleur travail pour calmer l’adolescent. Elle semblait elle aussi légèrement déconcertée.
Un pari ? Dans cette situation ? Et puis d’où sortait soudainement ses deux filles, ce parc était très peu fréquenté en ce moment. Trop de pensées, trop de scénarios possibles commençaient à surgir dans l’esprit du jeune homme. Il saisit donc avidement la seule parcelle de cohérence que Natsumi lui avait offert, et pointa doucement son index vers lui-même avant de dire :
- Yüki. Je m’appelle Yüki.
Il s’arrêta, tentant de remettre les derniers évènements dans l’ordre. Cela fait, il reprit la parole, plus calme.
- Natsumi-san, vous n’avez pas l’air de connaître cette femme pas vrai ? Vous ne devriez pas accepter ce genre d’offre aussi facilement. Et puis… Parier sa vie ? Si votre but est de vous moquer de quelqu’un de plus jeune, vous ne devriez pas trouver quelque chose de plus cohérent ? Personne ne serait assez stupide pour parier ce genre de chose…
Il se tourna ensuite vers celle qui avait proposé le pari. Sans savoir quoi ajouter, il tenait à la remercier pour ses encouragements, mais cela devrait attendre, il avait besoin de plus d’éclaircissement pour l’instant. Son regard confus indiquait clairement qu’il cherchait plus d’information. Mais comme tout homme qui se laisse distraire par des femmes, Yüki alors qu’il cherchait à comprendre la situation perdit de vue l’important. La tortue était dorénavant repue et venait de faire un premier pas vers le jeune homme qui lui tournait à présent dos.
Je veux jouer. Ce timing, le fait qu’on soit tous les trois ici… Tu vois je te l’avais bien dit que la nature capricieuse nous réservait des surprises. Je veux jouer encore plus. Tu penses que je leur fais peur ? Ah bon ? Mais c’est justement ça qui est intéressant, je pense. Lorsque les gens affrontent une situation inattendue, en général ils sont plus susceptibles de montrer leur vraie nature. C’est à ce moment-là, quand on se sent nu et surpris que la véritable magie puisse arriver. On dirait que je ne t’ai pas convaincu, peut-être bien que je ne me cherche que des excuses. Mais, dis-moi, si tu es là avec moi… c’est exactement pour ça non ?
Cela étant dit, je pense sincèrement être la personne la moins intéressante aujourd’hui, cette jeune fille, elle est véritablement adorable n’est-ce pas ? Quelle chance qu’elle soit là aujourd’hui. Qu’a-t-elle ressenti lorsque je l’ai interpellé comme ça ? Lorsqu’en quelques mots je lui ai ouvert un nouveau chemin. Je veux le voir, les choix qu’elle peut faire. Elle et se garçon, je veux les comprendre, je veux vivre à travers leurs émotions. Ce n’est pas bon, si je ne me calme pas je vais vraiment tout gâcher.
Je me baisse doucement après qu’ils se soient chacun présenté, pliant légèrement les genoux afin d’exprimer mon respect. Ce moment qu’ils vivent, je ne veux pas le gâcher avec mes propres émotions ; je ne fais pas semblant d’être douce ; mais c’est là le seul avantage de la politesse. Je peux exprimer ma profonde joie de les rencontrer tout en les laissant profiter de leurs propres émotions. Puisqu’il est trop tôt pour vous offrir mon cœur, contentez-vous de cette révérence je vous prie.
Je m’appelle Yumeko.
Je veux vraiment savourer ce moment. Nous n’avons tous les trois aucune idée de ce qui peut arriver, mais c’est exactement cela que nous recherchons tous. J’aimerais que tu sois là pour partager cette tension avec nous. Elle est surprise mais curieuse, il est méfiant mais cherche une explication. Quel genre de partie va-t-on pouvoir faire ? Oh mon dieu, quelle joie. Vous cachez votre jeu Natsumi-san, je ne pensais que vous aussi aimiez vivre la vie avec autant de ferveur. Face à autant de générosité je ne peux qu’accepter, très bien, parions nos vies Natsumi-san.
