Le lendemain de l’Assemblée improvisée par ceux du Fukkatsu, des pas sereins mais décidés, tu quittes le Domaine des Metaru pour te rendre au lieu où Hokazuka Rie avait élu domicile durant sa régence de Kumo. La jeune femme avait annoncé hier vouloir rester encore deux jours, malgré le départ de « sa faction » du Village Caché des Nuages. Tu espérais donc la voir à cet endroit que tu considérais toujours comme son domicile.
Tu avais beau ne pas porter ceux du Teikoku dans ton cœur, tu reconnaissais cependant que tu éprouvais une certaine reconnaissance envers l’ancienne Régente. Cette femme s’était montrée si soucieuse de votre situation et si prévenante envers vous les kumojin. Elle avait tout fait pour que les kumojin et les teikokujin puissent travailler main dans la main et en toute égalité, malheureusement pour elle, elle avait été contrainte de constater que c’était chose impossible.
Ajourd’hui, Kumo et Teikoku s’étaient séparés et éloignés l’un de l’autre. Une séparation qui s’était déroulée sans violence mais, pour toi, cela ne signifiait pas pour autant la fin de la guerre. En effet, tant que Rei Yamanaka était en vie, tu considérais que tout n’était pas terminé, que la boucle n’était pas bouclée. Néanmoins, ta haine viscérale envers son Empereur ne voilait point ton discernement sur l’admirable personne qu’était Hokazuka Rie à tes yeux.
C’est avec l’intention de faire comprendre ta reconnaissance envers l’ancienne Régente que tu te retrouves à toquer à sa porte alors que le soleil venait à peine de se lever. Pour l’occasion, tu t’étais pârée de ton haori blanc avec l’emblème des Metaru dans le dos par-dessus tes vêtements. Tenue d’apparat que tu ne mettais pourtant habituellement que lors d’une entrevue officielle que tu considérais comme importante pour ton clan …
Les quelques rayons du soleil devinrent timides, étouffés par des nuages qui avançaient à des rythmes différents. Certains voguaient tellement vite qu'ils se déformaient sans cesse, dessinant alors tantôt des visages, tantôt des monstres sur la grande avare qu'était le ciel. D'autres peinaient à se dégager de ta vue, poussés par un vent lent et fainéant.
Contempler les nuages... Était un plaisir silencieux qui se devait d'être fait au moins une fois sur ces terres. Pour sa symbolique... pour sa simplicité aussi.
Plus que quelques jours, et ton regard se voilerait alors de nouveaux horizons, principalement engloutis par les feuilles et les herbes folles. La flore d'Hi n'avait rien à voir avec celle de Kaminari ; mais aucune n'avait à pâlir devant l'autre. Les conforts étaient différents, l'apaisement.. était accessible à ceux qui le cherchaient vraiment. Le calme.. ne venait qu'aux cœurs qui savaient l'écouter.
Des pas se rapprochent de ton perchoir de fortune, qui n'était ni plus ni moins que le bureau sans artifices qui t’appartenait jusque lors. Sans doute serait-il rasé aussi rapidement qu'il avait été installé.
A l'arrivée, un visage connu, que tes yeux contemplent malgré la différence d'emplacement ; tu la surplombait d'un bon mètre, allongée comme un reptile sur le toit du bâtiment.Ton dos se redresse, assez pour adopter une position assise et confirmer l'identité de la jeune femme qui arrivait. Mairu, la directrice de la forge que tu n'avais croisé qu'au loin lors de la reconstruction de celle-ci. Quelques échanges épistolaires avaient convenu de la réouverture et reprogrammation des objectifs de production, mais la Metaru était une bonne négociatrice qui n'avait voulu aucun regard Empirique dans l'enceinte de son antre. Personne hormis Haruka, dont la présence avait déjà été renvoyée au pays.
- Mairu-san... Votre visite est une surprise
Elle l'était vraiment. Tu ne t'attendais pas à beaucoup de passage après que ton titre ne soit contesté. Tes seules attentes étaient plus amères ; des revers de médailles tantôt justifiés, tantôt injustifiés. Beaucoup ici aspiraient à faire subir à l'Empire son propre courroux, mais peu en avaient eu l'occasion. Ta présence ici... était un appât alléchant et indécent.
Tu aurais pu déceler sa présence sur le toit de sa demeure, grâce à ta maîtrise de la sensorialité, mais tu étais venue à sa rencontre sans la moindre méfiance. Et, non pas parce que tu savais pertinemment qu’elle ne t’attaquerait pas - à moins qu’elle eût perdue la tête - mais parce que tu lui faisais confiance.
De nature méfiante - malgré ton air jovial et ta désinvolture - tu accordais rarement et difficilement ta crédulité à autrui mais, à tes yeux, l’ancienne Régente avait fait preuve d’assez bonne volonté pour Kumo et ses habitants pour que tu lui accordasses du crédit. Tu n’appréciais guère les étrangers, surtout pas ceux qui cherchaient à profiter de votre territoire mais tu savais faire preuve de souplesse pour parvenir à accepter ceux qui ne cherchaient pas à vous nuire. A condition que ces derniers n’avaient pas déjà commis l’erreur de t’avoir offensé car ta rancune primait sur ton indulgence. Pardonner était quelque chose dont tu avais bien du mal à exécuter. C’est la raison pour laquelle tu désirais si ardemment la mort de Yamanaka Rei. Jamais tu n’accorderais le pardon à cet homme qui avait humilié toi et les tiens ; même pas après sa mort.
« - Navrée de vous déranger si tôt mais j’avais peur de ne pas réussir à vous trouver avant votre départ. »
En un saut, tu te retrouves sur le perchoir improvisé de la jeune Hokazuka.
Tu lèves la tête pour admirer un bref instant les nuages qui parsemaient le ciel kumojin avant de porter de nouveau toute ton attention sur Rie.
« - Je suis venue vous remettre ceci. »
De l’intérieur de ton haori, tu sors un sabre tantō doté d’un fourreau simple mais brillant de couleur noir de jais. Tu tends les deux mains vers Rie, les paumées ouvertes vers le haut et sur lesquelles se présentait majestueusement le petit sabre.
« - C’est le premier sabre du genre qui a été forgé au sein de la nouvelle forge. J’aimerais que vous l’acceptiez en guise de … souvenir de notre collaboration passée ... Et c’est aussi une façon, pour moi, de vous remercier pour ce que vous avez fait pour Kumo. »
Cette initiative, tu l’avais entreprise de ton propre chef car tu savais que beaucoup des tiens n’auraient pas accepter que tu offrisses un tel présent à l’Hokazuka qu’ils considéraient comme une simple subordonnée de leur tyran.
Lorsqu’on dégainait le sabre tantō, on pouvait voir gravé d’un côté de la lame, près de la garde, un ornement qui représentait l’emblème du clan Metaru et un serpent qui ressemblait à celui de l’Hokazuka. Les deux étaient en parfaite association …
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