Tu me juges toujours lorsque tu remarques que je suis incapable de retenir un soupir d’exaltation. Tu es bien dur, alors que c’est la seule chose qui trahit ma satisfaction. Et dire que j’aimerais tellement lui prendre les mains pour lui communiquer toute mon émotion… Il faut vite terminer les préparatifs.
Yüki-kun, nous ne voulons absolument pas te faire peur. Si je devais être quelque chose, je serais probablement une admiratrice ! La façon dont tu affrontais ta peur en oubliant tout le reste, tu es une inspiration. C’est décidé. Natsumi-san ! Parions sur Yüki-kun et tortue-kun. Puisque j’ai été celle à t’inviter, je te laisse choisir ton camp en premier.
Une fo-folle follement obsédée par les paris. Quelle folie ! Frayeur. Connaissez-vous ce sentiment, insidieux, ce doux baisé empoisonné, froid, glacial, frigorifique à un degré tel qu’il vous cloue sur place, figée, paralysée, terrorisée, le souffle coupé, incapable de quoi que ce soit sinon guetter ? Ces sueurs froides qui vous grimpent le dos, s’accrochant à votre peau tels des crochets, non, des aiguilles, non, des barbelées dont vous êtes les prisonniers. Vous angoissez, bouche-bée, essoufflé, vous sentez bientôt votre cœur exploser. Vous y voilà, la proie d’une difforme créature désincarnée, une vile ombre qui vous berce, machiavélique, de ses serres acérées. Attention, elle s’y est attachée, elle ne vous laissera plus tombée. Vous êtes maintenant son bébé, son déjeuner, qu’un délicieux gouter ! Elle prend plaisir à vous déguster tout entier. Oui. La terreur. La vraie. C’est elle. C’est un pari risqué. Jouons avec elle. Vous aimerez, vous verrez. Ou pas. On verra. (Merci Yumiko, ma chère, tu m’as vachement inspirée !)
* * * * *
Je fis, d’un seul coup – Paf !, le constat, horrifiant, de la gravité de ce que je venais de proposer, bien malgré moi, à la blague. Parier sa vie ? Quelle stupidité ! Une méchante bonne leçon, avais-je appris, je vous le dis ! Cette jeune fille, cette obsédée, cette Yumiko, m’avait manipulée, purement et simplement, par son habile initial effet choc. Mesquinerie, oh oui. Ce n’était pas consenti et, pourtant, j’avais dit oui. Mais qui était-elle, que voulait-elle, pour ainsi proposer un tel coup de dés? J’en avais dès lors envie de pleurer, de ne plus participer, d’oublier. Je regrettai. Oui, vraiment. Je ne pouvais imaginer que je la verrais trucider de si bonne heure ma pauvre personne. J’espérai tantôt me réveiller de ce cauchemar et ainsi repousser le tourment, la hantise, à plus tard. Pour toujours. Toujours.
Son effroyable passion me saisit à la gorge de plus belle, alors qu’elle m'interpellait cette fois, me questionnant sur mon choix. Le bout-de-chou allait-il vaincre, ou se laisser emporter par ses craintes? Gamin ou tortue ? Difficile de décider. Impossible de se sauver. J’étais piégée. Intensité élevée, mais je devais me bouger. Bouge Natsumi, bouge !
J’observai tour à tour mes deux nouveaux... amis, puis, inspirant un bon coup (ouf! Enfin !), pris parti. Ma décision était prise, direction le riquiqui. Mon camp était déterminé. J’avais confiance en lui. Vas-y, le riquiqui !
« Je... Je vais parier. Hm... Je pense... Je... Je... Je vais parier sur Yüki-ku..kun. » réussis-je de peine et de misère à bégayer. Malheureuse.
J’espérai intensément que le jeune adolescent gagnât son combat. J’en implorai tout un chapelet de divinité, afin de l’épauler, et qu’il reste bien borné dans son duel contre la tortue-re de phobie. Oui, même la déesse créatrice du beau Kappa, mon trésor de panda. J’eus d’ailleurs une pensée toute particulière à son endroit, alors que, visiblement, ma piètre existence semblait sur le point de se terminer. Quel drame. Quelle terreur... La vraie. Jouons : Alea jacta es.
Cette ambiance était incroyablement malsaine. Même un adolescent aussi jeune que le Genin pouvait s’en apercevoir. La rapidité avec laquelle la situation avait évolué, la passion de la jeune fille Yumeko avait rapidement prit le pas sur le cœur de la jeune Natsumi. En réalité Yüki aussi ne put s’empêcher de retenir un frisson d’excitation qui lui remontait dans le dos. Son cerveau rationalisait en ce disant qu’elles plaisantaient, mais l’idée que cela soit réel força un sourire gêné et malsain sur son visage. La raison de ce sourire était particulière, lui-même n’avait aucune idée de ce qui allait se passer. Il était l’un des principaux –si ce n’est le principal- acteurs du pari, mais même lui n’avait aucune idée du résultat.
Le jeune homme secoua la tête vivement. Bien sûr que si il avait une idée du résultat. Il avait laissé l’atmosphère ambiante pesé sur lui, mais c’était évident qu’il allait réussir l’épreuve. Après tout il était venu pour ça, il y a quelques instants à peine, il se disait qu’il ne rentrerait pas chez lui avant d’avoir vaincu sa phobie. Cette fille… Yumeko avait réussi à le déconcerter à ce point commençait-il à penser. Mais de toute façon, tout cela n’était qu’une hypothèse pensait-il, il souffla pour chasser ces pensées lorsque Natsumi commença à répondre.
Elle semblait terrifiée, autant que Yüki il y a quelques instants. Elle était sérieuse ? Ces deux filles allaient vraiment parier ainsi ? Elles étaient vraiment des inconnus ? Impossible de dire laquelle des deux étaient la plus folle. Yumeko semblait sincèrement penser chacun des mots qu’elle disait, mais sa façon de voir le monde était totalement chaotique. Natsumi quant à elle en acceptant ce pari avait laissé beaucoup trop d’influence à une inconnue. Cependant le fait que la jeune fille décida de lui faire confiance lui donna du baume au cœur.
Le fait qu’elle décida de faire confiance au Genin était la réalité, c’est un domaine où la peur n’a plus sa place. Un Genin n’allait pas perdre face à une tortue. Cela donna du baume au cœur du brave jeune homme, son regard se durcit en se tournant vers Yumeko. Bien qu’elle lui ai fait des compliments, elle pensait tout de même qu’il y avait suffisamment d’incertitudes pour que ce soit un pari. C’était là son erreur. Yüki grâce au choix de Natsumi retrouva une réalité dénué de peur pendant quelques instants. La possibilité qu’il puisse échouer ne lui venait même plus à l’esprit. Il ne laissera pas Yumeko prendre de l’influence sur elle. Il en était hors de question, il resterait accroché à la réalité et gagnerait ce pari.
Le jeune homme serra les dents et les poings, son regard se durcit un peu plus. Déterminé il se retourna pour faire de nouveau face à la tortue et ne la vit pas…
Et oui ! Celui qui avait fait une erreur était bien Yüki, à cause de toute la tension de la conversation il n’avait pas remarqué les silences et les moments où les personnages se dévisageaient chacun. En réalité, il n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis le début de la conversation ; il avait perdu de vue son adversaire et n’avait aucune idée d’où il pouvait être. Face à l’inconnu, le choc le propulsa directement à nouveau dans son imaginaire dominé par les émotions. Et dans cette imaginaire, la première chose dont il se souvint fut le sourire malsain de Yumeko… Il n’en fallut pas plus pour que l’imaginaire du garçon commence à nouveau à tordre la réalité. Elle avait tout prévu depuis le début ?
La tortue… la tortue… ne me dites pas que...
Il baissa les yeux avec effroi, pour voir finalement la tortue, qui n’avait guère avancé que de quelques centimètres. Mais la tortue avait bien avancé dans sa direction. Il ressentit cette fois tout l’aura du reptile, ainsi que son regard maléfique. Confondant réalité et imaginaire, se servant du détail le plus distordu possible, Yüki succomba ; perdant conscience sur le coup.
Je fonds. Habitues toi vite. Ce léger frissonnement qui se transforme peu à peu en tremblement, le battement de mon cœur qui s’emballe, ce cœur qui propulse à toute berzingue mon sang dans tous les recoins de mon corps. Ma vue qui devient légèrement flou, mes jambes qui deviennent tout à coup impuissante, cette sensation de profiter tellement de la réalité qu’on se sent déconnecté. C’est cet état que je cherche constamment. Tu penses que je suis folle ? Je ne sais pas si tu es vraiment honnête, après tout, toi aussi tu dois ressentir ce moment. Là à l’instant je viens de confier ma vie à l’inconnu sans savoir s’il me le rendra ou non. Tu ne profiteras pas si tu essayes simplement de comprendre, laisse toi guider, ne te bats pas ; profites.
Dans ces moment-là, je me sens obligé de me connecter à la réalité, vérifié que tout cela n’est pas un rêve, cette main qui me touche le visage. C’est bien réel n’est-ce pas ? Ce moment que l’on partage tous ensemble, il nous appartient vraiment n’est-ce pas ? Natsumi-san, en ce moment, je profite tellement de toi que j’ai l’impression d’entrer dans ton cerveau. Chacune de tes respirations, ton hésitation, la peur qui grandit peu à peu en toi. La façon dont tu sembles te demander si tu sombres dans la folie… Dis-moi Natsumi-san, te sens tu aussi vivante que j’en ai l’impression ? Arrives-tu quand même à cerner l’importance de cet instant ? Profites-tu vraiment Natsumi-san ? J’aimerais qu’elle me réponde, mais c’est égoïste de ma part, je dois la laisser savourer cet instant.
Ah ! Le regard que Yüki-kun me lance en ce moment. Tu penses qu’il est en colère ? Je ne pense pas, c’est plus de la détermination non ? Ah ! Natsumi et Yüki sont tous les deux vraiment des personnes admirable n’est-ce pas ? Après tout aucun des deux n’a pensé fuir ou refuser ce défi. Avoir la chance de croiser des personnes aussi vivantes, c’est tout de même autre chose que s’ébahir devant la nature morte non ?
Tu es sous le choc des émotions pas vrai ? Ce n’est pas souvent qu’on peut apprécier ce genre de moment. Mais je vais te révéler un secret : même si toute la saveur d’un pari réside dans le fait de sauter dans l’inconnu. Il faut faire sois même faire le saut pour que cela ait de valeur mais avant de prendre la décision, il faut tout observer, de la profondeur à la largeur du gouffre, voir si il y a des branches auxquelles on peut se rattacher. Il ne faut vraiment jouer que lorsque l’on pense gagner. Les personnes qui sautent en voulant simplement perdre sont simplement des masochistes, ou plutôt des égoïstes qui veulent s’accaparer tout le plaisir pour eux. Ils ruinent tout un jeu pour leur propre plaisir.
C’est pour cela qu’il est rare de trouver des gens aussi intéressant, certains ne sautent pas ; d’autres ne le font que pour souffrir. Ceux qui subissent l’effet de la peur sont les véritables héros. C’est pour ça que du fond de mon cœur, Natsumi-san, Yüki-kun je vous aime et vous remercie pour ce moment. Même s’il s’évanouit et que tu as l’air de te moquer, il grandit un peu dans ton estime à toi aussi pas vrai ? C’est pour ça, que je ne vais pas laisser ce héros se salir en tombant. Maintenant que je le tiens dans mes bras je me rends compte à quel point il est lourd, c’est bien un ninja on dirait. Lorsque l’on succombe à la peur, le meilleur chemin vers la réalité est la douleur. Si je lui pinçais la joue, cela devrait suffire pas vrai ?
Oh tu as raison ! Je ne peux pas me permettre d’oublier Natsumi !
Natsumi-san. Pour ce moment… Je ne sais pas comment te remercier. Tu t’es bien amusé ? Ce moment où tu ne contrôlais plus rien, comment tu l’as vécu ? Dorénavant on va pouvoir jouer ensemble encore et encore pas vrai ?
Tension à son maximum. Atmosphère électrisante. J’en perdis mon latin, paralysée. J’étais prise avec une folle et cette situation avait le potentiel de polariser tout Kumogakure dans notre direction ! Ce n’était pas le coup de foudre entre nous, c’est certain, mais elle avait cette force, cette puissance, ce magnétisme, qui pouvait vous attirer à parier jusqu’à votre vie. La gravité de la situation ne faisait aucun doute: je devais assumer le poids de cette décision, sans broncher, sans disjoncter car, vous l’avez sans doute compris, le riquiqui s’était évanoui devant la tortue, l’immensité de sa phobie.
Colère. Le combat avait pris fin rapidement. Une minute ou deux et le voilà déjà à terre, assommé, évanoui. Foutu riquiqui. Autant dire qu’il me laissait, mais solidement, tomber, ce cancre. Pour une habituée des chutes honteuses et autres cascades extraordinaires, celle-ci fut, sans l’ombre d’un doute, la pire d’entre toutes. Qu’allait faire la féminine femme folle, Yumeko, beaucoup trop enthousiasmée par cette peur, cette imprévisibilité, ces émotions, par l’intégralité de ce jeu de hasard ? Sûrement rien, non? Le jeu allait s’arrêter ici pour laisser place à mon quotidien habituel, n’est-ce pas? Déni. L'angoisse et le regret me rongeaient à petit feu et un deuil prochain me guettait : celui de mon cher partenaire Tengoku et, enfin, celui de ma propre existence, de mon ancienne moi. Je vis défiler devant mes yeux le film de ma courte, trop courte vie de personne libre, mais ô combien intense. Le voyage de ma famille à partir d’Hi no kuni, mes débuts à l’académie comme jeune shinobi, l’obtention de mon grade de genin, la perte de ma jambe lors de la prise de Kumogakure par l’Empire du Feu, tout s’y passa. Un prénom vint aussi en mon esprit. C’était celui d’une jeune femme, d’environ le même âge que moi, que j’avais rencontrée quelques années auparavant et qui était aussitôt devenue ma meilleure amie, Medyûsa. Nous ne nous étions pas revues depuis mon ‘accident’, depuis l’installation de ma prothèse. J’avais terriblement envie de les voir, Tengo et elle, là, tout de suite, maintenant, et de les serrer dans mes bras, en recherche de réconfort. Tristesse. Peut-être Yumeko allait-elle laisser le résultat du pari en plan, sans jamais rien n’y faire, si? Je pouvais aussi tenter de nier, ou bien marchander, lui proposer une chose autrement plus raisonnable non? J’en doutai, abattu. Je devais m’y résigner, voilà. Je lui répondis donc avec les larmes aux yeux, sans vraiment d’espoir et, surtout, apeurée par ce qu’elle voulait faire ensuite:
« Je... Je... J’ai perdu le parie, c’est ça? C’était... une blague tout ça, hein ? C’est... absurde de parier notre... vie à une gageure, c’était... que pour... s’amuser, hein Yumeko ? » Dis-je, incrédule. Je n’avais pas envie de lui partager mes émotions et surtout, je voulais savoir ce qui allait réellement résulter de cette cuisante et si humiliante défaite. « Qu’est-ce qu’on... fait... maintenant? Qu’est-ce que je vais... devenir? »
Je me tus enfin, essoufflée suite à cet effroyable effort de parole, tout en fixant attentivement la femme qui se tenait devant moi, scrutant le moindre signe, la moindre petite trahison qui m’assurerait un manque de sérieux, la fausseté d’une pareille situation. J’espérai, profondément, que tout ce cirque ne fut qu’un étrange mirage, comme il y en a tant dans les mille-et-un récit de Kaze no Kuni. Celle-ci, oh oui je sais, je le nommerai ainsi : La tortue et les deux jeunes filles. Un réel drame. Quel choc.